Chapitre 16 : l'Arène

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 Les quelques mots glissés à l’oreille de Varis n’échappèrent pas l’œil avisé du demi-vampire. Tout en conversant avec Marcus, il avait remarqué les mots soufflés par Alistar, et la franche surprise de la demi-elfe qui en découla. Cela le rendait d’autant plus curieux, et il mourrait d’envie de connaître la teneur de ces mystérieux propos. Mais il conserva, imperméable, cette façade joyeuse qui trompait son monde depuis si longtemps.

Profitant d’un temps creux dans sa conversation, Elias se mit à hauteur de l’aristocrate en quelques foulées. Leur nouvel acolyte était un homme à l’apparence aussi troublante qu’au comportement énigmatique. Il ne faisait aucun doute sur le fait qu’il les accompagnait pour les surveiller. Pourtant, ses errements sur la terrasse, ou son attitude vis-à-vis des Braves avaient insinué une perplexité dans l’esprit du demi-vampire.

Quels sont tes véritables objectifs, joli cœur ?

Naturellement, il pourrait consulter le Livre pour en apprendre plus sur cet énergumène et ses ambitions réelles. Mais il avait écarté cette possibilité à l’instant où elle lui était venue, refusant de compter sur cette aberration.

Se reposer sur ce que je souhaite détruire… Quelle ironie, Noah !

Pendant qu’il réfléchissait, il remarqua à quel point le 21e arrondissement ressemblait à ses propres et véritables souvenirs. La même ruine, la même misère, la même merde. Une chose cependant avait évolué, c’était l’espoir que l’on pouvait lire dans le regard des gens. Durant leur réunion, Dowle avait mentionné la paix fragile que connaissait depuis peu ce trou à rat, grâce, entre autres, à l’ascension de Mélina et Léo. La véracité de ces propos était sous ses yeux.

Cela faisait plus d’une décennie depuis son dernier voyage ici. Il devinait, sous le masque qu’il portait, la cicatrice qui le démangeait depuis ce jour fatidique où il avait essayé de mettre la main sur le détenteur de la Première Magie. En suivant le Livre, il avait été à deux doigts d’y parvenir, mais la Seconde l’avait précédée, manquant de le tuer. Un frisson parcourut l’échine de son dos en repensant à la Magicienne, à cette force écrasante au-delà de toute raison. Malgré la menace mortelle mortelle qu’elle représentait, il espérait secrètement recroiser sa route.

Aaaah… C’est aux portes de la mort que la vie devient la plus excitante !

Depuis cet épisode, Elias n’était pas revenu ici, toute trace de la Première Magie ayant disparu. Il ne faisait pas de doute que la Seconde Magicienne l’avait caché quelque part.

Tout de même, c’était tellement plus amusant du temps de Lorak et Alteric, songea-t-il avec dédain. Les gangs ne cessaient jamais de se battre, et il régnait alors une atmosphère de douleur et de désespoir bien plus charmante.

Une impression désagréable l’assaillit avec la constatation que, si la coquille de la ville était la même, l’intérieur avait changé. Cependant, sa déception s’atténua quelque peu grâce à la présence de quelques Chuchoteurs. De toute évidence, l’Homme Trouble avait toujours autant d’influence ici, ce qui était assurément une excellente nouvelle. Tout à ses observations, le demi-vampire s’arrêta en même temps que les autres quand Alistar marqua une pause pour s’orienter. Du coin de l’œil, il surprit son acolyte aux longues oreilles qui se glissait dans son dos.

— Que vous inspire-t-il ? murmura Varis.

— Ce n’est pas un amateur, il ne laisse rien transparaître, analysa Elias. Difficile de dire pourquoi on nous met sous surveillance, mais le vieux Godwinson doit avoir une idée derrière la tête.

— Je partage ce point de vue, acquiesça-t-elle. On va devoir redoubler de vigilance. Je vais prévenir les autres.

Alors qu’elle se détournait, Elias lui attrapa le bras. L’occasion de faire la lumière sur l’échange précédent était trop belle pour le demi-vampire.

— Attendez, chuchota-t-il. Que vous a-t-il soufflé à l’oreille tout à l’heure ?

La demi-elfe l’avisa, étonnée, et son visage se contracta sur le coup d’un dilemme intérieur.

