Chapitre 40 * (- 2)

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Rosalie fit glisser la tasse de café au travers des barreaux. Mona tendit les bras et s'en saisit avec reconnaissance. Elle recula vers le mur le plus proche en se traînant d'une main. Installée, elle porta la tasse à ses lèvres et but une gorgée, les yeux fermés.

De l'autre côté de la cellule, Rosalie la regardait avec perplexité.

– Tu as vraiment besoin de boire et de manger ? Ou de dormir ?

Mona secoua la tête, un sourire triste sur le visage.

– Non, m'alimenter ne sert qu'à faire illusion. Ou me faire plaisir, même si mes papilles gustatives ne sont pas très sensibles. Quant à dormir, ça ne m'arrive jamais.

Après un instant, elle ajouta, d'une voix basse :

– Les nuits peuvent être très longues.

Rosalie compatissait. Le sommeil et les rêves pouvaient être réparateurs, se réveiller s'apparenter à un nouveau départ. Rester éveiller revenait à rester prisonnier d'une situation.

– Et Maguel ? Il dort, parfois ?

Sa question n'avait rien de très subtil. À la demande de Galicie VII, Rosalie se trouvait face à Mona, avec pour consigne d'essayer d'en apprendre plus sur leur ennemi.

Loin d'être stupide, Mona ne chercha pas à lui mentir.

– Je l'ai déjà vu faire, même s'il semblait mort tant sa respiration était faible. Je ne suis pas certaine qu'il s'agissait de sommeil naturel. Quant aux repas, il en prenait bien plus que tu ne l'imagines.

– Parce qu'il a usé de magie sur lui-même ?

– En effet. Changer de lieu et d'époque aussi souvent est désastreux sur un corps humain.

Rosalie ne put empêcher un coup d'œil sur sa propre personne, mais rien n'avait changé. Elle ne deviendrait pas comme Maguel.

Galicie VII voulait des informations sur les armes et les ressources qu'il possédait. De l'avis de Rosalie, elle n'obtiendrait pas davantage que ce que Mona leur avait donné. Maguel devait garder le reste secret.

Et peu importe à quel point on connaissait ses plans. Il fallait d'abord se préoccuper de l'homme qui les avait conçus, essayer de comprendre la manière dont il jouerait ses atouts.

– Comment en est-il arrivé là ? À vouloir tout détruire ? Par pitié, ne me dis pas que c'est uniquement à cause de moi.

Pas sûre qu'elle puisse le supporter. Mona se mordit la lèvre, une réponse sans équivoque.

– Je n'ai connu que ça, dit-elle. Faire de son mieux pour quelqu'un.

– Ce n'est pas faire de son mieux ! protesta Rosalie. C'est le harceler et lui imposer sa vision des choses ! Il... il vient un moment où il faut savoir s'arrêter et faire son deuil. L'amour ou la volonté ne font pas tout, il ne suffit pas de le vouloir pour le pouvoir !

Elle se détourna de la cellule, écœurée. Mona ne disait rien, signe qu'elle n'était pas d'accord, sans l'avouer. Au bout d'un moment, elle finit par rompre le silence.

– Et selon toi, qu'est-ce que j'aurais dû faire, alors ? Père m'a ramené d'entre les morts. Je ne sais plus ce que j'ai rencontré là-bas, mais je ne souhaitais pas y retourner. Et il m'avait promis de ramener ma mère.

Rosalie soupira, de dépit et de peine. Il ne servait sans doute à rien d'expliquer l'absurdité de la situation à Mona, c'était simplement stupide et sans fin.

Malgré son souhait d'y arriver, Rosalie ne comprendrait sans doute jamais. Elle glissa pourtant la main dans la poche de sa jupe, et se saisit de June et Aliza.

– Et elles, dans tout ça ?

Mona esquissa un petit sourire ravi.

– Je ne les avais pas vues depuis longtemps.

Elle tendit la main vers les barreaux pour s'en saisir, mais Rosalie recula. Personne d'autre ne les toucherait.

– Les Poupées leur ressemblent ! l’accusa-t-elle.

– Et alors ? rétorqua Mona. Je ne vois pas quel est le problème. Tu disais toujours que tu voulais les voir réelles, un jour. Maguel t'a exaucée et en a fait tes protectrices, je...

– Et des assassins ! Leurs visages sont les derniers que leurs victimes ont vus !

Le visage de Mona se tordit d'incompréhension.

– Mais... tu es sauve grâce à cela.

Rosalie baissa le bras tenant June et Aliza, abattue. C'était peine perdue, Mona ne comprenait pas où se situait le problème. Elle ne voyait pas plus loin que ce que Maguel lui avait appris et ses propres émotions immédiates. Comme une éternelle enfant.

Rosalie rangea les sœurs dans sa jupe, à l'abri, et se leva. Elle refusait de rester ici plus longtemps. Dans la cellule, la chaîne de Mona cliqueta.

– Rose ?

Celle-ci ignora son appel, et ceux qui suivirent. Peut-être, quand Maguel serait vaincu, essayerait-elle de lui expliquer et de recoller les morceaux.

Rosalie monta les marches jusqu'à la porte de la prison, contre laquelle elle toqua. Lorsque les gongs se refermèrent derrière elle, il lui semblait que Mona ne l'appelait pas elle, mais celle qui fut sa mère.

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