Acte 4 : LES CONTES DE L'ÉTOILE EFFONDRÉE - Cleaner

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— Salut les Troll-spectateurs ! Salut, ma Janette !

— Bonjour chers Troll-spectateurs ! Bonjour, cher Marcel. Oh, merci, mon petit ! Quel joli service à thé !

— Le cours du Thé, sur le marché infinitésimal de l'immensité, se porte mieux que jamais ! J'ai donc fait une folie en investissant dans cette porcelaine à la feuille d'or. Ça fait chic !

— Jean-Luc Crametête n'en sait pas plus sur la mystérieuse team consommatrice de thé de partout et de nulle part ?

— Hélas non, Janette. Hm, justement, aujourd'hui c'est la fête des théières galactiques !

— Bonne fête les théières galactiques ! Marcel, j'ai des nouvelles fraîches de l'autre Terre ! Notre pigiste nous a pondu un autre article croustillant !

— Je suis impatient de le découvrir, Janette !

*

Terre 3.0

La jeune femme, vêtue d’une superbe chasuble noire moulante, dernier cri de chez Burberry, entre dans le somptueux appartement. Rivée à l’entrée, petit sac à main discret accroché au coude, elle observe le cadavre de la call girl allongée près de la baie vitrée à la vue imprenable sur la ville de Londres. Jetant un coup d’œil rapide autour, la demoiselle à la chevelure auburn, tirée en chignon de danseuse étoile, avance vers le fond de la pièce. La démarche sûre et légère, perchée sur ses Louboutin aux talons aiguilles interminables, la belle arrête soudainement sa course. Elle pousse la porte coulissante d’un grand placard. Un jeune homme brun, de près de vingt-cinq ans, lève des yeux émeraude, grand ouverts de surprise et d’effroi. Elle recule, lui fait signe de se lever. Il s’exécute. Tendu. Appréhendant la suite des événements.

— Ce n’est pas toi. Donc… tu as tout vu.

La ténébreuse rousse lance un regard intense sur les murs et le plafond du loft.

— Technicien ?

— Oui, je m’occupe de la maintenance des caméras de sécurité.

— Ton nom.

— M… Murphy, lance-t-il hésitant.

— Sheldon. Avance, lui ordonne-t-elle d’un ton qui n’admet aucun refus.

— Vous n’allez pas me tuer ? Je vous jure, je ne dirai rien !

— On ne me paie pas pour tuer. Assieds-toi, commande la jeune femme au regard bleu outre-mer, en indiquant le canapé en L, couleur crème, au centre de la pièce.

Le gaillard d’un mètre quatre-vingt-dix se sent comme un petit garçon à côté de ce brin de femme taillée comme un cure-dent. Il ne comprend pas pourquoi il n’arrive pas à se ressaisir. Il lui serait facile de maîtriser cette pousse de soja, certes bien plantée dans ses escarpins, comme une funambule professionnelle, mais faisant tout de même vingt centimètre de moins que lui si elle les enlevait. Sans parler du tour de taille : elle pourrait se faire une robe tube avec une jambe de son pantalon ! Perdu dans sa réflexion entre l’envie de tenter une esquive et la crainte de se prendre un coup de talon dans les parties, il se rend brusquement compte que sa « séquestratrice » a disparu de son champ de vision. Il en profite pour s’enfuir, cependant la porte d’entrée ne cède pas.

— Tu pensais que j’allais prendre le risque que quelqu’un vienne me déranger dans mon travail ? lance-t-elle, postée dans son dos, telle l’ombre d’un passé inavouable.

Sheldon tient son téléphone portable, les yeux rivés sur sa proie. Brusquement, l’interphone résonne. Elle décroche, appuie sur le bouton d’ouverture, puis replace le combiné. Murphy se noie dans l’azur des prunelles de la mystérieuse prédatrice. Prenant une profonde inspiration pour se donner du courage, il se jette sur le chat noir. La plaquant contre le mur, il tient cette fine gorge entre ses deux mains viriles. Sa mâchoire se crispe, ses dents grincent.

— Laissez-moi partir.

