Chapitre 39 * (- 1)

5 minutes de lecture

Chapitre qui permet de mettre en place toute la suite et fin du récit. Si les explications paraissent trop longues, nombreuses, ou laborieuses, n'hésitez pas à le signaler

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Résidence d'Amerius Karfekov, 7h03, 11 de jerve de l'an 1901

Ce fut la troisième convocation de la reine qui réveilla Rosalie et Amerius. Leurs retrouvailles pleinement fêtées, ils s'étaient endormis alors même que le soleil n'était pas couché, rattrapés par des mois de sommeil hasardeux.

La missive magique pliée en forme d'oiseau avait plusieurs fois tapé au carreau de la chambre.

Rosalie se souvenait du sursaut d'Amerius, qui l'avait doucement repoussé du torse contre lequel elle s'était lovée, avant qu'il ne soit obligé de la réveiller.

La reine les pressait de rejoindre le palais, ajoutant que Bartold était déjà en chemin.

Rosalie et Amerius se préparèrent, achevant leur petit-déjeuner au moment où Bartold se garait devant le portail. Le duo parvenu à sa hauteur, il poussa un soupir blasé.

L'heure de trajet fut l'occasion de parler. Rosalie se lança la première, racontant comment elle avait fini par comprendre le travail de Noé et rencontré les futurs magiteriens. Elle évoqua la Lune, enterrée et destinée à être découverte si le fallait.

– Tu as conçu cela dans le passé ?

Amerius avait ouvert de grands yeux interloqués.

– Rien ne dit que mon plan ait tenu tous ces siècles.

Mais les colliers qu'elle avait fabriqués se trouvant toujours aux cous des patriarches et matriarches, elle en caressait l'espoir.

Elle sortit Amerius de sa sidération en le pressant de raconter à son tour. Le plus dur pour Rosalie fut d'apprendre le démantèlement des manoirs. C'était entre leurs pierres qu'elle avait grandi, et de bons souvenirs s'y trouvaient encore.

Le fiacre freina sur la neige et le duo se retrouva bientôt dans le bureau de Galicie. Celle-ci eut un regard sans intérêt pour Rosalie, qui dut elle-même retenir un sourire victorieux à l'idée qu'Amerius ait balayé son bureau. Galicie les invita à s’asseoir, avant de prendre place à son tour.

– Mona Zelenski est en détention, annonça la reine. Nos interrogatoires n'ont cependant rien donné et nous manquons de temps.

Elle se tourna vers Rosalie.

– Elle a accepté de collaborer, mais uniquement auprès de vous.

Rosalie allait demander plus de détails, mais la reine la prit de court.

– J’imagine que ces retrouvailles doivent être pénibles, mais on ne peut se permettre des sentiments. L’avenir de notre pays, et peut-être de nombreux autres, est en jeu. Mona sait des choses, sur Maguel et ses plans, et plus vite nous les connaîtrons, plus vite nous pourrons l’en empêcher.

Toute trace d’animosité avait déserté son visage. Rosalie la découvrit enfin tel qu’elle se devait d’être : une reine, qui faisait passer son royaume avant sa personne. Rosalie devait également agir ainsi, se confronter à Mona et accepter de faire la paix si cela pouvait les débarrasser de Maguel.

– D’accord.

Galicie VII se leva, imitée par Amerius. Rosalie suivit avec un temps de retard, un peu anxieuse. Amerius lui frôla brièvement la main pour la rassurer.

La souveraine les escorta jusqu'aux geôles souterraines, celles-là mêmes où Rosalie s'était retrouvée enfermée dans une autre réalité.

Galicie VII s'arrêta à quelques pas du fond du couloir, gardé par quatre soldats. Elle fit signe à Rosalie d'avancer, tout en signifiant à Amerius qu'il n'avait pas intérêt à faire le moindre pas ; il n'en avait pas l'intention, Mona le haïssait et il le savait.

Rosalie s'avança jusqu'à discerner les contours de la cellule.

