04 - Le matin d’après

3 minutes de lecture

Damien se leva immédiatement après la première note de la sonnerie de son téléphone. Il l’attrapa et éteignit l’appareil. Il ne tenait pas à réveiller sa femme. Le matin, il volait une demi-heure, juste pour lui, avant le réveil du reste de la maison et il chérissait ce moment. Il descendait et lisait ou faisait quelques étirements. Il prenait sa douche, s’habillait et préparait le petit-déjeuner.

Il essayait de faire le moins de bruit possible, comme s’il était entré par effraction et ne voulait rien voler mais juste vivre la vie des gens qui habitaient là. Il répétait chaque jour les mêmes gestes, les tasses, le pain, le lait, l’eau à bouillir, le beurre. C’était la routine mais celle qu’il trouvait rassurante, celle qui l’ancrait dans une existence stable, sans problème, celle qui les maintenait tous à flot.

Il avala rapidement un yaourt et un verre de jus d’orange. Il retourna alors dans sa chambre pour réveiller Caroline. Elle ne mettait plus son réveil depuis un long moment déjà. Elle comptait sur Damien pour la réveiller. Elle s’abandonnait à lui, en confiance. Elle détestait les sonneries qui l’arrachaient du sommeil et préférait mille fois la douceur de son époux.

Damien l’embrassa dans le cou, lui caressa les hanches, lui effleura les fesses, lui murmura au creux de l’oreille qu’il était l’heure, qu’il fallait se lever. Elle semblait ne pas l’entendre. Aucun mouvement, aucun signe. Elle était comme une pierre, dans un sommeil lourd qu’on ne pouvait pas percer. Il haussa le ton, la bouscula légèrement. Il fallait qu’elle réagisse.

Caroline, dans son rêve, se battait avec un animal, un rongeur, à l’air féroce, d’une taille immense, qui se tenait sur ses pattes arrière, qui lui montrait ses dents. Elle luttait, le rejetait et s’acharnait contre lui, persuadée qu’il allait s’attaquer à ses enfants, qu’il allait attraper ses bébés pour les emporter dans son antre. Caroline était déterminée à y laisser sa vie pour les sauver.

Elle finit par ouvrir les yeux, découvrant très proche d’elle le visage de Damien, sa barbe grisonnante, ses poils de nez, ses sourcils sombres. Elle referma les yeux une seconde, très fort, pour se réveiller vraiment et laisser le temps à Damien de s’écarter. Elle changea de position, observa la lumière de l’été qui entrait et se brisait sur les meubles et le pied du lit.

« Tu dormais bien, on dirait ! » remarqua Damien, assis désormais au bord du lit. « J’ai fait un rêve atroce. Et franchement j’ai super mal dormi cette nuit… » répondit-elle, sur un ton qu’elle aurait voulu neutre mais qui lui échappa. Damien posa la main sur elle, le regard triste. Il savait à quel point elle avait dû lutter ces dernières semaines.

« Tu n’as rien entendu, toi, je suis sûre » ajouta-t-elle. Il ne savait pas du tout de quoi elle parlait. Il resta silencieux. « Il y avait un animal dans nos combles. Il a fait la fête toute la nuit, à courir, sauter, ou faire je ne sais quoi ! », précisa Caroline. Je ne sais pas ce que c’était mais ça avait des griffes et j’avais l’impression qu’il courait dans ma tête ».

Damien releva la tête vers le plafond. « Là-haut ? Dans les combles ? » demanda-t-il incrédule. « Bah oui ! Comme je te le dis ! » Elle se leva pour se rendre aux toilettes. Damien en profita pour refaire le lit. « Tu te souviens comment c’était fait ? Tu étais monté, à notre arrivée ? » continua-t-elle alors que son urine s’écoulait longuement.

Damien passa devant le miroir de leur chambre. Il se souvenait en effet d’avoir ouvert la trappe, d’avoir déplié l’échelle puis d’avoir laissé la place à Étienne, son meilleur ami, qui l’avait aidé pendant les travaux, juste avant l’emménagement. Damien s’était contenté de se tenir debout sur un barreau de l’échelle, la tête à la bonne hauteur pour visualiser l’ensemble de l’espace.

« Oui, oui… » annonça-t-il à son double. « Très bien. Bah il faudra y retourner si cette bête décide de s’installer chez nous. Je ne veux pas d’un invité surprise ! » ajouta-t-elle en cherchant la bonne température de l’eau avant de se doucher. Il la regarda se laver. Elle avait laissé la porte entrouverte. Quelques mois plus tôt, il serait venu la rejoindre. Il profita juste de la vision de son épouse qui se lavait un peu machinalement.

Cette histoire d’animal qui marchait dans les combles lui resta en tête toute la journée. Il n’était pas impossible que Caroline ait totalement rêvé cet épisode. Après un traumatisme comme celui qu’elle avait vécu et les semaines suivantes pendant lesquelles, elle avait en quelque sorte touchée le fond, il ne serait pas totalement étonnant qu’elle imagine des choses qui n’existent pas.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Romain Marchais ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0