Un crapaud presque charmant (partie 3)

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Il leur fallut prendre de la hauteur pour arriver jusqu’au restaurant. Lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrirent, Le Copenhague se révéla comme un cocon élégant et intimiste. Situé sur les Champs-Élysées, Kévin avait choisi ce lieu pour son raffinement et sa table « New Nordic ». Cet écrin étoilé de la gastronomie danoise était bien connu des épicuriens. De l’intérieur de la bâtisse se dégageait une sérénité propre à la culture scandinave avec son cadre moderne et épuré.

Lola fut immédiatement charmée par l’ambiance contemporaine tamisée des lieux. L’espace était subjugué par une palette de bleus profonds. Où que ses yeux se portaient, tout n’était que raffinement harmonieux, le bleu foncé des nappes assorties aux cuirs des sièges, les textiles d’un bleu d’une nuance plus claire mais tout aussi profonde. Le service était assuré par un personnel jeune et dynamique qui virevoltait de table en table, entièrement dévoué aux clients présents. Un jeune homme moustachu, chemise blanche et costume cravate noir vint les accueillir. Après que Kévin eut décliné son nom, il les conduisit jusqu'à la salle de réception privatisée pour l’occasion, à l'écart de la salle à manger commune. Lola s’amusa de constater que tous ces jeunes gens portaient, soit une moustache, soit une barbe impeccablement taillée.

Le jeune homme s’effaça sur le côté et d’un geste de la main, les invita à découvrir le lieu de la fête. Leur table était dressée dans une pièce de taille humaine, aux murs parés d'un bleu gris envoûtant et piqués de quelques toiles organiques. Une décoration sobre et élégante. Depuis les baies vitrées, la jeune femme observa la vue exceptionnelle sur la plus belle avenue du monde. Le cadre du Copenhague promettait un agréable dîner entre amis. Après s’être enquis si la salle les satisfaisait, le garçon moustachu souhaita un bel anniversaire à Lola et s’éclipsa discrètement, les laissant à leurs premiers invités qui arrivaient.

Un couple d'une cinquantaine d'années que Lola n'avait jamais vu, furent les premiers convives. Il s'agissait de toute évidence du patron de Kévin et de sa femme, en jugea la jeune femme, vu le changement d'humeur subit de celui-ci. À présent, le voyant se diriger vers eux, il affichait un visage serein et aimable. Il les salua chaleureusement d'une poignée de main conviviale avant de faire les présentations, le sourire à la bouche.

— Lola… Je te présente Monsieur Baldin Claude et sa charmante épouse, Karine. Claude, Karine, voici Lola, la femme de ma vie.

La jeune femme rosit légèrement de cette formulation pour le moins familière.

— Enchantée de faire votre connaissance Monsieur. C'est très gentil à vous d'avoir accepté notre invitation.

Monsieur Baldin serra longuement sa main tendue en la dévisageant.

— Kévin n'a eu de cesse de me vanter le charme de sa compagne et je dois avouer que vous êtes très en beauté. C'est un plaisir de vous connaître ma chère Lola.

Des cheveux couleur « poivre et sel », des épaules larges et solides, quelques rides au coin des yeux d'un noir profond, Claude devait mesurer dans les un mètre quatre-vingt-dix. Il incarnait l'autorité même.

Karine, sa femme, la chevelure d'un blond vénitien soyeux avait une silhouette fine et élancée et de grands yeux bleus. Le petit air mutin dessiné sur son visage la faisait paraître plus jeune que son âge. Elle embrassa Lola sur la joue en toute simplicité et lui remit un petit paquet emballé dans un joli papier cadeau.

— Oh… Merci beaucoup, balbutia la jeune femme gênée de ce présent.

Lola le déposa sur une petite table, apparemment prévue à cet effet tandis que Kévin guidait Claude et Karine à leur place. Il plaça SON invité à sa droite : choix qui allait lui permettre de parler business avec lui, assurément.

