Chapitre 2.
La nuit était sombre, elle donnait une étrange atmosphère à la ville. C'était apaisant, je n'étais pas la seule à être habitée par la noirceur. Les rues de notre ville l'étaient aussi.
Un lourd silence s'était installé entre nous. Depuis que j'avais rompu notre baiser, ne voulant pas aller plus loin, aucun de nous n'avions prononcé un mot. Je ne savais pas trop quel sens donner à ce silence, était-ce de la gêne ou du regret ?
J'inspirai bruyamment, espérant que Max finirait par dire quelque chose. Au lieu de quoi il inspira à son tour, ne pipant pas un mot. Alors je me décidai à le regarder, espérant que cela l'inciterait à dire quelque chose. Mais son regard était fuyant, il était visiblement gêné.
— Bon, soufflai-je péniblement.
— Bon ? répéta-t-il.
Je haussai les épaules puis détournai mon regard à nouveau. Je m'autorisai à balancer un regard à ma valise, me rappelant de ne pas me lever trop tard. J'avais encore des choses à faire, avant de quitter la ville. Je devais fermer cette stupide valise, finir le ménage et récupérer mes dernières affaires.
— À quelle heure passe le propriétaire ? demanda-t-il finalement.
— Il doit être là pour dix heures.
Max hocha la tête, sans dire un mot de plus. Son visage se tourna enfin vers moi. Je n'osais plus le regarder, de peur de le faire flipper. J'étais prête à parier qu'il était en train de regretter le baiser que nous venions d'échanger. Le regrettais-je moi-même ? Aucune idée.
— On devrait essayer de fermer ta valise. Si tu n'y arrives pas demain, tu me détesteras de ne pas t'avoir aidée. Et ta fierté t'empêche de me le demander.
— Quoi ?
Son bras se leva vers la valise, couchée au beau milieu de la pièce. Elle débordait encore de tous les côtés. Il fallait avouer que je n'avais jamais été la meilleure pour ce qui est du rangement, j'ai toujours été la plus bordélique. Nous nous complétions, car lui était du genre à tout oublier. Nous formions une bonne équipe pour préparer les vacances, je rassemblais toutes nos affaires et lui se chargeait de les ranger.
Sans attendre une quelconque réponse de ma part, il se leva et se dirigea vers celle-ci. Du bout des pieds, il l'ouvrit. Un petit éclat de rire résonna dans la pièce alors qu'il me lançait un regard. Bien sûr que c'était en bordel, pourquoi était-il surpris ? J'avais toujours été comme ça, je n'avais pas changé.
— Comment veux-tu que ça ferme si tu mets tes vêtements en boule, Isau' ?
Je l'observais sans rien dire. Il m'envoyait un petit sourire avant de se baisser vers le sol.
— Laisse-moi faire, elle fermera et tes fringues ne seront pas froissées.
Il s'affairait autour de ma valise, alors que je restais en retrait. Toujours assise sur le lit, je me contentais de me faire à l'idée de ma vie future. Nous serons chacun d'un côté du monde, loin l'un de l'autre. Nous n'aurons plus de contact, nous continuerons nos vies chacun de notre côté. Nous vivrons comme si nous ne nous étions jamais connus, comme si notre amour n'avait jamais existé. Nous serons deux personnes distinctes qui vivront comme si elles n'avaient jamais été qu'une, pendant plus de dix ans.
Tout était si beau, nous nous aimions. Nous avions tout pour être heureux. Je l'avais suivi à l'autre bout du pays pour qu'il puisse avoir une bonne situation professionnelle, il avait fait de même avec moi lorsque j'avais eu besoin d'évoluer dans ma carrière. Nous avions parcouru le pays, nous avions toujours fini par trouver des compromis.
Onze ans après notre rencontre, nous nous séparions. Lui avait décidé de s'en aller pour Milan, pour continuer de grandir professionnellement parlant et découvrir de nouveaux horizons. Tandis que moi je m'envolais pour la Nouvelle-Zélande, retrouver mes racines ainsi que mes vieux amis.
— Comment nous en sommes arrivés là, Max ? soufflai-je en retenant de nouvelles larmes.
Il s'arrêta immédiatement. Son visage perdit un peu de joie, ses yeux ne brillaient plus. Je pense le connaître assez pour savoir qu'il avait été habité par l'espoir. Un espoir auquel j'avais envie de me raccrocher également, mais un espoir qui sonnait tellement faux.
Max n'avait pas bougé. Toujours accroupi au-dessus de ma valise, un morceau de tissu entre les mains, son regard fixait le vide. Il réfléchissait. Durant de longues minutes, il garda le silence, semblant chercher une réponse. Il ne l'avait pas plus que moi, c'est ainsi qu'allait la vie.
— Isaure...
Il avait fini par dire quelques mots, esquivant mon regard. L'atmosphère était devenue pesante, je ne savais même plus où me placer.
L'air était lourd, presque étouffant. Je ne me sentais plus à ma place dans cette pièce. Il était temps de m'éclipser, il était temps de nous laisser respirer. Nous n'étions pas prêts pour cette conversation, je doute que nous le serons un jour. Je me levai rapidement pour rejoindre la cuisine.
J'attrapai un verre que je remplis d'eau. J'en pris une gorgée que j'eus de la peine à avaler. Cette boule, qui s'était logée dans ma gorge un peu plus tôt dans la soirée, m'empêchait de boire. Les larmes allaient couler, je le savais. Mais je n'avais pas envie que Max me voit dans cet état. L'état dans lequel je m'étais trouvée, ces derniers jours, était suffisant. Il n'avait pas besoin d'en voir plus.
— Je sors, lançai-je finalement en accourant vers l'entrée.
Une main sur la poignée de la porte, l'autre sur la clé qui se trouvait dans la serrure. J'eus du mal à tourner cette fichue clé, espérant sans grandes convictions qu'il m'empêcherait de partir. Je n'avais aucune envie de le quitter, je n'avais aucune envie de l'esquiver. J'avais envie de parler avec lui. De lui dire tout ce que j'avais sur le cœur, de lui dire à quel point j'ai pu l'aimer. J'avais envie de commencer une phase de deuil, que nous pourrions terminer demain matin alors que nous nous dirons adieu. J'ai envie de le serrer dans mes bras, une dernière fois.
Je ne veux pas être une fille polie qui cohabite gentiment avec son ex. Je ne veux pas être une inconnue, pas une fille de passage dans sa vie.
Je veux être son premier amour et son dernier amour. Je veux être la femme qu'il a le plus aimée, je veux qu'il pense à moi. Je veux être impolie, je veux qu'il m'aime pour quelques heures encore. Je veux être la Isaure de sa vie.
— Reste avec moi, s'il te plaît.
Sa voix rauque me sortit de mes pensées d'amoureuse désespérée. Je m'attendais à tout, à ce qu'il me demande pourquoi j'étais bloquée devant la porte de notre appartement. J'étais prête à encaisser une crise de colère, des mots durs et de la haine.
Je m'étais préparée à tout, tout ce qui est inimaginable. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me demande de rester.
— Isaure, je ne veux pas qu'on se quitte comme ça. Je veux qu'on se quitte en ne s'oubliant jamais. Je ne veux pas que tu m'oublies et je ne veux pas t'oublier. J'ai encore tellement de choses à te dire. Viens te coucher, s'il te plaît.
L'espoir renaissait en même temps que ses mots. L'espoir m'habitait à nouveau.
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