09 – À l’attaque !

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En fin de journée, Caroline attendit Damien dans le bureau. Elle s’était changée, avait préparé la lampe de poche et des vêtements pour son mari. Elle était prête à passer à l’attaque. Il fallait maintenant convaincre son chasseur. Elle se disait que leur fils devait sûrement savoir comment faire pour affronter un animal, pour construire un piège.

Il arrivait un moment où les enfants dépassaient les parents. En taille. En expérience. En modernité. Quand on commence à se tourner vers eux pour leur demander de l’aide sur des petits détails, c’est assurément qu’ils ont grandi et que les parents ont vieilli. Et personne ne semble avoir vu toutes ces années passer.

Elle aurait donné beaucoup pour les avoir avec elle à cet instant, les sentir près d’elle. Il lui arrivait parfois de se sentir comme une louve, d’avoir cet instinct animal incontrôlable. Elle voulait les respirer, les renifler, se lover contre eux, toucher leur peau, caresser leurs cheveux, compter leurs grains de beauté. Caroline n’aimait pas ce vide en elle.

Lorsque Damien rentra chez lui, il n’entendit aucun bruit. Caroline lui avait déjà envoyé un SMS pour l’informer qu’elle était à la maison. Il la chercha dans le salon puis la cuisine. Il jeta un coup d’œil dans le jardin. Peut-être était-elle assoupie dans le lit. Il monta et tomba sur elle dans le bureau. Elle était assise dans le fauteuil, immobile, le regard droit.

« Bonsoir, chéri. » dit-elle juste avant qu’il ne l’embrasse. « Bon, tout est prêt ! Tu peux monter ! » ajouta-t-elle, se fendant d’un sourire qu’elle voulait engageant et sain d’esprit. Damien fixa sa femme un long moment. Il voulait être sûr qu’elle était sérieuse, qu’elle était toujours si obstinée et qu’il n’aurait aucune possibilité d’échapper à ce destin qu’elle avait tracé pour lui.

Il soupira. Ses épaules retombèrent. Il avait perdu. Il allait devoir monter dans les combles et affronter il ne savait quoi. Soit une fouine ou un quelconque rongeur. Soit l’esprit de sa femme qui divaguait et qui ne se remettait pas de cet enfant disparu. Il se changea à son tour, écoutant les recommandations de Caroline sur ce qu’elle avait lu dans la journée au sujet de l’animal.

Damien déplaça la bibliothèque. Il la fit glisser gentiment sur le parquet. Il se rappela certains romans lus dans sa jeunesse, retomba sur ceux que Caroline avait apportés avec elle lorsqu’ils avaient emménagé la première fois. Il se souvint aussi des quelques meubles de leur premier appartement. Un bout de sa chambre, un bout de celle de Caroline et quelques dons récupérés chez des amis ou la famille.

Dix ans plus tard, quasiment tous ces meubles avaient été remplacés par de nouveaux, plus grands, plus remplis. D’autres étaient venus occuper l’espace de la maison. Certains meubles de la chambre de Théo seront peut-être dans son studio lorsqu’il quittera la maison. L’éternel recommencement pouvait être rassurant, mais il ressentit surtout une certaine mélancolie.

À l’aide d’un crochet prévu à cet effet, il réussit à faire descendre la trappe. Un carré sombre se dessina alors dans le plafond. Une bouche d’ombre comme l’écrivait Victor Hugo. Ils sentirent tous deux un léger vent, comme un souffle furtif, les frôler. C’était peut-être les combles qui respiraient enfin. Ou un esprit libéré. Ils restèrent longtemps à contempler cet espace vide.

« Allez chéri ! Il faut y aller ! Qu’on n’en parle plus de cette fouine ! » le motiva Caroline. Damien se reprit. « Oui. Bien sûr. Tu as raison. » répondit-il. Il fit descendre l’échelle escamotable. Il était évident qu’il ne l’avait presque jamais utilisée. Damien était gauche, pas à l’aise dans ses gestes. Cependant, il parvint tout de même à la déplier et l’installer correctement.

Il prit la lampe de poche que sa femme lui tendit. Elle posa sa main sur son bras, pressa ses doigts. Elle était fière. De son côté, il n’en menait pas large mais sentait que se jouait là un moment important pour eux. Il gravit les premiers barreaux, la tête relevée vers l’obscurité et ce danger flou qu’il allait peut-être rencontrer.

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