Lucas, Jules, Bastien et Renaud furent les seconds à arriver. Ils saluèrent Kévin avant de serrer Lola dans leurs bras avec chaleur, à tour de rôle. Cela faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient vus, tous étaient euphoriques et ravis de se retrouver.

— Tu es magnifique ma belle ! la complimenta Lucas avant de lui déposer deux grosses bises fraternelles sur les joues. C’est bon de te voir.

Lorsque Beth émergea dans la salle, Lola poussa un cri de joie. Elle abandonna Lucas sur le champ pour se précipiter vers celle qui lui avait le plus manqué durant ces longs mois. Les deux copines se jetèrent dans les bras l'une de l'autre. Des perles de larmes dans les yeux, Lola n'arrivait pas à se détacher d'elle. Elle était si heureuse de ces retrouvailles qu'elle ne vit même pas le garçon en retrait qui les observait avec amusement.

Après leurs effusions de sentiment, Beth lui présenta son compagnon. Thomas embrassa chaleureusement Lola sur les joues.

— Beth m'a si souvent parlé de toi qu'il me tardait de te connaître, ENFIN ! lui dit-il avec un soupçon de taquinerie destiné à sa meilleure amie.

— Moi aussi, je suis ravie de te connaître, enfin ! répondit-elle avec une pointe de malice dans la voix.

À présent, en le dévisageant, Lola comprit pourquoi Beth était tombée en pâmoison devant cet apollon. Un physique athlétique, grand et musclé, Thomas était un bel homme à l'instar du plus beau des Dieux grecs. Son teint clair, hérité de sa mère irlandaise, intensifiait son regard ténébreux du à ses yeux noirs qui lui venaient de son père espagnol. Un brassage ethnique des plus réussis, pensa la jeune femme. Thomas affichait un sourire éclatant en enlaçant la taille de Beth pour aller saluer Kévin. Leur complicité faisait vraiment plaisir à voir.

Lola eut un petit flottement lorsqu'elle vit Paul et Cath entrer à leur tour dans la salle. En les apercevant, Kévin se hâta d’abandonner Beth et Thomas pour rejoindre Lola qui s'apprêtait à les accueillir. Aussitôt, il ceintura sa taille d'un bras ferme, collant ainsi la jeune femme contre lui. Remarquant son geste de possession, Cath jeta un coup d'œil entendu à Paul.

Les époux Meyer embrassèrent chaleureusement Lola puis serrèrent la main de Kévin après que la jeune femme eut fait les présentations en bonne et due forme. S'ils éprouvèrent un malaise à ce contact, Cath et Paul n'en laissèrent rien paraître.

Les convives étant tous arrivés, le couple les invita à s’installer autour de la table ovale dressée pour l’occasion. Douze personnes décidées à passer une excellente soirée. Kévin était transformé… Finie la grise mine. Il endossa son costume d'hôte charmant et attentionné. Il avait un mot pour chacun de leurs invités, même avec Paul qui ne tarissait pas d'éloges sur Lola lorsqu’il l’avait questionné avec malice. Du côté des deux copines, les retrouvailles étaient au beau fixe. Elles rattrapaient le temps… Elles avaient tant de choses à se dire, tant de fou-rires à partager. Ces soirées entre amis avaient terriblement manqué à la jeune femme. Lola en avait des étoiles plein les yeux, elle était resplendissante. La présence de Beth lui faisait énormément de bien, elle était redevenue une femme enjouée, rayonnante avec une soif de mordre la vie à pleines dents, indifférente aux vicissitudes de son quotidien. Mais elle n'en oublia pas pour autant ses autres convives et prenait son rôle d'hôtesse avec cœur.

