Chapitre 5 * (- 3)

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Elle s’assit en oubliant de faire la révérence, trop abasourdie. Elle aurait voulu être indifférente. Après tout, la reine était une femme parmi d’autres, une fois sa couronne retirée. Sa présence écrasait tout le reste. Rosalie ignorait de quelle manière réagir. Elle réalisa qu’elle ne s’était pas inclinée, hésita, faillit se lever, avant de se décider pour poser la question, mais elle n’en eut pas le temps. Galicie VII avait tendu le bras vers elle, avant de poser un doigt sous son menton. Elle le lui releva sèchement pour que leurs regards se croisent.

– Voici donc notre témoin gênant.

Gênant.

Rosalie réprima un haut-le-coeur de terreur. Elle se raccrocha à son intuition lui dictant qu’ils n’allaient pas la tuer, pas après tous ses efforts.

Elle se déroba vivement avant de reculer contre la banquette, et jeta un regard noir à Galicie VII. Reine ou pas, elle n’avait pas à la traiter comme du bétail.

– Je m’appelle Rosalie.

– Je sais.

Et Rosalie ne doutait pas qu’elle savait bien plus que son nom.

– Vous êtes en possession d’informations secrètes. Tôt ou tard, l’étendue de leur signification vous reviendra à la figure. Et vous ne saurez pas comment y faire face.

Rosalie ne baissa pas les yeux.

– Je me doute bien que ma présence vous indispose.

– Au contraire, j’apprécie beaucoup les gens comme vous. Ils n’ont pas d’attaches ce qui les rend aisément sacrifiables. De ce fait, vous ferez tout pour réussir car vous n’aurez aucun poids pour vous défendre si je décide de mettre certains échecs sur votre dos.

Les lèvres de Rosalie esquissèrent un rictus nerveux.

– Alors c’est ça. Je suis en quelque sorte une otage.

– Pas en quelque sorte.

Un poids oppressa la poitrine de Rosalie. Une nuit et une inconnue. Il avait suffi de cela pour qu’elle devienne une ennemie de la reine en personne. Qu’une femme qu’elle n’avait jamais vue soit dès lors présente dans l’ombre de chacun de ses pas.

Rosalie s’était débarrassée de sa grand-mère et de son dictat pour obtenir bien pire. Si Galicie VII voulait lui causer du tort, elle n’aurait aucun mal, ni aucun scrupule. Et personne ne l’en empêcherait.

Pas même Amerius.

Mais enfin que croyais-tu ? Il n’est pas ton ami. Seulement ton collègue. Ha non pardon. Ton employeur.

Elle avait pourtant pensé pouvoir lui faire confiance. Mais l’avait-il vraiment trahi ? Bien sûr que non, il avait obéi aux ordres. Peut-être même avait-il plaidé sa cause. Rosalie ne pensait pas qu’il soit son ennemi. Mais elle avait besoin d’en vouloir à quelqu’un.

– J’ai bien conscience que vous vous êtes simplement retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment, reprit la reine. Mais je ne peux pas mettre tout un continent en danger par pitié envers une seule personne. Soyez cependant rassurée sur une chose : je tiens tout le monde par la coupe.

Rosalie ne put empêcher son regard de glisser vers Amerius. Les mains sur sa canne, il n’avait pas bougé depuis l’apparition de la reine. Celle-ci prétendait connaître un secret à son propos. Rosalie était soudainement envahie de curiosité. Qu’est-ce qu’il pouvait bien avoir commis de si répréhensible ? À moins qu’Amerius ne fût comme elle : un simple malchanceux.

– Vous savez que vous êtes ma première magiterienne ? Même si vous n’avez plus de relations qu’avec des mots envoyés à vos parents.

– Cela ne vous regarde pas !

– Tout ce qui se passe dans ce royaume me regarde. Vous pouvez avoir votre utilité. Amerius se chargera de tout vous expliquer. Vous lui devrez obéissance.

Elle fit volte-face pour revenir au rideau. D’un geste gracieux, elle porta la coupe de champagne à ses lèvres peintes de rose. Rosalie aurait dû la laisser s’en aller pour mettre fin à cet échange qui l’avait ébranlé et écœuré à la fois.

– Ce n’était pas la peine de me convoquer pour simplement m’intimider.

– Non. Pour vous jauger. Et vous avez réussi.

Elle reposa la coupe et se leva sans prévenir, avant de disparaitre comme un souffle d’air. Rosalie resta un instant à fixer le fauteuil vide, jusqu’à ce que l’épaule d’Amerius brouille son champ de vision.

–Venez.

– Et où allons-nous cette fois-ci ? siffla-t-elle.

– Parler.

Il n’ouvrit pas la marche. Son regard était fixé sur Rosalie, une lueur de demande dans le regard.

– Vous attendez mon accord ? C’est un peu tard pour ça, vous ne croyez pas ?

– J’ai la main davantage libre sur la suite des événements. Alors, oui. J’attends votre accord.

Rosalie garda le menton droit.

– Je ne vais pas vous assassiner, crut-il bon d’ajouter.

– Je ne pensais pas à ça !

Mais à cause de lui, elle se l’imaginait de nouveau.

Elle soutint encore son regard avant de perdre l’envie de se battre. Ça n’avait pas de sens. Elle soupira et hocha la tête, avant de se lever.

– Merci, murmura Amerius.

Sa voix avait cependant été si ténue qu’elle n’était pas certaine de l’avoir entendue.

À la sortie de l’amphithéâtre, ils retrouvèrent leur fiacre. Lorsque Rosalie monta, Léni se précipita aussitôt vers elle pour se réfugier dans son écharpe. Amerius murmura quelque chose à Bartold et le véhicule fila sur la neige.

– Elle n'est pas aussi terrible qu'elle en a l'air.

Rosalie se tourna vers son patron.

– Qui ça ?

– La reine. Elle vous a intimidé, j'en conviens, mais elle ne peut se permettre des états d'âme. Elle est plus compatissante qu'il n'y paraît.

– Si vous le dites.

Rosalie le croirait quand elle en ferait l'expérience.

– Vous ne m’avez pas répondu. Où allons-nous ?

Amerius tourna la tête vers la fenêtre.

– Chez moi.

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