Je ne sais pas si les mots savent de nous des choses que nous ignorons d'eux, en revanche, ce dont je suis sûre, c'est qu'ils nous en apprennent beaucoup sur ceux qui les prononcent. J'ai très vite compris le pouvoir qu'ils pouvaient avoir dans la bouche de personnes mal intentionnées. Toute jeune, marchant à peine, je sentais déjà leurs poids sur moi, sans en comprendre véritablement le sens. Mais au ton qu'il prenait pour les prononcer, au rictus qui se formait ensuite au coin de sa bouche, cela ne pouvait être que méchant. 

J'ai passé mon enfance entre les mots doux et rassurants d'une mère aimante et attentionnée et ceux acerbes d'un père, qui ne pensait qu'à dénigrer, déprécier, dévaloriser ma personne. Et même si aujourd'hui je n'ai jamais oublié le soutien moral et affectif de l'auteure de mes jours, ce qui résonne en moi comme une longue plainte et qui jamais ne s'éteindra, ce sont ses mots à lui. Des mots blessants, humiliants, rabaissants qui m'ont atteinte dans ma chair bien plus profondément que ne l'aurait fait la simple lame d'un couteau. Alors oui, les mots ont un pouvoir, et entre de mauvaises bouches, telles des armes mises entre de mauvaises mains, ils peuvent vous tuer, tout en vous laissant la vie.