Le repas était délicat et fin, le service impeccable et discret. Tous semblaient passer un agréable moment. Lorsque le moment du dessert arriva, les lumières de la salle s'éteignirent pour laisser place à un magnifique gâteau d'anniversaire illuminé de vingt-deux bougies. Tous ses amis, à l'unisson, entonnèrent un « joyeux anniversaire ». Posant un regard d'enfant sur la tablée, Lola se prêta au jeu et souffla ses bougies sous les applaudissements.

Lorsque les lumières se rallumèrent, les visages étaient réjouis et les yeux pétillants à l'instar du champagne versé dans les flûtes. Avant de porter un toast en l'honneur de Lola, Kévin fit tinter la lame de son couteau contre son verre afin d'attirer l'attention. L'assemblée fit silence et tourna la tête en sa direction. L'intérêt général lui étant acquis, il se leva avec élégance. Il balaya lentement du regard la tablée puis le plongea dans celui de Lola. La mine interrogative, elle attendit.

Kévin s'éclaircit la voix avant de s'adresser à eux.

— Je remercie chacun d'entre vous d'être venu. C'est très important pour Lola… Et pour moi aussi, rajouta-t-il. Elle aura certainement l'occasion de vous exprimer sa gratitude pour vos nombreux cadeaux et marques de sympathie. Chacun de vous a su lui apporter cette étincelle d'amitié sincère, si chère et tellement indispensable à son cœur…

« Mais, où veut-il en venir ? se demanda la jeune femme. Je suis capable de remercier mes amis toute seule… »

— Cependant, il manque un paquet, poursuivit-il en désignant la petite table encombrée de surprises… le mien ! Mais avant, il se tourna vers son aimée, j'ai un aveu à te faire Lola…

Kévin contourna lentement la table sans la quitter du regard puis s'arrêta à deux pas d'elle. Tous les invités retenaient leur souffle, conscients qu'ils allaient être les témoins d'un moment d'exception. Assise, les mains posées sur les genoux, la jeune femme le dévisageait, décontenancée par cette mise en scène. Rien dans ses prunelles n'indiquait la moindre faille à ce qu'il s'apprêtait à faire.

— Lola, je t'aime plus que tout ! dit-il la voix chargée d'émotion. Tu es la femme de ma vie, celle que j'attendais depuis toujours. Notre rencontre a illuminé mon existence et je veux passer le reste de mes jours à tes côtés. Tu m'apportes tant de bonheur, d'amour… Sans toi, je ne suis rien… Sans toi, je ne vaux rien.

Il fit un pas et posa un genou à terre.

Cette fois, aucun doute sur ce qui allait suivre ! Les premiers signes de panique torpillèrent le ventre de Lola.

— Tu ferais de moi le plus heureux des hommes si tu voulais devenir ma femme pour la vie… Épouse-moi, Lola ! la supplia-t-il en lui déposant un petit écrin au creux de la main.

Son cœur battait à cent à l'heure dans sa poitrine mais la jeune femme était incapable de bouger. Ils restèrent un instant figés, les yeux dans les yeux. Kévin semblait attendre douloureusement sa réponse, l'affolement d'un refus se lisait sur son visage. Dans un silence pesant, le regard de ses amis posé sur elle était palpable. Tous étaient suspendus à ses lèvres.

« Que suis-je censée dire ? se demandait-elle, paniquée. Il a tout manigancé, tout orchestré dans le moindre détail. Je ne me suis rendue compte de rien. »

Bien que flattée par sa demande, Lola était tout de même furieuse qu'il lui ait fait un coup pareil devant ses amis. Mais elle ne pouvait quand même pas l'éconduire devant tout le monde… Il ne lui pardonnerait jamais cet outrage !

Elle sentit la main de Kévin presser doucement la sienne, la ramenant à la réalité du moment. Elle baissa la tête vers la petite boîte et des larmes lui piquèrent les yeux quand elle découvrit une magnifique bague en diamants.

Elle esquissa un sourire envers Kévin avant de s'humecter les lèvres… Acculée au pied du mur, la jeune femme venait de décider d'avaler le crapaud.

