Le célibolontaire
Je m’appelle Romain et j’ai trente-quatre ans. Je suis traducteur à mon compte. J’ai saisi des opportunités, fidélisé de bons clients. Je gagne bien ma vie. J’ai acheté une petite ferme à six kilomètres d’un village, au milieu d’une forêt de chênes, de charmes et de bouleaux. On y accède par un chemin anonyme, sans borne ni panneau, qui relie deux routes départementales ridicules.
Je n’ai pas de femme ni d’enfant, uniquement deux bergers australiens nommés Capi et Zerbino. J’habite seul dans cette ferme, que j’ai retapée tranquillement. Je mène une vie simple, rythmée par les heures et les saisons. Je fais du sport, j'ai un jardin, je me débrouille bien au piano.
J’ai vécu avec une fille, il y a presque dix ans. Ça ne s’est pas très bien passé. Au bout d’un mois, j’en avais marre. Je ne voulais pas la blesser, ce n’était pas cette fille le problème. Alors j’ai été lâche, j’ai laissé le temps filer, elle a fini par partir, ni triste ni rien. Je me suis senti libéré.
Je traduis des romans d’amour, mais pour moi c’est de la science-fiction. Je ne sais pas si c’est la cause ou bien l’effet, ce qui renforce mon célibat, mais je me sens étranger à ces récits, je ne les comprends simplement pas. Pour autant, on loue la qualité de mes versions, l’exactitude des sentiments, la fidélité à l’auteur. On me dit que j’ai du talent, on ne me pose pas de question, et ça me va très bien comme ça.
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