07 – Écouter le plafond

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Après avoir regardé un film, blottis l’un contre l’autre dans leur canapé, ils montèrent ensemble se préparer à dormir. Quelques minutes plus tard, ils étaient tous deux allongés dans le lit. Caroline expliqua à Damien ce qu’elle avait entendu la nuit dernière. De petits pas du côté de la mansarde et du plafond.

« Et ça ne pouvait pas être autre chose ? Tu n’aurais pas pu te tromper avec un autre bruit ? » demanda timidement Damien. « Tu sais, parfois, le voisin range ses outils à n’importe quelle heure et c’est comme s’il était chez nous » ajouta-t-il. Caroline soupira. Elle sentait bien que son mari avait du mal à la croire. « Je t’assure. Je sais ce que j’ai entendu. J’étais bien réveillée. » Il posa sa main sur son bras et le caressa.

« Je te crois, mentit Damien, c’est juste que c’est plus difficile pour moi, je n’ai rien entendu. » « Justement, c’est pour ça que nous sommes là. Nous allons attendre un peu et tu te rendras compte par toi-même. Tu seras obligé d’aller là-haut pour la chasser de chez nous ! » murmura Caroline, habituée à parler doucement à cause des chambres des enfants collées à la leur.

Ils attendirent un long moment. Parfois en silence. Sans rien faire. Parfois discutant à voix basse, de tout et de rien. Parfois, chacun plongé dans son téléphone. Le temps passait lentement. Caroline était aux aguets, réagissant à chaque petit bruit de la maison. Damien était moins impliqué. Il commençait même à s’assoupir.

« Je ne tiens pas, je suis désolé, informa Damien, je m’endors, je suis trop fatigué. » Il lui caressa la main, l’embrassa du bout des lèvres. Elle ne réagit pas. Elle ne comprenait pas qu’il ne soit pas aussi tendu qu’elle. Il y avait un animal dans les combles qui se nourrissait de leur isolation, qui détruisait leur maison de l’intérieur, et lui s’endormait, pas assez concerné.

Lorsqu’elle entendit sa respiration s’alourdir pour devenir celle du sommeil, elle soupira à nouveau. Elle se retrouvait dans la même situation que la nuit dernière. Seule. Elle avait eu trop souvent l’impression d’affronter la vie seule ces derniers mois. Damien était là, oui, à côté d’elle, comme un compagnon, à lui tenir la main mais jamais à prendre sa souffrance.

Elle commença elle aussi à perdre patience et à sentir le sommeil l’envahir. Elle était énervée, contre cet animal encore indéfini qui n’en faisait qu’à sa tête, contre son mari qui ne croyait pas à l’existence de ce rongeur et contre elle d’être si têtue, de perdre autant de temps et d’énergie à chasser peut-être une chimère ou quelque chose de plus profond.

Elle se réveilla plus tard, tirée de son rêve par des pas griffus qui marchaient dans les combles. L’animal était de retour et sautait et courrait, comme hier. Elle écouta à nouveau, plus attentive encore. Elle l’imaginait, elle le voyait parfaitement se déplacer dans la pénombre entre les poutres, la laine de verre et quelques planches jetées au hasard.

Caroline se tourna vers son mari et essaya de le réveiller doucement, puis plus fermement. Elle suivait en même temps le parcours de ce qu’elle visualisait très bien comme une fouine, un long et fin rongeur poilu, capable, comme elle l’avait lu aujourd’hui de se faufiler dans un trou de 5 centimètres de diamètre. Damien ne réagissait pas.

Il ouvrit enfin les yeux et regarda Caroline, inquiet et encore endormi. « Qu’est-ce qui se passe ? Tout va bien ? » demanda-t-il. « Elle est là ! » jubila-t-elle en faisant un signe de tête vers le plafond. Damien referma les yeux et s’assoupit une seconde. « Mais qui est là ? » interrogea-t-il son épouse en relevant la tête. Il semblait de mauvaise humeur. « Mais la fouine ! »

Damien soupira. Il luttait contre la fatigue qui pesait lourdement sur ses paupières. « Écoute seulement. Écoute, elle est très en forme ce soir ! » précisa Caroline. Damien garda les yeux clos et essaya tant bien que mal de se concentrer. Les derniers mots de Caroline le plongèrent dans un passé lointain, quand Théo dans le ventre de sa mère, bougeait dans tous les sens et qu’il pouvait le sentir contre sa main.

Caroline voyait bien que c’était peine perdue pour Damien. Il était trop fatigué. Il faudrait le réveiller totalement, le bouger, le bousculer, lui crier dessus, lui faire peur mais à quoi bon ? En plus, entre temps, la fouine avait cessé. Elle aurait eu l’air malin, son époux sorti de force du sommeil, énervé, écoutant le silence assourdissant de la nuit.

Elle s’abandonna au sommeil, imaginant déjà tous les moyens possibles pour chasser la fouine. Des images de pièges machiavéliques, de tortures, de dépeçage vivant et de cuisson à la broche la bercèrent.

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