Sidération

2 minutes de lecture

Ca m'était tombé dessus d'un coup. Comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Je ne me suis même pas vue trébucher, ni chuter. Le choc, par contre, reste un souvenir effroyable.

Ca a commencé avec ces mots :

- Il faut qu'on parle.

Au milieu d'une librairie, j'avais les bras chargés de livres, j'attendais à la caisse. Qu'avais-je donc dit déjà ? Ah oui : "Tu viens manger à la maison samedi ?" Comment "il faut qu'on parle", peut-il être sa réponse ? Mon coeur a manqué à battement. C'est mon tour, je fais un pas vers la caisse, pose mes livres sur le comptoir et dis :

- Tu es en train de me quitter ?

Un coup d'oeil vers lui.

- On peut en parler dehors.

Quoi ? C'est de la gêne que je lis dans son regard ? Je ne dis rien, paye les livres. Un regard à la vendeuse qui a l'air horrifié. Elle encaisse en silence et d'une toute petite voix me souhaite "une bonne journée". Il me conduit à la fête forraine et me quitte. Nettement, proprement. Pendant qu'il me dit "que ce n'est pas moi mais lui qui a changé", "que je suis une fille géniale qui rendra quelqu'un d'autre très heureux", "qu'il n'a pas rencontré quelqu'un d'autre", "qu'il est désolé"... mon esprit se vide, je marche de façon robotisée, je l'écoute d'un air distrait. Le brouhaha de la fête forraine, les odeurs de churros et porcs grillés, les enfants qui courent entre les attractions, les lumières clignotantes... tout cela concourt à m'endormir, à me mettre dans un état second. Ca n'a aucun sens... Ca ne peut pas arriver. Comment peut-il m'arriver quelque chose d'aussi triste dans ce lieu de liesse, de jeu et de joie. Puis, une fois qu'il a dit tout ce qu'il avait à dire, il me dépose au tram. Comme un paquet qu'on met en soute à l'aéroport, comme un chien qu'on abandonne au bord de l'autoroute. Les "au revoir" sont maladroits. Maintenant, on ne s'embrasse plus, on ne se serre pas dans les bras. Je le regarde une dernière fois, je scrute son visage, je n'ai vraiment rien compris à ce qu'il vient de se passer. Il a l'air... loin, soulagé, gêné... Il évite mon regard. Je rentre chez moi, je n'ai pas pleuré. Je me souviens avoir reçu un message de ma meilleure amie alors que j'étais dans le tram. Je ne sais plus ce que je lui ai répondu exactement, toujours est-il qu'elle m'a dit de descendre du tram et de venir chez elle. Comme un robot, j'y suis allée. Elle m'a ouvert une bière ; elle n'avait aucun goût. Je crois que j'ai pleuré, beaucoup. Je suis rentrée chez moi, j'ai essayé de faire bonne figure devant mes parents. Je n'ai pas pu leur cacher la réalité longtemps. Maintenant, les gens savaient, ça devenait une réalité.

Pourtant ce soir, je n'ai pas de temps à perdre. J'ai un examen demain, un oral dans le service où je suis en stage. Cancérologie, encore un sujet réjouissant. J'attrape mes bouquins et tente de réviser. Tout semble irréel et vain. Nous étions le 31 mars.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Sylke ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0