Le vieux con
J’ai décidé de ne plus me mentir, de ne plus m’en cacher et de l’assumer pleinement : je suis devenu un vieux con. Ce n’est pas si facile de se ranger du côté des grincheux ; j’étais un enfant enjoué et un jeune adulte d’un naturel optimiste, mais le temps et l’expérience ont peu à peu rongé les douces aspirations, modelé d’amères déceptions, ridé la surface lisse de l’insouciance. Je dois me rendre à l’évidence, le monde actuel me dépasse.
Tout de suite, j’ai envie de botter le cul à cette godiche peroxydée qui, son téléphone portable collé à l’oreille, stationne en plein milieu du couloir étroit menant du parking à l’ascenseur de l’immeuble en beuglant : allo ? Allo ? Hé, gamine, non seulement tu m’empêches de passer avec mon cabas rempli de courses, mais en plus, comment veux-tu capter qui que ce soit dans un putain de sous-sol ? Je garde bien entendu cette réflexion pour moi. J’inspire calmement, lui partage sociablement mon désir de continuer mon chemin. Elle me regarde comme si je venais de chier dans son sac à main Vuiton, se décale à peine. Allo ? Allo ?
J’appuie sur le bouton de l’ascenseur en bougonnant, mais je l’assume. Je préfère être un vieux con qu’une pauvre conne. Oh oui, carrément.
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