— Pas grand-chose : que cet endroit était beau et triste en même temps, avoua-t-elle. Et que tout ce qu’il s’apprêtait à faire était dans l’intérêt des gens d’ici.

Hochant lentement la tête, Elias ne la retint pas plus longtemps. Des mots de la demi-elfe, il en tira deux hypothèses : fidèle à Lord Godwinson, l’aristocrate essayait de les manipuler en jouant sur la corde sensible ; ou alors, sa sincérité n’était pas à remettre en cause, et dans ce cas là, tout l’intérêt était de comprendre son véritable objectif. Tout en soupesant les deux, les lèvres d’Elias s’étirent en un rictus mauvais. Dans une situation aussi périlleuse, où la moindre erreur d’interprétation pouvait avoir des conséquences dramatiques, n’importe qui s’agacerait ou paniquerait. Mais lui, au contraire, s’en délectait. Il jubilait à l’idée de faire un choix, bon ou mauvais, impatient d’en connaître le dénouement.

Ahahah ! Décidément, il n’existe pas de plus grand plaisir que l’inconnu !

L’agence chaotique des rues n’aidant pas, les mercenaires firent de nombreux détours avant d’apercevoir l’Arène. Le monument se distinguait par sa taille importante, qui en faisait un point de repère pour ceux essayant de s’orienter. À mesure qu’elle grandissait, l’architecture et l’ambiance évoluaient. Elias remarqua d’abord que les mendiants se faisaient plus rares, jusqu’à complètement disparaître. Quiconque était familier avec les dynamiques de pouvoir du 21e arrondissement en tirait une information primordiale : dans ces quartiers, l’influence de l’Homme Trouble était inexistante. De plus, les bâtiments étaient mieux entretenus, les pavés plus visibles, et les passants semblaient être en meilleure forme. En somme, l’endroit ne ressemblait plus à un bidonville, sans être un paradis pour autant.

— Cet endroit souffle le chaud et le froid, releva Varis.

Elias se retint de parler. Après tout, lui aussi n’était censé ne rien connaître à la cité souterraine.

— C’est parce que nous sommes sur le territoire de Dorothée, expliqua Alistar.

Fronçant les sourcils, Marcus se gratta la tête dans une vaine tentative pour s’en souvenir.

— La cheffe des Parieurs ? intervint Goran.

— Exactement. Dans le temps, Dorothée avait la meilleure réputation des quatre chefs, et, par conséquent, ses terres étaient unanimement considérées comme les plus sûrs du 21e.

— Vous semblez sous-entendre que ce n’est plus cas, nota Varis.

Alistar secoua négativement la tête pour lui signifier à la demi-elfe que son interprétation était erronée.

— Non, non. Elle est toujours extrêmement bien appréciée ici, mais ce n’est plus la seule à disposer d’un solide capital de sympathie depuis l’émergence de Léo et Mélina. De ce que je vois, la situation est bien plus supportable que par le passé.

— Ah bon ? s’étonna Marcus. D’accord, ce coin est pas si mal, mais sans parler de l’absence du soleil, la misère reste bien présente.

Elias ne pouvait blâmer le scepticisme de ses collègues. Pour les néophytes du 21e arrondissement, la pauvreté et la désolation étaient naturellement omniprésentes. Pourtant, Alistar n’inventait rien, semblant même très bien renseigné.

— Vous devez me croire, mais je vous assure qu’avant, les regards des habitants étaient désespérément vides, insista celui-ci. Lorak et Alteric, les anciens chefs, avaient des tempéraments violents qui plongeaient régulièrement l’arrondissement dans les affres de la guerre. C’était une autre époque, un âge de sang et de mort.

Derrière la façade calme de l’aristocrate, les mercenaires devinèrent dans le timbre de sa voix les stigmates de ce sombre passé.

— Vous en parlez comme si vous l’avez vécu, réagit Marcus.

— Ce serait présomptueux de ma part si je répondais par l’affirmatif. Non, c’était plutôt un avant-goût de ce que devait être cet enfer.

— C’est-à-dire ?

— Dans mes très jeunes années, j’ai eu l’immense honneur d’appartenir à la garde des Justes. Je suis descendu ici plusieurs fois avec mon unité, pour ramener l’ordre, ironisa l’aristocrate.