L’expression du visage de la belle ne change pas. Une douleur aiguë éclate subitement à la cheville du technicien. L’espace d’un instant il relâche son emprise. D’un mouvement d’une rapidité presque inhumaine, Sheldon écarte les bras de son agresseur, le retourne et le fait tomber à genoux. Maîtrisé par une fillette poids-plume ! Elle ouvre la porte. Un gamin d’une vingtaine d’années, aux cheveux noir-corbeau, au visage sculpté dans du marbre, lui tend une valise anthracite, à la coque métallique. Il disparaît aussitôt, sans se préoccuper de ce qu’il se passe en ces lieux. Encore abasourdi par sa chute, pris de douleur, Murphy reste immobile, résigné, attendant la suite. Sortant des menottes de son sac Prada, la belle lui fixe les mains dans le dos, en passant la chaîne dans la ceinture de son pantalon, de façon à le limiter et empêcher une nouvelle manœuvre d’évasion.

— Tu vas rester bien sage, cowboy, assène-t-elle à son gibier, le plantant là, comme un enfant puni devant toute sa classe.

Manque plus que le bonnet d’âne. Je savais que ça allait être une journée de merde, mais tout de même… à ce point !

Le gaillard se relève avec difficulté. Il suit sa cruelle hôtesse, en titubant.

— Vous êtes du MI6 ou quelque chose comme ça ? demande-t-il, désespéré, s’affalant sur le canapé.

Penchée au-dessus du corps, elle sourit, puis sort une housse en nylon de la valise. Une fois emballé, Sheldon bascule le cadavre sur son épaule, se relève et le balance à côté de Murphy. Sidéré par la scène, l’informaticien reste figé les yeux ronds, fixant le paquet mortuaire installé près de lui.

Et si c’était moi le suivant ? Je crois que je vais commencer à paniquer !

— Lève-toi.

Murphy s’exécute. La belle lui retire ses entraves, puis lui tend une paire de gants en latex.

— Aide-moi au lieu de ne servir à rien. Essaie de fuir, fais quoi que ce soit qui m’empêche de finir mon travail et je te balance par la baie. Je ne suis plus à un mort près. Je n’aurais qu’à mettre en scène. Que la criminelle croie que c’est toi qui a assassiné cette pauvre fille et l’affaire sera bouclée. Ça commence à me gonfler, ça devient une corvée. Je perds patience. Les imprévus dans ton genre je m’en passerais volontiers.

Murphy obéit. Sheldon lui donne un flacon contenant un liquide transparent et un chiffon de soie, blanc.

— Va nettoyer le placard dans lequel je t’ai trouvé. N’oublie rien, murs, portes, étagères, sol. Tu fais tout.

Il acquiesce puis se dirige vers l’endroit indiqué.

Chaque millimètre carré du loft est passé au crible. La jeune femme jette un dernier coup d’œil à l’environnement. Son sac Prada accroché au coude, la valise dans la main droite, elle tourne les talons, puis se dirige telle une onde vers la sortie. Lançant une prunelle dictatoriale à son assistant de fortune, la ténébreuse rouquine le pousse à la rejoindre et lui transmet la caisse anthracite. Refermant l’appartement derrière eux, la belle saisit le jeune homme par le bras, l’attirant vers l’ascenseur.

— Tu me montres les vidéos.

— Et après, tu me laisses partir ? s’inquiète le brun.

— Non.

— Mais tu vas faire quoi ?

— Tais-toi.

Murphy, nerveux n’ose plus dire un mot. Il lui montre la pièce de surveillance audiovisuelle. Elle récupère toutes les preuves du crime, les range dans son Prada, puis quitte les lieux. Il reste assis le regard rivé sur les écrans, espérant qu’elle oublie son existence. Sheldon réapparaît dans l'embrasure de la porte :

— Bouge.

Se relevant, le gaillard suit la lady avec l’enthousiasme d’un condamné à mort. Ils sortent du bâtiment, chacun muré dans son mutisme. Sheldon écrit sur son smartphone, puis lève la main vers la route. Un taxi s’arrête à leur niveau.

— Monte, ordonne-t-elle à son otage.

Les chroniques de l'univers - « Shapes of the past »

D. S. PENRY pour TROLL MAG INIFINI-TEA

*

— Remarquable, on se croirait dans un roman noir ! J'ai hâte de connaître la suite !

— Oh oui, cher Marcel, c'est intriguant ! À la semaine prochaine chers Troll-spectateurs et ne trollez pas trop devant l'écran !

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