Chapitre 42

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L’ukrainophone lui passa le bras dans le dos pendant qu’ils arpentaient le Vieux Port. Les passants défilaient autour d’eux, mais, dans leur bonheur, rien de tout ça n’existait.

Ils étaient heureux d’être ensemble. Voilà tout.

— Ça fait un peu cucul la praline, mais tu m’as manqué, kokhana.

— Non, ce n’est pas cucul, le contredit-elle, au contraire : c’est mignon. Touchant, même.

— Vous, les femmes… vous vous émouvez d’un rien.

La psychologue lui donna une tape sur la tête, le faisant rire.

— T’es vexée ?

— Pour si peu ? Tu me connais mal.

D’une pression du bras, il l’attira contre lui. Solène passa ses bras autour de son cou et l’embrassa sur le nez.

— Je suis contente de t’avoir manqué, dit-elle. Être loin de toi me rendait malade…

— Ah, bah quand même ! Je me demandais justement si c’était réciproque !

— Bien sûr que oui ! Tu croyais quoi ?

— Rien du tout. Mais, en te voyant avec Tristan, je me suis dit « ça y est, elle est passée à autre chose ».

Elle colla son front contre le sien en soupirant.

— Je sens que le côté fleur bleue de Tristan va me manquer.

— On peut lui demander son avis, tu sais. Je suis ouvert au partage ! On fera même un gosse qu’on appellera Ako… ou Froley !

— Oui, si l’humanité ne devient pas stérile d’ici-là, rit-elle.

Elle l’embrassa puis le jeune couple continua sa promenade, main dans la main. La vue des bateaux amarrés et ballotés par les flots rappela à Solène la promesse de Pascal de l’emmener un jour au Brésil. Une promesse désormais caduque, maintenant qu’elle avait retrouvé Nicolas. Peu importait : elle n’avait rien à regretter.

— Je voulais te demander… se lança-t-elle. Tu m’as dit être devenu un séducteur compulsif pour rattraper le temps pendant lequel tu t’es coupé du monde… Je peux en savoir plus ?

— Bien sûr. Mais je te préviens : c’est pas la période la plus rigolote de ma vie.

— Je m’en doute. Mais je veux savoir. Je ne connais que l’amateur de science-fiction, pas l’homme derrière le masque.

L’image tira un rire à Nicolas, qui s’éclaircit la gorge.

Elle écouta le récit d’un lycéen sans succès avec les femmes, dont les cibles se laissaient toutes séduire par un ami. Excédé, ils s’étaient disputés. Et le jeune adolescent avait fini isolé de tous. Il s’était alors coupé du monde pendant deux ans, expérimentant de nombreuses choses, dont les arts martiaux, l’escalade, les débuts de son site… Avant d’enfin se faire violence et se remettre à sortir, renouer avec la société. Il s’était ainsi mis à séduire et s’était amélioré dans cet art. D’où son goût pour la séduction et sa philosophie de vie : draguer pour le sexe.

— D’accord, je vois. Dis donc, c’est un sacré parcours. T’as bien évolué depuis ! On croirait pas, en te voyant, que t’étais nul avec les filles, le taquina-t- elle.

— N’est-ce pas ?

Ils continuèrent de marcher le long du quai. À l’issue d’un long moment, Nicolas brisa le silence derechef pour lui demander comment avait réagi Patrice.

— Mal, évidemment, soupira-t-elle. On s’est encore disputé hier, d’ailleurs. Enfin… c’est pas la première fois qu’on s’engueule à cause de Tristan, de toute façon. J’espère juste qu’au bout d’un moment, ça finira par rentrer. Surtout maintenant que j’ai essayé et qu’il a bien vu que, nous deux, ça n’a pas marché.

— Menace-le de partir à l’autre bout du monde ! Dis-lui qu’on part ensemble en Ukraine, cet été ! Et que tu ne reviendras plus !

La psychologue sourit : avec Pascal qui lui avait fait miroiter le Brésil, elle avait complètement omis l’Ukraine de Nicolas. Maintenant qu’elle y repensait, c’est vrai que le slave lui avait proposé de l’y emmener pour son prochain voyage estival en famille, le soir d’Halloween.

— Je vais y réfléchir.

Ils s’aperçurent que leur balade atteignait le bout du Vieux Port et s’arrêtèrent. Nicolas se tourna vers Solène, qui se blottit à nouveau contre lui.

— Tout rentrera dans l’ordre, la rassura-t-il. Tristan s’en remettra et tu te réconcilieras avec Patrice. Ce n’est qu’un petit moment de crise. Fais-moi confiance.

La germanophone sourit et hocha la tête, espérant qu’il eût raison.

— Et puis, je suis là pour toi ! Enfin, si c’est vraiment ce que tu veux. Sinon, tant pis.

Solène le regarda dans les yeux et, tandis que son sourire passait de la mélancolie à la malice, lui prit un cheveu. Nicolas grimaça et, déconcerté, lui demanda le motif de ce geste.

Elle s’éloigna, brandit le cheveu et le lâcha, laissant le vent l’emporter.

— The wind caught it.[1]

Nicolas l’observa d’un air surpris qui se mua progressivement en amusement. Il finit par éclater de rire et la prit dans ses bras pour l’embrasser.


[1] Anglais : le vent l’a emporté.

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