06 – Traque sur la toile
Caroline s’était jetée dans le travail pour reprendre pied. Elle ne refusait rien, aimait l’idée d’être submergée, de ne pas savoir par où commencer. C’était autant de temps pendant lequel elle n’avait pas à penser. Ce qu’elle redoutait le plus, c’était quand son regard se perdait par delà la fenêtre. Elle partait alors très loin au fond d’elle, dans la partie la plus noire et craignait toujours de ne pas en revenir.
Elle travaillait plus que de raisons depuis son retour. La fatigue et la pression étaient saines pour elle. En arrivant, ce mardi matin, après la nuit affreuse qu’elle venait de passer, elle prit quelques instants sur son programme chargé pour faire des recherches sur Internet au sujet d’un animal qui se loge dans les combles des maisons.
Après avoir salué quelques collègues, discuté de la pluie et du beau temps à la machine à café, elle s’était enfin installée à son poste, posant son mug brûlant à sa place habituelle. Elle avait jeté un coup d’œil à la photo de ses enfants qui trônait à côté de son écran. Elle espérait qu’Iris allait mieux ce matin, qu’elle avait pris sur elle. Elle imaginait Théo en pleine préparation d’une activité. Ça lui faisait du bien de penser à eux.
Elle s’accorda donc un créneau pour rechercher des informations sur l’animal de la nuit. Elle tomba sur tout et n’importe quoi, comme souvent sur la toile. Elle avait appris à faire le tri mais s’arrêta tout de même sur le dessin d’un ours qui se battait avec un homme et retrouva son rêve, sa lutte juste avant son réveil.
De nombreux animaux pouvaient décider d’occuper les combles. Il s’agissait en effet souvent d’un rongeur, un raton-laveur, un rat ou une fouine. Ils cherchaient de la chaleur, du confort, un endroit pour se protéger, pour rapporter de petits animaux, résultats de leur chasse, pour les dévorer tranquillement. Ils se faisaient un petit espace douillet. Et aimaient bien parfois grignoter la laine de verre.
Elle imagina immédiatement une bête poilue, vicieuse, qui était montée chez eux pour s’installer dans une espèce de lit, prendre ses aises, jouer avec une souris morte et détruire impunément toute l’isolation de maison. Le sang de Caroline ne fit qu’un tour. Elle ne pensa qu’à son retour et à la nuit lorsqu’elle serait allongée comme hier, prête à défier son ennemi.
Elle envoya à Damien les liens qu’elle avait trouvés. Elle écrivit un petit mot avec : « Il faut s’occuper de ça ce soir ! » Damien regarda ce que sa femme avait déniché. Une fouine ? Il y avait une fouine dans leurs combles ? Il n’y croyait pas une seule seconde, persuadé que l’animal avait autre chose à faire que venir chez eux. Et quasiment sûr aussi que Caroline avait rêvé.
Il savait déjà que ce soir, ils allaient être à l’écoute de leur plafond. Damien était sûr qu’il n’y aurait rien. Ils entendraient la nuit, le monde qui passe sans eux mais rien là-haut. Comme ceux qui attendent un signe en regardant le ciel. Il fallait passer par là pour que Caroline abandonne son obsession. Le psy avait parlé de ces éventualités, de ces choses qu’elle espérait tellement voir qu’elles finissaient par apparaître.
Ils se retrouvèrent chez eux pour dîner dans leur jardin. Ils se racontèrent leur journée, évoquèrent un peu les enfants, imaginant ce qu’ils faisaient, espérant de ne pas recevoir un nouvel appel d’Iris. Damien n’avoua pas qu’il aurait en réalité voulu parler à sa fille, valider avec elle que tout allait bien, qu’elle avait retrouvé le sourire. Il n’aimait pas la savoir triste.
« Alors, qu’est-ce qu’on fait ? » demanda Caroline, alors qu’ils débarrassaient la table. Damien se demanda un instant de quoi elle parlait. « On s’en remet enfin et on recommence à vivre » voulait-il répondre. Il comprit qu’elle parlait de l’animal qui lui avait occupé l’esprit la nuit et la journée dernières. « On écoute, on observe et on agit ! » annonça-t-il. Elle sourit, elle avait entendu son ton ironique.
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