Acte 53 : LE SANG DE RAPACES - Haunted
— Salut les Troll-spectateurs ! Bonjour, ma chère Janette !
— Bonjour chers Troll-spectateurs... Bonjour, cher Marcel... Alors mon cher Marcel, qu'avons nous aujourd'hui ?
— Vous ne nous avez pas concocté un de vos flashes publicitaires, dont vous seule avez le secret ?
— Si, si... tout à l'heure...
— D'accord, lancez le programme !
*
Tome premier
— Aend, atayit min aleyalam alaekhirw, fi aslun alzhaamaani. Aend, almajhul yuqadim li neafswkaa, fi hadhiih aellahzaati.
La voix de Sloan résonnait dans le manoir. La famille l'avait engagé afin d'identifier l'entité présente sur les lieux. Je l'assistais dans sa tâche, même si je ne comprenais rien à son baragouinage en Ephyri[1]. Tous ses amis avaient disparu (sans doute avaient-ils traversé les sphères de la cité Chimère) ou étaient décédés. Nous avions prévu de passer la nuit dans cette immense maison, afin de guetter l'intrus. Dans le hall d'accueil, une énergie fortement négative, m'oppressait. C'était une grande salle tout en longueur, au murs décorés jusqu'au plafond de tableaux de famille. Ils devaient bien faire cinq mètres de haut.
Mais ce n'était pas de « l'étranger » qu'émanait cette vibration. Je sentais une faille, comme si à l'entrée du manoir se trouvait la bouche de la Géhenne. Le tissu entre les deux dimensions s'était affiné dans cette zone. Je confiai mes impressions au chasseur de chimères, qui sombra aussitôt dans sa réflexion.
Presque en face de la porte d'entrée, une ouverture encadrée de deux vantaux en bois lourd gravé d'ornements floraux, donnait sur une immense salle à la hauteur impressionnante. Au plafond, un dôme de verre aux arrêtes métalliques éclairait la salle entourée d'une mezzanine sertie de multiples accès aux chambres des habitants du châtelet. Au centre, une énorme table d'hôte. L'escalier « royal » se déployait à la gauche de l'accès de cette pièce aux allures d'intérieur de cathédrale. La Signora Canrandini nous avait alloué une chambre, pour le cas où nous devrions rester plus d'une nuit. Mais Carter souhaitait régler l'affaire aussi vite que possible. Je n'arrivais pas à percer cette coquille blindée d'alchimiste maudit. Il n’a jamais voulu me parler de « sa marque ». La moitié de son corps était putréfiée. Sloan est à moitié zombie. Pourquoi, comment ? La question a toujours été un point sensible, qu’il m’avait interdit d’aborder.
La maîtresse des lieux vint nous rejoindre afin de nous prévenir qu'elle allait se retirer dans ses appartements, nous confiant aux mains expertes de son maître d'hôtel. Georges se planta à l'entrée de la salle à manger, attendant un ordre. Je lui donnai congé et lui fis signe qu'au besoin, nous serions ravis de profiter de ses services. Georges disparut entre les murs du manoir. Carter, quant à lui, me proposa d'aller dormir, pendant qu'il veillerait.
Et louper une occasion de flirter avec mon satané beau-gosse ?!
Je le regardai avec un air de dire : si tu crois te débarrasser de moi mon poulet, arrête la réglisse au LSD, tu divagues sérieusement !
En parlant de réglisse, je me souvins d'avoir pris un gros paquet pour séduire « le bloc de glace ». Cette confiserie en bâton était son péché mignon.
Je me demande si ça a un rapport avec sa malédiction ?
