La Réduction du Temps de Travail
Aujourd’hui je n’ai rien foutu. Rien de rien.
Je me suis levé vers neuf heures et demie et j’ai siroté mon café en lisant le journal, en pyjama dans mon gros fauteuil club. Ensuite, j’ai pris mes jumelles et longuement observé les oiseaux par la porte-fenêtre du salon, qui donne sur le jardin. J’aime les oiseaux, car ces bestioles ont tout compris à la vie : picorer, chanter et voler à la recherche du beau temps.
Vers midi, je me suis traîné dans la cuisine afin d’ouvrir le frigo, et découvrir ce que ma femme avait préparé. Dans un tupperware en verre, j’ai trouvé de gros haricots blancs accommodés avec des oignons, du coulis de tomates et de l’aneth. J’ai mangé devant un jeu télévisé où les candidats étaient nuls ; pathétique, mais divertissant.
J’ai déposé le plat dans l’évier, puis je suis retourné m’installer dans mon fauteuil club. J'ai dormi une bonne heure, je crois avoir rêvé d’île déserte et de lait de coco. À mon réveil, j’ai essuyé le filet de bave qui me coulait sur le menton, puis je me suis levé afin de me planter devant ma collection de DVD. J’ai parcouru les rayons, tiré quelques boîtiers, avant de finalement me décider pour un film de Woody Allen que je n’avais pas vu depuis longtemps.
À seize heures, je suis allé me faire un thé, accompagné de petits gâteaux à l’anis, avant d’enfiler de vieilles godasses pour sortir dans le jardin. J’ai caressé l’écorce de mes jeunes amandiers, évalué la pelouse qu’il me faudrait tondre un jour. Un autre jour.
Lorsque les clés ont tourné dans la serrure de la porte d’entrée, je terminais la première couche de peinture sur la maquette du Vought F4U-4 Corsair que je venais d’assembler. Ma femme m’a demandé si j’avais passé une bonne journée. Je lui ai dit que je n’avais rien foutu, rien de rien, et elle a hoché la tête avec un grand sourire.
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