Chapitre 18
Ses mâchoires se refermèrent sur moi et me déchiquetèrent. Mes hurlements semblaient vains, personne ne m’entendait, car ils étaient tous morts. Rally reposait dans une mare de sang à quelques mètres de moi, l’abdomen ouvert et mon Dano, ne ressemblait plus à rien, son corps avait était réduit en bouillie. Maintenant, c’était mon tour et Python s’en donnait à cœur joie.
—Tu vas mourir petite chose fragile.
Tandis qu’il se délectait de ma chair, je restais consciente de ce qu’il me faisait. Cette torture qu’il m’infligeait était abominable. J’essayai d’invoquer mon père, mais seul le silence me répondit.
—Papa, aide-moi, Papaaa, pleurnichai-je lamentablement
—Ton cher géniteur, ne viendra pas ! Il t’a abandonnée, car qui voudrait d’une enfant telle que toi ! ricana le monstre.
Ses dents s’enfoncèrent dans ma peau et il continua de me dévorer…
Je me réveillai le cœur battant la chamade et la gorge sèche. Déboussolée, je regardais autour de moi et constatai que je me trouvais dans ma chambre. Mon souffle était court et mes membres tremblaient. Je tâtonnai sur ma table de nuit à la recherche de mon téléphone, il affichait deux heures quarante du matin. Je frottai mes yeux et rabattis les couvertures sur le lit. J’avais chaud et un peu d’air frais me ferait du bien. Je me levai pour aller ouvrir le battant de la fenêtre. Sauf que je me ramassai par terre comme une crêpe. Mes jambes m’avaient lâchées. Je tentai de me remettre sur pied et j’échouai. Je fronçai les sourcils, indécises, pourquoi est-ce que je n’arrivais pas à rester debout, par l’enfer ! Et puis, je ne savais même pas quel jour nous étions, j’avais comme un trou noir dans mes pensées et ma tête me faisait souffrir, j’avais l’impression d’avoir une enclume à l’intérieur.
—Allez Hestia, courage, m’admonestai-je
Je m’adossai à mon lit et fermis les yeux pour réfléchir. Bon qu’est-ce que j’avais fait ces derniers jours. Je me souvenais m’être fait réprimander par la prof de math, parce que Rally et moi parlions, ça c’était du lundi. Ensuite, le mercredi nous étions parties faire du shopping pour trouver des vêtements et un cadeau pour l’anniversaire de Danaos, qui se déroulait samedi. Très bien, mais à partir du samedi, je ne me rappelais plus rien. Avais-je trop bu ? C’était impossible, je ne buvais jamais et puis on nous avait servis de l’ambroisie et … Victoire, lorsque Rally et moi étions rentrées dans la villa, j’avais aperçu une très belle blonde au bras de Dano, ce qui m’avais rendu jalouse, après nous nous étions rendues au bar et un satyre Peter nous avait servi des boissons. Unstoppable avait retenti et j’avais dansé avec Danaos ! Oui, et il m’avait pris à part pour m’embrasser. Un immense sourire se dessina sur mon visage. Ces beaux yeux dorés n’avaient cessé de me contempler, je m’étais sentie si bien dans ses bras et puis …
Du sang, la tête de Peter le satyre. Des viscères éparpillés çà et là. Le chaos et au milieu un serpent gigantesque… Python. Tous les détails macabres de cet après-midi me revinrent en mémoire. Je posai mes mains sur mes oreilles et secouai la tête dans tous les sens.
—Non, non, non, je veux oublier !
Hélas les flash-backs n’obéissaient à rien ni personne, ils continuèrent à défiler dans ma tête, ne me laissant aucun répit. Je me recroquevillai sur moi-même, en pleurant telle une madeleine. Je l’avais tué, certes, sauf que ça ne ramènerait pas toutes les vies qui venaient de s’éteindre. Tout ça pourquoi ? Parce que j’étais née. Mon cher oncle Zeus voulait me voir morte, alors qu’il ne me connaissait même pas ! Je vivais comme une humaine jusqu’à présent, je faisais attention à ne pas utiliser mes pouvoirs, sauf qu’on m’avait quand même retrouvée. À quel moment avais-je fauté ? Lors de ma rencontre avec Artémis ou celle avec Apollon.