Un silence de plomb ponctua ces révélations.

— Mais bon, tout ça, c’est du passé, éluda Alistar. Au moins, je suis heureux de constater que ces dix ans de paix n’étaient pas que de simples rumeurs.

Dix ans…

Pendant un instant, Elias ne fut plus. La chose fixant Alistar était différente du demi-vampire. Ses pupilles, noires comme la nuit, reflétaient une lueur effrayante de folie.

— Un problème… Elias ?

Marcus observait son collègue, entre inquiétude et perplexité. Ce geste suffit au demi-vampire pour revenir à lui.

— Navré, ai-je dit quelque chose de dérangeant ? s’enquit l’aristocrate.

— Non, non, c’est même tout le contraire ! J’ai tendance à m’emporter quand quelque chose me passionne !

Elias ponctua sa justification par une audacieuse courbette à l’intention d’Alistar. Après une courte hésitation, celui-ci répondit par un sourire sans âme avant d’inviter le groupe à le suivre. Lentement, la conversation dériva sur d’autres sujets, auxquels Elias y participa avec son enthousiasme débordant. Cependant, par delà sa façade retrouvée, la chose sommeillant derrière les traits du demi-vampire songeait aux propos d’Alistar.

Ainsi donc, le 21e arrondissement connaît une soudaine amélioration depuis une dizaine d’années. C’est étrange, au vu de l’histoire millénaire de cet endroit, qui fut sans cesse parsemée de tragédie et violence. Finalement, ce vieux croûton d’Aldebaran a peut-être bien raison. Le gamin a des chances d’être toujours ici.

Véritable Colisée, l’Arène, figure tutélaire d’un autre âge, avait dû être, au temps de son apogée, un chef-d’œuvre architectural. C’est sur la place l’entourant que les mercenaires purent l’admirer dans toute sa splendeur. Gigantesque en taille et en largeur, elle dominait très largement les plus hautes bâtisses de l’arrondissement. Ces dimensions hors norme lui conféraient cette aura si spéciale, évoquant celle d’un monarque solitaire. C’était à n’en pas douter un joyau perdu au cœur des boyaux de Paris, une anomalie de dignité surplombant courageusement un océan de crasse. Cependant, même les reines ne peuvent échapper aux aiguilles du temps qui s’écoule. Depuis des siècles, l’entropie grignotait le bâtiment, érodant grandement les pierres et provoquant l’effondrement partiel de plusieurs pans. Sa majesté avait bien vieilli, et son triste règne parvenait à son terme. Mais, malgré sa lente déchéance, elle continuait d’assurer dignement sa fonction, en façonnant en son sein les futures légendes. Dans le creuset de la violence, naissait de glorieux affrontements, acclamés par une foule toujours plus nombreuse.

Les mercenaires se fondirent dans cette masse, franchissant l’imposante ouverture sans portes qui permettait d’accéder à la première enceinte. Une activité débordante y régnait, au travers de divers stands de nourritures, de boissons, et bien sûr de paris. La diversité de culture atteignait ici son paroxysme. Pluralité était le maître mot du 21e arrondissement, et l’Arène en était l’aboutissement concret. Des odeurs d’épices exotiques, cumin, curry, safran, éveillèrent d’obscurs et lointains souvenirs chez Elias, mémoire de tant de vies, d’autres âges. Les accents chantants et gutturaux le ramenèrent à une infinité de rencontres, aux moments gravés dans son être, et pourtant si absents. Ces trop nombreux stimulus lui firent jusqu’à perdre, l’espace d’un clignement d’œil, l’essence de son être. Ce bref instant de déconstruction cessa, quand un individu avec un turban sur la tête l’accosta, proposant à grand renfort de gestes éloquents des situations de pari. Avec un sourire sympathique, le demi-vampire repoussa l’impertinent pour rejoindre Alistar, qui patientait dans une file.

Encore une fois, c’était pas loin de tourner au désastre, soupira Elias.

Heureusement pour lui, dans le chaos ambiant, personne ne semblait l’avoir remarqué. Le demi-vampire consacra toute son attention à reprendre le dessus sur les nombreuses identités le façonnant. Inspirant, expirant, les paupières closes, il retrouva lentement sa personne. Quand s’ouvrirent ses yeux, ils étaient arrivés face au guichetier, qui les salua avec un sourire professionnel.

