Épisode 5. A l'assaut, ou presque

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La petite créature verte fixait le nain étalé sur le sol, ses yeux noirs rivés sur lui. Le nain, dos à terre, se débattait pour se libérer de son étreinte. Une odeur étrange flottait dans l'air, un mélange de brocolis oubliés pendant un mois en plein désert, emballés dans une chaussette sale.

En plissant les yeux pour mieux distinguer la bestiole, je remarquai une étrange inscription au-dessus de sa tête : Gobelin éclaireur niv 3.

C'était un "mob". Ces créatures hostiles, à la différence des PNJ, n'ont ni nom propre ni personnalité. Juste une race, une classe et un niveau. On peut trouver des dizaines d'exemplaires du même mob, comme ces gobelins éclaireurs de niveau 3. Mais un gobelin nommé "Brocoli-Moisi" (simple hypothèse) aurait un nom unique et des caractéristiques propres. Ce serait un PNJ, un être à part entière, et non un simple mob répliqué.

Certains disent que les mobs sont aussi des PNJ. Quelle absurdité ! C'est comme comparer une chaise à un tabouret. Certes, il y a des similitudes, mais offririez-vous un tabouret à un Suwédois ?

— Hé, 7 ! Viens m'aider ! cria Math.

Il ne méritait pas mon aide, mais le laisser se faire tuer par cette chose n'était pas une option. Mon regard balaya les environs, à la recherche d'une arme. C'est alors que je vis la faux de Charly Galls. Sans réfléchir, je me dirigeai vers elle.

Accroupi pour la saisir, je réalisai que ma main refusait de se refermer dessus.

Mais qu'est-ce qui ne va pas ?

Un œil rapide sur l'outil m'apporta la réponse : Faux de fermier niv 2.

— C'est une blague ! murmurai-je pour moi-même.

— 7, grouille-toi ! Il va me planter !

— Ouais, ouais, je fais de mon mieux !

Près de la faux, il n'y avait rien d'autre à part un seau en métal. Sans perdre de temps, je l'empoignai et me lançai vers le gobelin. Mon plan ? Aucun. Mais au moins, j'avais un seau.

Arrivé à portée, je balançai le seau de toutes mes forces sur la créature. Aucun effet. Le gobelin ne daigna même pas tourner la tête.

— Frappe plus fort !

— OK... C'est parti !

Deuxième coup. Toujours rien. Conseil d'ami : n'utilisez jamais un seau comme arme.

Ne me laissant pas abattre, je saisis la anse avec une main, plaçai le seau sur la tête du gobelin avec l'autre, puis tirai violemment en arrière. Privé de sa vue, le monstre desserra légèrement sa prise sur le nain.

Voyant que ma stratégie fonctionnait, je redoublai d'efforts. Le gobelin tenta de retirer le seau à l'aide de ses deux mains, oubliant qu'il tenait un couteau. Malheureusement pour lui, la lame, parfaitement affûtée, trancha le métal comme du beurre. Un liquide vert clair s'écoula de son cou.

Puis, POUF. Le gobelin disparut dans un nuage de pixels, ne laissant derrière lui qu'une chaussette trouée. Son butin.

— Tu as pris ton temps, dit Math en se relevant.

— C'est un plaisir de te rendre service.

Une chose me troubla : Math ne semblait pas remarquer la chaussette laissée par le mob. Je la ramassai et la plaçai dans mon inventaire vide.

Nous n'avions pas encore repris notre souffle qu'un autre gobelin émergea de la végétation, sifflotant gaiement. Il s'interrompit en nous voyant, dégaina un couteau et nous dévisagea avec une hargne non dissimulée. Une autre galère se profilait.

Sans prévenir, le gobelin lança son arme droit sur mon visage. Paralysé par la peur, je fermai les yeux et attendis l'impact fatal.

Qui ne vint pas.

À la place, un choc sourd. Le manche du couteau m'avait frappé au front avant de rebondir directement entre les deux yeux du gobelin. Une seconde plus tard, il disparaissait lui aussi dans un nuage de pixels verts.

— Eh bien, si ça c'est pas de la chance, dit Math, visiblement étonné.

J'ouvris les yeux. Une autre chaussette malodorante gisait devant moi. C'est alors que je ressentis un frisson, une vague étrange qui me parcourut de la tête aux pieds.

Je n'eus pas le temps d'en parler à Math. Son attention était captée par quelque chose d'autre.

— Mais qu'est-ce qui se passe par là-bas ?

Je m'approchai.

— Il y a quoi dans cette direction ? demandai-je.

— Les collines de Petit Godet. Le territoire des gobelins.

Math avait répondu d’une voix tendue, ses yeux rivés sur l’horizon. Je suivis son regard et sentis mon estomac se nouer.

Là-bas, à perte de vue, de petites lueurs orangées perçaient l’obscurité, dansant comme des feux follets. Mais ce n’était pas la beauté du spectacle qui me pétrifia. Ces lumières étaient trop nombreuses, trop alignées, et elles avançaient lentement.

Un vent léger se leva, m’apportant une odeur âcre de bois brûlé. Et puis, je l’entendis. Un grondement sourd, presque imperceptible, qui faisait vibrer le sol sous mes pieds. Des tambours de guerre innombrables qui martelaient la terre en cadence.

— Une armée, murmurai-je, plus pour moi-même que pour Math.

Le nain me jeta un regard inquiet.
— C’est impossible… Les gobelins n’ont jamais eu l’audace de quitter leurs collines.

Je ne répondis pas. Mon regard était fixé sur les lumières.

Un hurlement lointain déchira soudain le silence, suivi par d’autres. Des cris gutturaux, inhumains, résonnaient comme un écho à travers les collines. Je déglutis difficilement.

— On doit prévenir Pinte-Pleine, dis-je en reculant instinctivement d’un pas.

Math hocha la tête, mais son visage était blême. Aucun de nous ne savait si la ville serait prête à affronter ce qui venait.

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