Chapitre 1.
— Putain, pestai-je en essayant de fermer ma dernière valise.
Je me tenais à genoux sur celle-ci et me battais avec depuis de longues minutes. Une sensation de fourmillement eut raison de moi, je préférai abandonner. Mon avion n'étant que fin de matinée, je m'étais décidée : je ne m'en occuperai que demain, lorsque Max partira pour de bon.
Je me relevai, secouant mes jambes l'une après l'autre. La pièce vide me foutait le cafard, il ne restait plus que les meubles de la location. Autrement dit les tables de chevet et ce vieux lit. Envolés les souvenirs, disparue la décoration. La chambre ne ressemblait plus qu'à une vulgaire pièce, vide de vie.
Un soupir m'échappa, je m'assis sur le bord du lit. Mon regard fut attiré par ce coin rangé, où toutes ses affaires étaient entassées. Sa grande valise contenait ses derniers vêtements, ses cartons étaient remplis de ses affaires. C'était terminé.
Je n'avais jamais pris le temps de réaliser ce qui était en train de se produire. Nous le savions, notre histoire touchait à sa fin. Aucun d'entre nous ne pouvait arranger ça, nous nous étions perdus au fil des mois. L'amour s'était envolé, les sentiments n'étaient plus là.
Mais je ne faisais que réaliser ce qui était en train de se produire : nous étions en train de nous quitter, sans nous dire au revoir. Nous ne nous étions pas adressés la parole depuis des jours.
Comment notre histoire avait-elle pu en arriver là ? Nous avions toujours vécu ensemble, nous avions toujours été proches. Autrefois, nous étions incapables d'accepter le silence au sein de notre relation, nous avions toujours quelque chose à nous raconter. Nous étions incapables de ne pas se regarder ne serait-ce qu'une seconde, nous nous aimions.
Nous n'étions désormais plus que de simples inconnus. Plus aucun regard, plus aucune parole. Nous avions passé nos dernières semaines de vie commune à nous éviter, à nous ignorer. Et c'était terrible.
J'étais triste de passer ma dernière nuit avec cet inconnu qui, autrefois, était mon meilleur ami. Il était celui qui me comprenait, il était celui qui me faisait rire et sourire. Il me faisait oublier les petits tracas de la vie quotidienne, savait briller quand mes jours étaient sombres. Il savait me rappeler les choses lorsque je les oubliais, simplement parce qu'il a bon cœur.
— Max ? appelai-je sans réfléchir.
De longues secondes passèrent, aucune réponse. Pourtant je savais qu'il se trouvait de l'autre côté de la cloison. J'entendais le bruit de son jogging qui frottait sur le canapé. M'avait-il entendu ?
Une vague de tristesse s'emparait de mon corps. Pour je ne sais quelle raison, c'était la première fois depuis des semaines que j'éprouvai des sentiments. Les choses commençaient à s'aligner dans ma tête, je commençais enfin à comprendre la situation. Nous nous détestions.
— Ça ne va pas ?
Je relevai rapidement ma tête vers cette voix, que je n'avais pas entendue depuis des jours. J'en avais presque oublié le son de cette dernière.
Il se tenait debout, dans l'encadrement de la porte. Les bras ballants, il avait cet air gêné peint sur le visage. Je n'avais plus l'habitude de le regarder, j'en avais oublié à quel point il était beau...
— Je ne veux pas qu'on se quitte comme ça, Max.
Un air de type prit au dépourvu s'affichait sur son visage, je regrettai instantanément mes mots. Et si je venais de dégrader le reste de relation qu'il y avait encore entre nous ? Et si je venais, une nouvelle fois, de tout gâcher ?
Je n'avais pas envie de garder un mauvais souvenir de nous, de notre couple. Max et moi étions ensemble depuis tellement d'années. Nous avions vécu tellement de choses, beaucoup de hauts mais quelques bas. Je crois que notre entourage était encore sous le choc de la nouvelle, ils n'avaient jamais pu nous imaginer l'un sans l'autre. Nous non plus, nous ne pensions pas que cela puisse arriver. Nous avions toujours tout planifier. Notre vie à deux, nos carrières respectives. Un mariage, une grande maison pour accueillir une ribambelle de mouflets.
La différence entre lui et moi, c'est que je comprenais enfin ce que nous étions en train de faire. J'étais perdue, je n'étais pas prête à le laisser s'en aller. Une multitude de ressentiments, des centaines de questions. Nous n'étions plus heureux, mais je ne voulais pas l'imaginer dans les bras d'une autre fille.
La simple idée de lui riant avec une autre me donnait envie de hurler. J'étais incapable de dire au revoir à notre relation, incapable d'imaginer une vie sans lui. Qu'allais-je devenir ?
— Isaure ? murmura-t-il doucement en s'approchant de moi.
La tête baissée vers mes mains, je ne m'étais même pas rendue compte que des larmes étaient en train de rouler sur ma peau pâle. Une perle d'eau venait de s'écraser sur le haut de ma cuisse, légèrement dénudée. Je l'effaçai rapidement d'un revers de main, je n'osais même plus regarder mon petit-ami dans les yeux.
Je pouvais l'entendre s'approcher de moi. En l'espace de quelques secondes, il s'était agenouillé devant moi. L'une de ses mains entra en contact avec mon menton, baigné de larmes. Il n'hésita pas plus longtemps avant de le relever. Ses yeux bleus s'ancrèrent dans les miens.
Ces magnifiques yeux que j'aimais tant. Toutes les fois où je m'étais noyée dedans, en l'écoutant me raconter des histoires. Ils étaient si profonds... Je n'arrivais plus à lire dedans, je ne m'y retrouvais plus. Max ne me laissait plus y pénétrer, il avait comme bloqué l'accès.
Il s'était fermé.
— Isaure, arrête de pleurer. Je t'en prie. Regarde-moi...
Je ne pouvais empêcher mon regard de descendre vers ses lèvres. Elles étaient toujours aussi roses, toujours aussi belles. Autrefois, elles semblaient m'appeler. Je pouvais les entendre me réclamer quelques tendres baisers, je n'arrivais jamais à résister à leur appel.
Une soudaine envie d'y goûter me prit. J'avais besoin de ce contact, de retrouver une part de réconfort.
Je remontai rapidement vers ses yeux, qui n'avaient pas quitté mon visage. Ils étaient vides, son regard était neutre. Il ne montrait aucune trace d'objection à ma pulsion. Avait-il seulement compris ce que j'avais envie de faire, à cet instant précis ?
Sans réfléchir, je plaçai mes mains sur ses épaules. Mes paupières se fermèrent, je ne voulais pas le voir me repousser. Je n'avais même pas cherché à savoir s'il m'avait donné son accord que je le tirai vers moi. Je déposai mes lèvres sur les siennes, lui volant un tendre baiser.
Max ne m'avait pas repoussée, pour mon plus grand plaisir. Il était, dans un premier temps, resté passif. Aucune réponse à ce baiser, aucune réaction. Il ne m'avait pas repoussée, mais n'avait pas non plus réagit. J'avais comme l'impression d'embrasser un mannequin, dépourvu de vie humaine.
Mais mon insistance avait fini par payer. Il avait répondu à mon baiser, laissant ses mains se déposer sur mes joues.
Un baiser qui n'avait plus le même goût que ceux que nous avions l'habitude d'échanger. Il avait un goût différent, un goût qui m'était étranger. C'était doux, c'était bon. C'était rempli d'émotions, mais je ne ressentais plus l'amour. Il manquait de passion.
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