— Que puis-je faire pour vous ? Souhaitez-vous prendre connaissance du programme du jour ?

— Sans façon, déclina Alistar. Nous sommes venus voir madame Dorothée.

Sans se départir de sa posture de commercial, l’employé répondit :

— Je m’excuse, mais Madame n’a pas l’habitude de recevoir des visites.

— Peut-être changera-t-elle d’avis en apprenant qu’un Godwinson dispose d’informations au sujet des enlèvements d’enfants.

Cette fois, le petit homme eut une réaction différente. Ce n’était plus de la politesse, mais de l’intérêt qui se reflétait dans son regard. D’un geste, il interpela un de ses collègues avant de quitter son poste.

— Votre message va être transmis. En attendant, veuillez me suivre.

De vendeur de billets, son attitude était passée à celle d’un courtisan recevant un dignitaire. La tête bien haute, il invita le groupe à le rejoindre de l’autre côté du guichet, avant d’emprunter un couloir qui s’enfonçait dans les tréfonds de l’arène. Ce qui suivit ne fut qu’une succession de dédales labyrinthiques, qui fit rapidement perdre le sens de l’orientation à chacun. Franchissant un nombre incalculable de portes, traversant des dizaines d’intersections, ils finirent par être installés dans une salle souterraine confortable. Tout en s’asseyant tranquillement sur l’un des grands coussins posés à même le sol, Elias interpela Alistar.

— Êtes-vous sûr que révéler votre nom était une bonne idée ? Les gens de la surface sont mal perçus ici, surtout s’il s’agit d’aristo de haut rang.

— Pas de soucis, répondit l’intéressé. Bien sûr, comme les autres habitants, Dorothée ne doit sans doute pas apprécier les individus de mon espèce. Mais personne, pas même la cheffe des Parieurs, ne peut refuser une entrevue avec un Godwinson. Il y a trop de bénéfice à en tirer.

— J’espère que vous dites vrai, grinça Varis. Si ça tourne mal, on est coincé, j’en ai bien peur.

Alistar réagit en s’asseyant calmement à son tour, invitant indirectement le reste du groupe à faire de même. Bientôt vint le moment fatidique, dont l’émissaire était un vieil homme aux cheveux blancs.

— Chers invités, Madame va vous recevoir. Si vous voulez bien me suivre.

Pour le moment, nous sommes encore bien considérés, releva Elias.

Empruntant à nouveau des escaliers, ils s’enfoncèrent plus profondément encore dans les entrailles de la Terre, qui s’élargissait progressivement jusqu’à une nouvelle intersection. Si des couloirs partaient de part et d’autre, leur guide se dirigea vers les grandes portes en bois. Le vieillard fit signe aux gardes en faction de s’écarter, avant d’appuyer sur le battant pour les ouvrir. À l’intérieur, le plafond était suffisamment pour que soit construite une mezzanine, occupé par des cadres de l’organisation régissant le lieu. Les murs et sols de la salle étaient habillés de tapis orientaux et d’immenses coussins, similaires à ceux de la pièce précédente, étaient disposés un peu partout. Les mercenaires entrèrent sous les regards inquisiteurs, dans un silence absolu. Mais aucun d’eux n’avait le poids de celui venant du fond. Assise sur un tabouret en pierre, une vieille femme, à l’embonpoint aussi spectaculaire que sa taille, toisant depuis son estrade le petit groupe. Sa posture autoritaire, bien servie par son physique atypique, ne laissait planer aucun doute sur son identité.

— Je ne saurais dire si c’est de l’audace, ou de la folie, qui vous a conduit ici, mon petit poussin.

Sa voix rocailleuse, aux sonorités masculines, était teintée d’une ironie palpable à l’attention d’Alistar, qui répondit par un sourire sincère.

— Madame, je partage avec vous le plaisir de cette rencontre atypique, déclara-t-il en retirant son haut-de-forme.

— Inutile de minauder, mon chou. Ici, votre nom ne vous protège pas. Un mot en trop, et je me ferai une joie d’égratigner ce beau minois.

— Naturellement, je n’ai point l’intention d’offenser la maîtresse de ces lieux, acquiesça-t-il en toute sérénité.