— Oui Kévin… Je veux être ta femme pour la vie, lui répondit-elle enfin, sous les applaudissements de l’assistance.

Se redressant, il lui tendit la main pour l'aider à se lever puis il fit glisser lentement la bague à son annulaire en prononçant ces quelques mots :

— La pureté de ce diamant n'a d'égale que la beauté de ton cœur. Que ce symbole ultime témoigne de la force de mes sentiments et de mon engagement envers toi. J'espère être digne de ton amour éternel.

Il effleura ses doigts de ses lèvres tout en la gardant prisonnière de son regard. Encerclant sa taille, Kévin la serra un peu plus près de son corps et lui donna un baiser sensuel, digne d'un baiser de cinéma.

Quel charmant tableau ! songèrent les époux Meyer en se lançant des regards lourds de sous-entendus. Ils s'étaient aperçus que Lola s'était raidie comme un piquet lorsqu'il lui avait fait sa demande… Pas vraiment le genre de réaction d'une jeune femme folle de joie à l'idée de se marier.

Ils rejoignirent toutefois les autres invités qui entouraient le couple pour les félicitations d'usage. Kévin, le sourire éclatant, serrait des poignées de main chaleureuses tandis que Lola exposait sa bague sous les yeux admiratifs de ses amies.

Les larmes au bord des cils, Beth la serra dans ses bras avec une infinie tendresse.

— Tu sais que tu m'as fait peur, lui dit-elle émue dans le creux de l’oreille. J'ai cru que tu allais refuser…

Lola eut un rire forcé… Elle ne pouvait pas avouer à sa meilleure amie que Kévin l'avait prise au piège et qu'elle n'avait pas eu d'autre solution que d'abdiquer.

— Ne dis donc pas de bêtise ! la sermonna-t-elle gentiment sur le ton de l'ironie.

— Tu as raison ! Mon côté théâtral sûrement ! Je suis si heureuse pour toi, s'enthousiasma aussitôt Beth. Vous faîtes un si joli couple. Vous êtes faits l'un pour l'autre et Kévin est si gentil mais surtout très amoureux. J'espère pouvoir vivre la même chose…

— Thomas a l'air très épris de toi, vous vous entendez bien et partagez les mêmes passions… Alors qui sait ? complota sa meilleure amie, malicieusement.

— Puisses-tu dire vrai ! Je me sens si bien avec lui… Une sensation jamais ressentie auparavant avec aucun autre homme. Je crois que c'est le bon cette fois ! Mais ne faisons pas de plans sur la comète… Laissons le temps au temps !

Beth s'assagirait-elle ? pensa Lola amusée tandis qu'elles regagnaient leur place à table.

Lorsque l'idée fut soumise de finir la soirée en boîte de nuit, les époux Meyer et Baldin déclinèrent poliment l'invitation, prétextant avec humour, que ce n'était plus de leur âge. Les fiancés les raccompagnèrent jusqu'au vestiaire.

Lola remercia chaleureusement Paul et Cath d'être venus partager cette soirée avec eux. Elle essaya d'être la plus naturelle possible, sachant que l'œil analytique de Cath ne laissait rien au hasard. Malgré tout, elle était sincère avec eux, elle avait été extrêmement heureuse de leur présence. Cela, elle ne pouvait le leur cacher.

Tous deux déposèrent une bise sur la joue de la jeune femme comme l'auraient fait un père et une mère.

— J'ai été enchantée de faire votre connaissance, dit-elle ensuite en se tournant vers Monsieur Baldin.

— Le plaisir est partagé, ma chère Lola. Nous avons passé une excellente soirée. Et encore toutes nos félicitations.

Il lui serra fermement la main et sa femme l'embrassa sur la joue.

— J'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir.

— J'en serais ravie ! déclara Karine, le sourire aux lèvres.

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