Chapitre 3.
Nous étions là, tous deux allongés sur le dos. Nos regards perdus sur le plafond qui a été marqué par notre passage. Sous mes yeux se trouvait un morceau de tulle rose, à peine retenu par une vulgaire punaise. Un sourire naissait sur mes lèvres alors que de merveilleux souvenirs me revinrent en mémoire. Je retenais un éclat de rire avec difficulté.
Max, qui avait remarqué la grimace qui tirait mes traits, se tourna vers moi. Du coin de l'œil, j'observai un sourire qui illuminait ses traits.
Nous venions de passer de longues minutes dans le silence. Après qu'il m'ait convaincue de rester auprès de lui, pour notre dernière soirée, nous nous étions glissés dans les horribles draps de coton.
Ce silence se brisa au moment où nous nous mettions à éclater de rire, sous ce morceau de tissu pendu au dessus de nos têtes. Il me jetait quelques coups d'œil, se pensant discret.
— J'avais oublié qu'il était là, soupira-t-il en essayant de retrouver son calme.
— On devrait le laisser pour les prochains locataires, non ?
Max se mit à pouffer, il allait repartir dans un fou rire. Ses yeux pétillaient de vie, son rire enivrait mes oreilles de sa douce mélodie. Il semblait heureux, l'était-il réellement ? Je ne le saurais certainement jamais...
Il réussit à reprendre son calme assez vite, afin de répondre à ma question.
— Ouais, on devrait. Mais on devrait aussi laisser une pancarte avec l'histoire de cet horrible truc.
— Une pancarte ? répétai-je.
Le blond hocha la tête, alors qu'il était en train de chercher ses mots. Ses traits n'étaient plus tirés par de vilaines grimaces, il était redevenu totalement sérieux. L'idée de la pancarte était, apparemment, sérieuse. Mon visage devait montrer une certaine incompréhension, car Max se racla la gorge pour s'expliquer.
— C'est un morceau de notre histoire, mais c'est aussi un morceau de l'histoire de ce lieu. Je pense qu'on devrait écrire, sur des post-it, la raison des traces que nous avons laissées.
— C'est quoi le but de faire ça ? De prouver qu'on a bien abîmé l'appart' ? J'ai vraiment besoin de récupérer ma part de la caution, Max.
Irritée, je lâchai un lourd soupir. Bien que nous ayons eu l'idée de séparer nos biens en deux, afin que nous puissions commencer nos nouvelles vies sur de bonnes bases, j'avais réellement besoin d'un peu plus d'argent. Même si lui ne le disait pas, il était dans la même situation que moi. Il en avait tout autant besoin et, comme moi, il ne tenait pas à se nourrir uniquement de pâtes dans les mois à venir.
J'avais toujours eu l'impression d'être la plus mature de nous deux. J'étais toujours celle qui réfléchissait aux conséquences sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Lui, il aimait vivre au jour le jour sans penser à ce qui pouvait lui tomber dessus la semaine d'après. C'était d'ailleurs notre sujet de dispute préféré.
Je n'étais visiblement plus la seule à être irritée. Ses traits, maintenant neutres, m'indiquaient qu'il avait été vexé par mes mots. Ces mêmes mots qui, sans aucun doute, l'avaient renvoyé à ce sujet fâcheux qui animait nos dimanches soirs.
Max ne disait plus rien. Les bras croisés sur sa poitrine, je le voyais fuir mon regard. C'était pathétique, cette réaction, ça avait toujours eu le don de m'agacer encore plus que je ne l'étais déjà.
— Arrête de faire la gueule, on a déjà perdu assez de temps Max.
Quelques secondes de silence, comme s'il n'avait pas percuté mes mots. Sa mauvaise foi allait me manquer, même si elle avait le don de m'agacer au plus haut point...
Il se tournait finalement vers moi, ne laissant aucun son sortir de ses lèvres. Son regard océan se déposait sur moi, me donnant l'impression d'être la plus jolie. Il me regardait silencieusement tandis que je me demandais à quoi il pouvait bien penser.