J'allai chercher la friandise dans mon sac, que j'avais glissé sous une des chaises entourant le plan d'ébène verni. Le regard de mon collègue s'éclaira d'une lueur de désir. J'avais gagné une étape. Un énorme courant d'air fit soudain tressaillir les murs de l'ancestrale bâtisse. Sloan s'élança vers le hall d'entrée. Georges apparut de nulle part. Les maîtres d'hôtel doivent avoir un pourvoir de téléportation ! Fébrilement, le « pingouin de marbre » et moi-même jetâmes un œil inquiet et curieux au travers des deux vantaux, entrouverts par le passage en trombe de Carter. Je me concentrai sur la scène. L’alchimiste récitait ses mantras en Ephyri. La lumière baissa, puis la pièce prit une teinte rougeâtre. Je sortis de la grande salle m'approchaint de mon ami. Nous commencions à entrevoir la faille dont je lui avais parlé, quand brusquement, il s'écroula. Je l'aidai à se relever. Une silhouette imposante se tenait face à nous. Elle disparut presque aussitôt. Je me tournai vers le domestique, qui se tenait au même endroit, stoïque.
— Y aurait-il un membre de la famille récemment décédé ou l'un de ces « aïeuls maudits » dont on nous rebat les oreilles durant l'enfance, Georges ?
Le maître d'hôtel réfléchit un instant, puis nia d'un discret mouvement de la tête. D'un regard, je lui indiquai de prendre congé. L'homme s'évapora instantanément. Je laissai Sloan récupérer ses esprits allant m'asseoir sur la méridienne calée contre le mur entre l'ouverture et l'escalier de la salle de réception. Je regardai le paquet de réglisses posée à mes pieds. J'entendis des pas s'approcher de moi : mon beau brun prit sa drogue et s’affala sur la banquette.
— C'est lié à la famille, pour ça, tu as raison, ma belle. Pour ce qui est de l'aïeul, j'ai un doute. C'est un mauvais esprit, mais je n'ai pas l'impression qu'il soit d'origine humaine. De toute façon, les fantômes, ça n'existe pas. C'est juste un résidu énergétique qui encombre la réalité. Les souvenirs du défunt impreignent les murs. Cette poche ectoplasmique se manifeste souvant dans des environnement chargés d'histoire, comme ici...
Carter se laissa absorber par ses spéculations s'évadant dans ses pensées. J'étais assise tout à côté de lui. Nos bras se touchaient. Je pris mon courage à deux mains pour me tourner vers mon alchimiste. J'attendis deux secondes, remplis mes poumons d'air, expirai, lui pris la joue du bout des doigts, puis tournai son visage en direction du mien. Nos regards se croisèrent. Je ne lui donnai pas le temps de me repousser et l'embrassai. Il se laissa faire, mais son corps restait figé. Son esprit fermé à toute relation possible. J'aurais bien continué à profiter éhontément de sa personne, mais il était hors de question d'aller contre sa volonté. S'attacher, signifiait pour Sloan Carter, mettre en danger une âme innocente. Il ne pouvait le tolérer. Je tentai de le rassurer, mais en vain.
— Si c'est tout ce qui te dérange, Sloan, je suis, moi-même sous le joug de la marque des Damnés. J'en ai gardé des cicatrices, mais je refuse de perdre espoir.
— C’est un pouvoir, pas une malédiction.
— C’est la même chose.
Le silence s’imposa soudainement. Chacun sombra dans sa réflexion.
Cette petite chose impossible à définir, qui nous fait prendre des risques inconsidérés. Ces risques qui nous font découvrir l'univers et aussi nous-même. Je refuse de rester dans une routine émotionnelle par peur de vivre. Quitte à être témoin du pire !
Son regard s'adoucit, mais l'alchimiste garda son esprit verrouillé.
Les chroniques de la cité Chimère - « Le chant de l'aube au crépuscule »
DEARDON pour TROLL MAG INFINI-TEA
[1] Ephyri : La langue des Éthérés.
*
— Comme c'est mignon ! La petite Meredith a vraiment le béguin pour ce bad boy ! Bon, dites-moi tout, maintenant, ma petite Janette ! Que vous arrive-t-il ?
— On oublie le flash publicitaire...
— OK, mais dites-moi tout !
— Oh, rien de bien folichon, notre pigiste DEARDON déprime... Elle a perdu son Kiwi et la fin du monde est imminente...
— Et le Portail de la Monster Team ?
— Il a attrapé un virus... Il ne fonctionne plus...
— Comme c'est triste de finir la saison ainsi, le Desperadivirus porte bien son nom... sur ce à la semaine prochaine les trolls-spectateurs et ne trollez pas trop devant l'écran !
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