Chapitre 43
Alors qu’il fixait l’écran de son téléphone, Tristan leva la tête lorsqu’il vit du coin de l’œil quelqu’un approcher.
C’était Solène.
Sur l’écran figurait sa conversation avec cette dernière où il lui donnait rendez-vous devant sa cité universitaire. Il le verrouilla, puis l’attendit, la fixant droit dans les yeux. Dur.
— Qu’est-ce qu’il se passe, Tristan ? demanda-t-elle. Je t’aver…
— Je t’ai permis de parler ? Non, alors tais-toi.
La jeune femme se figea, stupéfaite. Alors qu’elle allait rouvrir la bouche, le physicien la devança :
— Tu es retournée avec ton bâtard de communiste, hein ? Alors ? Ça va ? Tu te sens mieux ? Dis-moi ce que ça fait de m’avoir pris pour un con. Ça te fait jouir plus fort au lit dans ses bras quand tu y penses ?
À peine eut-il le temps de voir son visage se déformer que la main de Solène partit toute seule, claquant fortement sur sa joue. Tristan, sonné à la fois par le choc et le bruit de l’impact, vacilla un instant avant de se reprendre. Puis se retourna vers Solène, qui ne bougeait pas.
— « Je l’ai mérité », marmonna-t-il. Tu veux que je le dise ? Tu mérites bien pire…
— Ok… fulmina Solène. Donc, si je comprends bien, tu m’as fait faire tout ce trajet juste pour m’insulter, c’est ça ? Tu ne changeras jamais, pauvre type.
— Si ça te fait plaisir… Mais ça ne répond pas à ma question.
— Oui ! Oui, je suis bien avec lui ! Oui, il me fait jouir ! Bien mieux que toi ! C’est bon, t’es content ? Tu veux que je te l’envoie par message ?
— Non. Tant que je te tiens, j’ai autre chose.
Il se passa la langue sur ses lèvres sèches sans cesser de la dépecer du regard.
— Tu sais qui j’ai vu pendant que tu te faisais démonter par ton guignol ? Pascal ! C’était notre dernière rencontre, et je l’ai beaucoup aimée. Très instructif, j’en suis ressorti moins bête.
En apercevant les lèvres de Solène frémir et sa gorge tressaillir, Tristan comprit qu’il touchait une corde sensible. Ses traits se durcirent un peu plus. Son cœur commença à s’emballer, ses bras à se crisper. Il doutait de pouvoir se contenir encore longtemps.
— Bien, tu comptes pas lâcher le morceau, alors je vais te poser la question. Qu’est-ce que tu faisais avec lui, Solène ?
Celle-ci inspira et ferma doucement les yeux, ce qui l’irrita encore plus. Bouillant d’une rage de plus en plus dure à contenir, il commença à faire les cent pas pour se détendre.
Puis…
— OH !
La psychologue bondit en hoquetant pendant qu’il lui saisissait les bras.
— Lâche-moi, tu me fais mal !
— Et moi, tu m’as pas fait mal, à moi ? TU M’AS PAS FAIT MAL ?
Il la rejeta brutalement, lui faisant perdre l’équilibre. Étalée sur le sol, elle se releva aussitôt, de peur de voir Tristan lui fondre dessus. En le regardant, elle s’immobilisa un instant, voyant clairement les yeux de Tristan briller.
Ses lèvres se tordirent, son souffle se raccourcit, ses jambes commencèrent à trembler.
— Oui, prononça-t-elle distinctement. J’ai couché avec Pascal. Une fois… non, même deux. Alors qu’on était ensemble. Oui, je t’ai trompé. Et oui, j’ai adoré. Si Nicolas ne m’avait pas appelée, on l’aurait refait, parce que j’en crevais d’envie. Et puisque tu veux tout savoir, alors je vais tout te dire.
À mesure qu’elle parlait, Tristan sentait son visage bouillir. Son sang brûlait d’une colère de plus en plus violente. Il n’osait même plus fermer les yeux, sous peine de voir Solène céder à Pascal. L’imaginer l’embrasser, se laisser toucher, caresser… l’oublier pour s’offrir à l’adolescent, qui la dénudait et s’emparait d’elle…
Une vision qui lui consumait la gorge et la poitrine.
— Je n’ai jamais été heureuse avec toi. Sache que toutes mes copines étaient sur le cul que je sois avec toi. Toutes ! Sans exception. Et pas en bien. Oui, tu es attentionné, dévoué, passionné, amoureux… Oui, mille fois oui ! Mais jamais tu n’as pensé à moi. Tu voulais juste m’avoir pour toi tout seul ! J’étais ta chose… – Sa voix se mit à trembler – Quand j’étais dans tes bras, je me languissais de Nicolas, je voulais les siens ! J’ai pas aimé notre premier rapport, d’ailleurs. T’avais pas envie de moi, t’avais juste envie de coucher ! Même pas tu m’as demandé si moi j’avais aimé ! Je t’ai donné ta chance, ça n’a pas marché, faut t’y faire, voilà tout !
— Tu m’as donné ma chance ? Faut m’y faire ? C’est une blague ? Quand, tu m’as donné ma chance ? T’as jamais voulu que ça marche ! Pas une fois !
— Je ne t’aime pas, Tristan… Je ne suis pas amoureuse de toi.
Le corps éreinté par un mélangé d’écœurement, de colère, de dégout et de tristesse, Tristan perdit le contrôle.
Son poing cogna plusieurs fois le muret sur lequel il l’avait attendue. Sa main commença à le piquer. En la regardant, il la vit ensanglantée. Lorsque sa raison revint, elle le brûla. Il l’empoigna de son autre main en hurlant, replié sur lui-même.
Le choc s’estompa. Sa main, pouvait encore bouger, même avec peine.
Il essuya ses joues humides et se retourna vers Solène, qui le fixait, horrifiée, les mains plaquées sur sa bouche et les yeux écarquillés.
Après avoir cherché l’insulte qui conviendrait le mieux à cet ange déchu, le physicien finit par renoncer.
Juste un regard. D’où suintait le dégoût.
Il se retourna et rejoignit sa cité en silence.
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