Chapitre 16 : Pyrrha
Alors que nous avançons lentement au bord du vide, mes pensées s’entremêlent dans un véritable capharnaüm ! Depuis qu’elle me guide, je ne pense qu’à moi et mon retour auprès des miens, je lui ai certes posé quelques questions sur elle sans recevoir de réponse, mais j’étais préoccupée de moi et mon sors et ma sécurité et mon avenir et moi, moi, moi, rien que moi !
Elle connaît si bien ces galeries, depuis combien de temps y vit-elle ? Elle m’a dit ne pas pouvoir être vue, est-elle si laide ? Son attitude est si froide, depuis combien de temps est-elle seule ? Je pensais être en présence d’une quelconque entité immortelle, peut-être l’esprit même de cette montagne, mais si elle souhaite mourir, c’est qu’elle est mortelle, non ? Est-elle maudite ? Qui l’a enfermée ici ? Sa main, aussi puissante soit-elle, est d’une sécheresse et d’une maigreur effroyable…
Son aveu un peu plus tôt m’a tellement bouleversée… J’avais envie de lui dire qu’elle n’était plus seule, qu’elle pouvait se confier à moi, mais autant j’ai la langue bien pendue pour parler de tout et surtout de rien, autant je suis incapable d’exprimer mes sentiments. Je ne sais pas dire les choses importantes, je n’ai jamais su, pas même quand Emris est mort. J’ai donc pris sa main. Quand j’ai ressenti son trouble, j’ai paniqué ; une fois de plus incapable d’assumer mes sentiments, j’ai prétexté que cela me rassurait…
Je soupire.
Les choses sont tellement plus simples quand on ne se soucie pas des autres !
Nous progressons à bon rythme, mais j’ai hâte d’en avoir fini avec ce précipice, la roche a déchiré ma tunique et lentement, mais sûrement, elle s’évertue à déchirer ma chair à coup de griffure.
Le silence qui s’est installé entre nous m’oppresse, j’ai envie de le briser, mais chose rare : les mots me manquent.
— Nous sommes presque arrivées, annonce Dusa.
Elle lâche aussitôt ma main.
— Le gouffre est derrière nous, tu peux avancer seule. Le chemin face à toi te mènera à la sortie d’ici peu. Tu n’as plus besoin de moi.
— Quoi ? Attends !
— Ne parle de notre rencontre à personne. Adieu.
— Non, ne me laisse pas ! Dusa ?
Seul l’écho de ma voix me répond.
— Dusa ?
Je ne vois rien, mais je sais qu’elle n’est plus là.
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