Le souvenir de Peter le satyre vint me hanter. Il avait été si gentil avec moi et voilà que plus jamais je ne le verrai. Le monde se mit à tourner, la nausée commença à monter. Je me vomis dessus incapable de reprendre mon souffle. Je suffoquai et n’arrivai plus à respirer. Je restai là, au sol incapable de faire le moindre geste. J’étais misérable.
—Relève toi, me hurla ma conscience, cesse de t’apitoyer cela ne les fera pas revenir !
Elle ne me fit pas entendre raison et je continuai à pleurer, le cœur déchiré. Non, ça ne les fera pas revenir, ils sont morts, par ma faute. Des dizaines d’existences gâchées pour en sauver une seule. Une qui ne le méritait pas. Je me sentais épuisée. Qu’allait-il bien se passer, à présent. Allait-il m’envoyer un autre de ses sbires pour me tuer ? Pourquoi mon père ne m’avait pas effacé mes souvenirs, comme il l’avait fait pour Rally ?
L’odeur âpre de mes vomissements vint me titiller les narines, je coupai ma respiration écœurée par ses relents pestilentiels. Je palpai la moquette à la recherche de mon téléphone. Je devais appeler mes amis pour voir s’ils allaient bien. Oui, entendre leurs voix me calmerait peut-être.
Deux mains secourables m’en empêchèrent, j’entrouvris les paupières et les refermais aussi vite, la lumière me brulait la rétine.
—Ne bouge pas, ma chérie, je vais te nettoyer, d’accord. Tout va bien, tu es à la maison, me rassura Décerto.
Elle me caressa les cheveux et je l’entendis ouvrir le robinet de la salle de bain attenante à ma chambre. Je ne l’avais même pas entendu entrer, occupée que j’étais à me lamenter.
Elle posa un gant de toilette sur mon front et je poussai un soupir de bien-être.
—Tu as de la fièvre, Hestia. Je vais te faire prendre un bain tiède pour que ta température baisse. Mais d’abord, il faut t’enlever ses vêtements souillés.
Mes joues s’enflammèrent, j’avais honte de m’être laissée aller comme ça. Je l’aidai à me déshabiller en tendant mes bras. Elle me retira mon pull et mon pantalon et je restai en sous-vêtements.
J’entrouvris les yeux pour voir ce qu’elle faisait. Elle se pencha vers moi pour me soulever.
—Allez viens, je vais t’aider à marcher.
Ce fut à pas tremblants et incertains que je rejoignis mon bain. Une fois à l’intérieur, Décerto s’occupa de mes cheveux, qu’elle massa avec douceur. Apaisée par les soins de la nymphe, mes paupières se firent lourdes et je sombrai dans l’obscurité.
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—L'araignée Gipsy, monte à la gouttière, chantonna une voix enfantine.
Je sortis du sommeil dans lequel j’étais plongée. Les rayons du soleil filtraient à travers les rideaux de ma fenêtre et venaient plonger ma chambre dans une lumière chatoyante. J’étirai mes bras au-dessus de ma tête en baillant. Il semblait que la journée serait belle, mais moi je baignais dans la tristesse. Un soupir s’échappa de mes lèvres tremblantes.
—Tiens voilà la pluie !
La porte était ouverte et je pouvais apercevoir Zéphyr en train de sautiller dans le couloir.
—Paf Gipsy est à terre.
Il me redonna le sourire avec la comptine qu’il fredonnait, un peu faussement, je devais dire.
—Je pense qu’on dit : Gipsy tombe par terre et non PAF, me moquai-je.
Il se fit silencieux et se précipita vers moi, telle une fusée lors du décollage. Ses beaux yeux bleus semblaient inquiets, il fit bien attention à ne pas me brusquer et posa sa main contre ma joue. Je posai la paume de la mienne contre la sienne et le rassurai.