Elle appréhendait de revoir Mona. Ce n'était plus l'amie qu'elle avait connue, c'était une ennemie, mais ignorait si elle était capable de la traiter comme telle.

Une partie de la porte était faite de barreaux, de sorte à pouvoir discuter et se regarder. Mona n'était pas capable de s'en approcher à moins d'un mètre, à cause de la chaîne qui retenait sa jambe encore présente. Plusieurs cercles de confinement avaient été tracés sur le sol. Mona releva la tête et se traîna jusqu'aux barreaux. Rosalie frissonna en découvrant son portrait à moitié arraché.

– J'ai senti que tu étais revenue.

– Un voyage que je n'ai pas particulièrement apprécié.

– J'ai fait ça pour toi, se défendit Mona.

– Je ne t'ai rien demandé.

– Mais moi, je te le demande. Reste en vie, ajouta-t-elle tout bas. Je ne veux pas revivre ce jour.

Rosalie s'accroupit devant la cellule afin de mieux l'entendre.

– Quel jour ? demanda-t-elle en imitant son ton de confidence. Celui où...

Mona hocha la tête.

– Le dix magnus de l’an mille neuf cent onze. Je ne l'oublierai jamais.

Son regard se voila. En temps normal, Rosalie l’aurait rassurée par les mots, assise à table avant de lui tendre un chocolat chaud. Il n’y aurait plus de moments comme celui-là entre elles, mais il pouvait encore en avoir pour les autres.

– C'est pour ça que tu dois nous aider. Je fais partie de cette histoire, tu ne pourras pas m'en écarter, mais tu peux me protéger en me parlant de Maguel. Tu sais où il est ?

Elle secoua la tête.

– Je l'ai fui. Il devenait incontrôlable. Je l’admirais, avant. Il était mon modèle et me donnait tout son temps. Mais il a changé et a commencé à s’en prendre à toi, ce que je n’ai pas supporté. Que je t’enferme dans le passé l’a mis très en colère.

Son regard dériva vers sa jambe mutilée. Rosalie blêmit.

– C’est lui qui…

Mona hocha la tête. Rosalie se retint de hurler. Il avait levé la main sur sa propre fille.

– Dis-moi que tu sais ce qu’il prépare. Pourquoi il a attendu toutes ces semaines, qu’est-ce qui le retient ?

C’était la question qui monopolisait tous les esprits. Son amie grimaça.

– Ce n’est pas… D’abord, sache qu’il manque de ressources. Il tenait un compte des Poupées en sa possession. Elles étaient toutes uniques. La dernière fois que je l'ai vu... il en restait à peine une dizaine. Si on compte celles utilisées depuis ton sauvetage en forêt, ça fait deux survivantes. Depuis ces dernières semaines, il n'a pas pu en refaire plus de deux ou trois, elles demandent énormément de temps et de savoir-faire. Pas de quoi vous attaquer. Et les Poupées ne sont pas la seule chose à lui faire défaut.

– Pourquoi ne pas remonter le temps et récupérer du matériel ?

– Parce que sa vie s'épuise. Et que prendre ce qui devra servir à autre chose provoquerait un changement temporel.

Rosalie se passa une main sur le visage. Ces histoires de paradoxe temporel lui retournaient l'esprit.

– Il a donc forcément un objectif précis.

– Détruire les Basses-Terres, et il ne cessait de répéter qu’il avait besoin d’une source d’énergie pour cela. Mais j’ignore pourquoi et quel jour il veut frapper, je te l'ai dit, je suis partie pour être avec toi tant que...

Un sanglot lui secoua la poitrine. Rosalie se pencha et lui murmura de s'expliquer.

– C'est juste que... j'ai beau essayer, et mon père aussi, tout est probablement voué à l'échec.

– Pourquoi ?

Rosalie dut se coller aux barreaux pour entendre sa réponse.

– Parce que l'histoire est immuable. Et qu'elle reprend toujours son dû.

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