Chapitre 48 *

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Cellule de Maguel Stanford, 14h09, 14 de jerve de l’an 1901

La geôle de Maguel s’avérait vaste. Des équations recouvraient les murs, destinées à contrôler l’humidité et le taux d’oxygène. Tout ce qu’il fallait pour conserver un corps.

Rosalie poussa le charriot, qui vacillait sous les gesticulations de Mona. À défaut de pouvoir sortir les mains du cercle de confinement, elle se trémoussait pour avancer plus vite, sans tenir compte de Rosalie.

Se trouver dans cette pièce la mettait mal à l’aise. Maguel reposait au milieu, couché sur une table. Ses mains reposaient le long de son corps, dans une position que Rosalie trouva respectueuse, bien plus qu’il ne le méritait.

À l’approche de la table, Mona tendit le bras jusqu’à effleurer le bois. Un peu de cendre tomba de ses doigts, fragilisés par leur sortie du cercle. Elle n’en tint pas compte et les posa sur la main de son père.

Rosalie détourna le regard, écœurée. Elle n’y arrivait pas. Il lui était impossible de pardonner, de comprendre, et ne le souhaitait pas. Elle n’avait qu’un regret : ne pas avoir pu dire à Maguel à quel point elle le haïssait.

Elle devait vivre avec cela, et lui non. Ses paupières aux veines bleus et gonflés resteraient fermées. Sa démangeaison à l’omoplate revint, l’obligeant à lâcher le charriot pour frotter sa peau.

– Tu peux me décaler ? demanda Mona. Je voudrais voir son visage.

Rosalie fit pivoter l’engin pour que le bord long se retrouve contre la table. Mona se redressa sur les mollets, prenant le risque d’amener son propre visage au bord du cercle.

– Il a l’air paisible.

Rosalie renifla. Elle s’occupa en faisant tourner le rose entre ses doigts, jusqu’à se lasser et la glisser dans son manteau. Le geste provoqua une nouvelle gêne dans son dos.

Elle se figea. Cela faisait trois fois en peu de temps que son corps la gênait. Son omoplate gauche, celle-là même qui portait une partie des pouvoirs de Maguel.

Non. Il est mort, c’est une coïncidence.

Pouvait-elle encore se contenter de cette excuse ? Combien de signes allait-elle encore ignorer avant de comprendre qu’il n’y avait pas hasard ?

L’équation qu’elle avait cru voir sur le corps de Maguel lui revint en tête. Elle devait quitter cet endroit et s’éloigner de lui.

– On s’en va, ordonna-t-elle.

Mona lui jeta un regard suppliant.

– Non ! Je veux rester !

– On s’en va !

Au mépris de son état, Rosalie la repoussa dans le cercle. Elle s’apprêta à se saisir du charriot, sous les protestations furieuses de Mona.

Une prise se referma sur son poignet.

Figée par la surprise, et la peur de savoir, Rosalie ne se retourna pas de suite. Autour de son bras, les doigts étaient maigres et glacés. Elle pivota la tête.

Les yeux grands ouverts, Maguel la fixait.

– Rose, sourit-il. Revenons là où tout a commencé.

Elle hurla, de rage et de terreur. Elle chercha à se dégager, d’échapper à ce monstrueux cauchemar qui refusait de finir !

Les doigts de Maguel refusaient de la lâcher, agrippés comme les serres d’un rapace avide. Il se redressa, une expression ravie sur son visage hideux.

Les forces de Rosalie semblèrent la quitter. Elle refusait d’y croire, mettait toute son énergie pour se dégager, au point d’en avoir la tête qui tournait.

Maguel ne réagissait pas. L’affolement de Rosalie ne le perturbait pas, il était la créature toute-puissante de ce mauvais rêve. Elle pouvait bien s’agiter, il aurait le dessus.

– Arrête ! hurla Mona, sans que Rosalie comprenne à qui elle s’adressait.

Mona s’interposa. Elle sortit du cercle et enroula sa chaîne autour du buste de Maguel.

– Laisse la tranquille !

Sans s’émouvoir, il se saisit de son poignet et le lui tordit. La main de Mona se décrocha de son corps, avant de tomber au sol dans un bruit de feuilles mortes craquées.

Rosalie s’avérait inutile. Tout allait trop vite pour elle et son esprit engourdi. Elle ne pouvait que subir ses émotions.

Lorsque Maguel se retourna et repoussa Mona, l’épouvante se saisit d’elle. Mona fut éjectée hors du charriot. Ce qu’il restait de son corps partait déjà en fumée.

Son cri mourut dans sa gorge.

Ses jambes cédèrent sous elle. Son omoplate la brûlait, la persuadant que son état n’avait rien de normal. Une main blanche passa dans son champ de vision, avant de tomber au sol, réduite en morceaux.

Des points noirs brouillèrent sa vue. Son bras retomba, mais Maguel refusa pour autant de la lâcher. Un sanglot paniqué secoua sa poitrine. Elle allait se retrouver seule avec lui, à sa merci.

Amerius !

Elle l’appela, mais il ne l’entendrait pas.

L’obscurité tomba sur elle.

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