—Je vais bien mon petit ange.
Je lui effleurai le visage avec tendresse, sa sollicitude me touchait.
—Maman, elle est partie faire des courses et elle a dit que je devais te surveiller ! m’expliqua-t-il, en s’installant sur mon lit.
—Tu es mon gardien alors ?
Il opina du chef et se coucha à mes côtés.
—Oui, et tu ne bouges pas jusqu’à ce que maman revienne !
Il se blottit contre moi en me serrant fort sans ses bras. Un moment d’amour qui me procurait le plus grand bien. Je caressai ses cheveux si soyeux et si doux et il frotta son nez contre mon cou. Personne ne parlait, mais nous n’en avions pas besoin, car nos gestes résumaient ce que nous ressentions l’un pour l’autre. Soudain, un gargouillement retentit. Nous éclatâmes tous les deux de rire, car il s’agissait de mon ventre qui criait famine.
—Je peux descendre de ramener de quoi manger, si tu veux ? me questionna-t-il.
—Oh, très bien, est-ce que tu peux me rapporter de l’eau aussi ?
Il hocha la tête et se précipita pour m’apporter ce que je lui avais réclamé. Profitant du fait qu’il ne soit plus là, j’essayai de sortir de mon lit. Je venais à peine de poser les pieds sur le plancher, qu’il me cria d’en bas :
—Hestia, je t’interdis de sortir de ton lit ! Tu dois rester couchée !
Ce petit bout était un sacré numéro, je lui obéit et me rallongeai sur le matelas douillet.
Il revint quelques minutes plus tard, avec un pichet d’eau, un verre et une brioche, le tout sur un plateau à l’équilibre précaire. Je me redressai pour l’aider, sauf qu’il m’en empêcha en me faisant les grands yeux.
—Je contrôle la situation !
—Faites vite, monsieur, je meurs de faim, fis-je en utilisant un ton mélodramatique.
Il rigola et le plateau se mit à trembler, de l’eau s’échappa de la cruche. J’étouffai un rire. Il fallait dire que Zéphyr donnait l’impression de souffrir le martyr avec la charge qu’il transportait. Ses joues étaient toutes rouges et gonflées par l’effort.
—Faut pas me déconcentrer, Hestia.
Je fis semblant de fermer ma bouche à l’aide d’une tirette et lui fit un clin d’œil complice.
Il déposa son fardeau sur ma table de nuit, et en parfait gentleman, me versa de l’eau dans le verre qu’il me tendit.
—Merci mon ange.
Je bus l’entièreté du verre et m’emparai de la brioche, qui m’avait l’air très appétissante. Je pris une bouchée et la saveur de la fleur d’orangé, vint me titiller les papilles. Je la dévorai dans son entièreté et repris un verre d’eau.
Une fois rassasiée, j’essayai de me lever pour soulager un besoin pressant, mes deux mains chétives m’en empêchèrent.
—Hestia, non !
—Même pour aller aux toilettes ?
—Il faut te retenir ! Tu imagines si tu tombes dans les pommes, comment je vais faire moi pour te remettre dans ton lit ? s’exclama-t-il d’un air incrédule.
J’éclatai de rire, à telle point que les larmes s’écoulèrent sur mes joues. J’attrapai ce petit chenapan qui me réchauffait le cœur et l’esprit avec ses pitreries et le serrai fort contre ma poitrine.
—Je t’aime, mon petit ange ! chuchotai-je tout contre son oreille.
—Moi aussi Hestia, je ne veux plus jamais te voir souffrir, j’ai eu tellement peur pour toi, me répondit-t-il la voix étouffé par le fait que je l’étreignais avec force.
Dorénavant, j’aurai peur à chaque fois que je marcherai dans la rue, que je verrai une forêt. La peur sera ma nouvelle amie, elle m’accompagnera à chaque instant de ma vie. Malheur à celui, qui oserait faire du mal à ma famille. Car comme la lionne protégeant sa portée, je tuerai tous ceux qui oseront leur faire du mal.
J’étais celle qui avait vaincu Python !
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