Soudainement, ses bras attrapèrent mes hanches. Sans que je n'eus le temps de dire quoi que ce soit, ma poitrine se retrouvait collée à la sienne. J'avais envie de lui hurler dessus, de lui dire de me lâcher. Mais nous savions tous les deux que ce n'était pas ce que je voulais réellement. Nous le savions, depuis des heures mon corps ne faisait que réclamer le sien.
Notre proximité me redonnait quelques sensations oubliées. Je pouvais sentir son cœur taper contre sa cage thoracique et donc, par conséquent, frapper doucement contre ma poitrine. Ce simple geste, bien qu'il ne soit qu'involontaire, avait suffi pour que mon cœur commence à s'emballer.
Un petit sentiment de gêne commençait à m'envahir alors qu'il souriait. Il ressentait les battements de mon cœur autant que je ressentais les siens. Ils ne battaient pas ensemble, ils ne battaient plus l'un pour l'autre mais ils se battaient pour survivre à la douleur de notre rupture.
— Tout à l'heure tu m'as posé une question, tu sais ? il brisa le silence de sa voix rauque.
Je hochai simplement la tête, en guise de réponse.
Il n'avait pas besoin de répéter mes mots pour que je comprenne à quoi il faisait allusion. Jamais je n'aurai pensé qu'il répondrait à cette stupide question, comme quoi il pouvait encore me surprendre. On ne connaît jamais réellement une personne, il paraît...
— Je crois qu'il n'y a pas de réponse, Isau'. L'amour est naît, il a grandi. Il a été fort, puissant. Parfois il n'était pas à la hauteur de nos espérances et puis, avec les années, il s'est fané. Je crois que la vie avait déjà tout planifié.
— Tout planifié ? Répétai-je.
Max humidifia ses lèvres quelques secondes, durant lesquelles il hocha la tête. Le silence ne fut pas long, il se racla la gorge pour continuer son petit discours.
— La vie nous a mis sur la même route. Tout était déjà écrit, nous devions nous rencontrer. Nous avions quelque chose à vivre, nous avions tant de choses à partager. C'est comme ça que je vois notre relation, les choses n'arrivent pas sans raison. Je pense que toi, la raison de ta présence dans ma vie, a été de me rendre meilleur. De me combler, de me montrer comment aimer. Si c'était réellement ta mission, je crois que tu as réussi. Tu as réussi à faire de moi quelqu'un de bien, quelqu'un d'heureux. Je suis un homme comblé.
Un petit rictus habillait son visage. Max déposait un léger baiser sur le haut de mon crâne avant de resserrer ses bras autour de mon corps.
Il était comblé. C'était un homme heureux, encore aujourd'hui. Mais ressentait-il ne serait-ce qu'une once de douleur ? N'était-il pas aussi brisé que je l'étais ?
Alors c'est ainsi qu'il voit notre relation ? Comme quelque chose qui a été prédit, écrit quelque part. Quelque chose qui a été créé pour être détruit au bout d'un certain nombre d'années ?
Je ne vois pas où est la réussite là-dedans... Je ne comprends pas comment il pouvait dire que j'avais réussi ma mission.
Au contraire, je vois cela comme un échec. L'échec d'une femme incapable de garder son amant à ses côtés.
Et tu peux me croire, il n'y a pas de pire sentiment que celui d'un échec lié à ton partenaire de vie.
— Je ne vois pas ça comme ça, répondis-je finalement.
D'un léger signe de tête, il me donna la parole. C'était maintenant à mon tour d'expliquer pourquoi nous en étions arrivés là, pourquoi notre relation était finalement vouée à l'échec.
— Je pense que nous sommes tous les deux des idiots. Nous sommes tous les deux fautifs de ce qui nous arrive. Nous avons cru que nous étions plus forts que le monde, que notre amour était invincible. Du moins, c'est ce que je croyais. Alors j'ai cessé de donner, je n'avais plus grand chose à t'apporter. Un matin, je me suis réveillée en me disant que tu étais mien depuis tellement d'années que je devais donner pour réussir ma carrière. C'est ce que j'ai fait, c'est ce que tu as fait pour la tienne. Nous avons foncé, têtes baissées, dans le mur. Nous le savions sans le savoir, la fin était proche. Nous nous sommes laissés faner, comme deux roses arrachées de leur pied...
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