Chapitre 2 : Pyrrha
Imbécile de mouton ! Je vais encore finir toute écorchée de partout et tout ce que père trouvera à me dire en me voyant revenir sera « mais où étais tu passée ? »
— Et gnagnagna ! grommelé-je pour moi-même en imaginant les reproches à venir sur mon absence pour « m’amuser ».
Je me fige soudain : j’entends bêler non loin. Au moins, je n’aurais pas crapahuté si loin pour rien ! Père ne pourra me blâmer pour la perte de cette sale bête puante et inut…
— AAAAAAAaaaaaaaaaaaah !
Le sol s’est effondré sous mon pas et j’ai échoué à l’intérieur d’une grotte… Par chance, un tapis de mousse a amorti ma chute, mais la vive douleur qui irradie mon poignet m’indique que cela n’a pas été suffisant.
— Aïe ! Par le foutre de Zeus, je jure que ce mouton ne passera pas la nuit !
Je me relève péniblement, je vais avoir de sacrés hématomes demain. Je profite que je suis seule pour lâcher un flot de jurons, mère n’est pas là pour me sermonner et si les dieux existent, ma foi, ils ont certainement mieux à faire que de m’écouter jurer.
— Prends garde jeune fille ! Les dieux n’aiment guère que leur nom soit prononcé à la légère, surtout pour proférer de telles ignominies.
L’effroi me saisit. Là où mes jurons semblaient vibrer et s'écraser contre la roche, les menaces à peine murmurés trainent dans la galerie, tel un écho sinistre. Cette voix m’a glacé le sang.
Le silence est revenu, tout juste troublé par les battements de mon cœur à mes tempes. Je me tourne lentement, silencieusement, cherchant une issue et espérant ne pas croiser l’Autre. Le trou par lequel je suis arrivée, ma seule source de lumière, est trop haut pour que je l’atteigne – j’aimerais lâcher une injure de mon cru, mais me retiens. Il va me falloir traverser ces galeries à l’aveugle. J’avale difficilement ma salive. Mon poignet lesé a déjà doublé de volume et irradie de chaleur, je n’ai pas très envie de me blesser davantage ou de tomber dans une autre galerie.
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