La fissure
L’embarcation glisse sur les eaux émeraude. Chaque coup de pagaie nous enfonce un peu plus parmi les ombres. Déjà le ciel n’est plus qu’à moitié visible, alors que nous longeons la rive ; au-dessus du fleuve, telle une main géante aux doigts innombrables, la forêt semble déterminée à nous engloutir. Arbres étrangleurs, plantes empoisonnées et fleurs carnivores rivalisent avec les moustiques, les piranhas et les jaguars, pour nous avoir à dîner. Depuis que notre guide Pedro est mort, étouffé par un anaconda vert pendant la nuit, notre petit groupe d’aventuriers se délite et sombre doucement dans la folie.
La démesure de l’Amazone pèse lourd sur le moral de chacun, et dessine une sacrée lézarde sur le plafond de la chambre. Il faudra que j’en parle au propriétaire. Au début, elle ressemblait à la Loire et j’avais pris plaisir à visiter ses châteaux, allongé tranquillement sur mon lit. Là, ça devient un peu trop dangereux.
Annotations