Chapitre 15 : Médusa
Alors que les abysses attirent son corps dans ses profondeurs, j’attrape sa main de justesse. Pour la première fois depuis que je suis ainsi, je remercie les dieux de la puissance qui accompagne ma malédiction, sans cela j’aurais chu avec elle dans les ténèbres.
Et pourquoi pas ?
Pourquoi ne pas plonger avec elle, l’accompagner dans le trépas ?
Je sens comme une ébauche de caresse dans mon dos, le long de ma colonne vertébrale, serait-ce la main froide de Thanatos m’enjoignant d’agir ? Vivre est si dur, la Mort semble si facile, si accessible en cet instant… Je me penche un peu plus au-dessus du vide, prête à m’abandonner aux ténèbres.
— Dusa… Pitié…
J’ouvre brusquement tous mes yeux et me fige. Malgré son poids, pendant un instant, je l’avais presque oubliée. Mais est-elle importante ?
Mon cœur bat plus fort : oui.
L’est-elle plus que mon désir de disparaître ? Les battements de mon cœur répondent pour moi.
Mes yeux reptiliens se penchent sur elle. Son visage est inondé de larmes silencieuses, son regard tourné vers moi. La puissance des émotions que je lis dans ses prunelles me frappe et réduit à néant mon désir de mort.
Je l’aide à remonter sur le rebord du gouffre. Certains de mes serpents profitent de cette proximité pour la sentir, j’ai toutes les peines du monde à les contrôler !
Alors qu’elle est de nouveau en sécurité, je vois qu’elle tremble de tout son corps. Elle a probablement peur de moi à nouveau, comment lui en vouloir ? A-t-elle seulement cessé de me craindre depuis le début ?
— Je t’avais dit de rester collée à la paroi.
— J’ai cru que tu allais me laisser tomber, confesse-t-elle dans un souffle.
— J’ai hésité à t’accompagner dans ta chute.
Mon honnêteté me sidère moi-même. Son expression se fige, ses yeux s’écarquillent, l’odeur de peur est plus présente que jamais. Qu’espérais-je de toute façon ?
— Pourquoi ? demande-t-elle d’une voix incertaine.
« Parce que je suis un monstre ! » ai-je envie d’hurler avec désespoir (ou détresse, lequel est mieux selon vous ?), mais le temps m’a usé.
— Nous devons avancer si tu veux toujours sortir avant la nuit.
Je lâche enfin son poignet et m’avance le long la roche, mais sa main s’accroche aussitôt à la mienne, me faisant presque sursauter. Ses doigts s’entremêlent aux miens, me rappelant des souvenirs anciens et douloureux.
— Garde ma main s’il te plaît, cela me rassure !
Elle a peur que je l’abandonne.
— D’accord.
Sa main est chaude, légèrement calleuse. Je surprends soudain une larme m’échapper. À quand remonte la dernière fois qu’une personne m’a touchée sans chercher à me faire du mal ?
Annotations