— Ah ! Épargnez-moi cette étiquette, et dites-moi plutôt ce qui motive la venue d’un Godwinson dans cette charmante bourgade.

— Milady, comme vous le savez sans doute déjà, nous sommes ici pour une cause qui vous tient également à cœur.

L’imposante dame se gratta le menton, fixant l’aristocrate avec scepticisme.

— Et depuis quand un nobliau se préoccupe-t-il du sort des gens d’ici ?

— Notre démarche est sincère, répliqua-t-il. Nous…

— Je vous ai posé une question, Godwinson. Et vous allez me répondre. Sinon…

Du coin de l’œil, Elias remarqua les gardes qui s’étaient approchés, armes en main. Alistar marchait sur un fil, et en cas de chute, il entraînerait tout le monde avec lui.

— J’en suis navré, mais je ne peux vraiment pas vous expliquer nos motivations profondes, persista-t-il. Sachez seulement que nos objectifs concordent et que je suis sincère dans mon ambition de sauver les enfants. Vous avez ma parole de Godwinson.

— Mouais, mouais, soupira Dorothée. Je vous connais mieux que vous le pensez, vous autres, les biens nés. Aussi, vos belles promesses, je n’y crois pas le moins du monde.

D’un regard, elle indiqua au vieillard que les négociations étaient terminées. Celui-ci ordonna à ses soldats d’appréhender les mercenaires. Alors que la menace se rapprochait lentement, Elias effleura la garde de son épée, prêt à se battre pour sa survie. Mais Alistar n’avait pas encore abdiqué. Indifférent aux risques, il se dirigea vers l’estrade, ne s’arrêtant qu’à quelques marches de la géante.

— En gage de bonne foi, je suis prêt à signer un Contrat Noir.

Tout le monde cessa brusquement de bouger. Calmement, l’aristocrate venait de présenter un papier à l’intention de Dorothée. Celle-ci toisa pendant quelques secondes l’impudent, avant de se pencher pour lui arracher des mains, chaussant au passage d’imposantes lunettes. Après plusieurs minutes insoutenables, elle releva la tête en braquant sur lui un regard ferme.

— C’est un authentique, annonça-t-elle à une audience sous apnée.

— Il ne vous reste qu’à apposer votre signature, précisa Alistar.

Des murmures s’élevèrent des gradins, alors que Dorothée dévisageait l’aristocrate avec méfiance, mépris, et une pointe d’admiration.

— Vous n’êtes qu’un sombre idiot, asséna-t-elle.

— N’est-ce pas ? Voici jusqu’où va ma détermination : je l’admets, nous poursuivons un objectif qui nous est propre. Mais je suis également sincère dans ma volonté de vous aider.

Alors que Varis maudissait l’imprudence de l’aristocrate, Elias la louait avec une excitation folle.

Ahah ! Entre folie et bravoure, il n’y a qu’un pas. Et cet homme en a le tempérament !

Dorothée se redressa, accentuant la différence de taille entre elle et son interlocuteur. Sa présence gigantesque était pareille à une montagne, rendant le flegme d’Alistar d’autant plus remarquable. Soudain, elle bascula en arrière, éclatant d’un rire fort et tonitruant.

— Ma parole, j’en ai connu des abrutis de nobliaux, mais aucun n’était aussi fêlé que vous ! s’exclama-t-elle.

— Je prends cela comme un compliment, sourit Alistar.

— Vous pouvez. Bon j’imagine que je peux vous dire ce que je sais, dit-elle en déchirant le Contrat Noir d’un coup sec.

Une fêlure d’étonnement fissure la façade calme d’Alistar à la vue du papier froissé. Ayant tout anticipé jusqu’ici, il ne s’attendait certainement pas à cette réaction.

— Êtes-vous sûre ? demanda-t-il.

— J’ai vu votre résolution, elle me suffit amplement. De toute façon, je refuse de recourir à ces saloperies.

— Alors, nous avons plus en commun que vous le pensez, osa l’aristocrate.

— Doucement mon mignon. Si j’apprécie le courage, l’arrogance m’est insupportable. Enfin, passons. Je vais vous dire tout ce que je sais sur ces affaires d’enlèvements.

Mais face aux visages réjouis des mercenaires, elle ajouta sombrement :

— Mais ne vous attendez pas à grand-chose.

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