Journal de bord du Dr Stradovski

[22 mai 2181] Les investisseurs ne se sont pas moqués de moi lorsqu’ils m’ont assuré que le laboratoire serait au-delà de mes espérances. J’avais craint qu’il ne soit à peine opérationnel pour nous accueillir et à la place j’ai droit à un labo dernier cri. J’ai choisi de faire restaurer un vieux laboratoire en ruine situé à Hettipola . Les lieux sont éloignés de presque tout. Et les bâtiments sont totalement engloutis par les 3 réserves que j’ai fait réunifier et entièrement clôturer. Knuckles Forest reserve, Wasgamuwa national Park et Maduru Oya National Park . Des kilomètres à perte de vu de faunes et de flores diversifiés au-delà de l’imaginable. Un terrain de chasse parfait. Je ne pouvais pas rêver meilleur emplacement pour mes recherches et la mise en place de mon projet FA. Je vois enfin la concrétisation de décennies de recherches.

[26 mai 2181] Tout est fin prêt. Tous les produits sont prêts à être inoculer. Le virus patiente sagement en attendant d’être vaporisé demain à l’aube. J’ai hâte de le voir se propager et infecter cette population d’indigènes. Mais encore plus de voir la population se déchirer en deux et venir crier à l’aide à mes portes. J’arriverai comme la sauveuse de ce pays miséreux. Le destin aura placé une « bonne étoile » sur leur chemin, qui permettra de les sauver et de mettre fin au fléau se déchainant sur eux. Ils me vénèreront comme une déesse. Les gueux ignares qu’ils sont ne verront absolument rien venir.

[30 mai 2181] C’est parfait. C’est même encore mieux que ce que je pouvais imaginer durant les simulations effectuées en labo. Le virus est vif, très contagieux et comme je le souhaitais : mortel. Il faut que j’épure les rangs. Les faibles vont trépasser. Les forts survivront. Il me faut impérativement des sujets forts et vigoureux. Le cœur de mon projet repose sur ces bases. Je ne pourrais rien exploiter de gènes mollassons et fainéants. Actuellement, c’est la débandade dans les villages, bientôt les « villes » seront touchées à leur tour. Et là, enfin, je pourrai entrer en scène.

[19 juin 2181] Cela ne fait pas encore un mois que nous avons propagé le virus. Presque un tier de la population du pays a succombé et repose six pieds sous terre. Ce n’est pas assez. Je m’attendais à beaucoup plus. Est-ce que nos prévisions étaient inférieures à la réalité ? Il y aurait un nombre plus important d'ADN costauds à exploiter ? Nous serions nous trompés dans les calculs ? Bonne ou mauvaise nouvelle, je ne peux pas encore le dire. Nous devons reprendre nos calculs et augmenter nos effectifs.

[2 juillet 2181] Le plan fonctionne à merveille. La population a hurlé à l’aide et nous sommes entré en scène. Sous le feu des projecteurs, « en catastrophe » nous leur avons proposés un vaccin pour essayer de contrer cette horrible épidémie sortie de nul part. Quelle bande de simplet. Quoi qu’il en soit, nous avons commencé la campagne de vaccination ce matin. Fort heureusement nous avons pensé à faire des stocks conséquents. Mine de rien il y a beaucoup de monde sur ce petit caillou reculé.

[10 septembre 2181] Notre vaccin a été un véritable succès, tout comme notre virus. Nous avons pu épurer les rangs. Maintenant… pour savoir s’il a été efficace nous devons attendre que nos chers indigènes copulent et pondent. L’attente va être longue. Cependant, je n’ai maintenant plus qu’à tendre le bras pour toucher du doigt le bout du projet FA. Nous avons fait le plus dur, le plus fastidieux. A présent nous devons rester en alerte. Attendre un an de plus ce n’est rien comparé à tout le temps qui vient de s’écouler pour en arriver là. Non. Je saurais être patiente.

[2 juillet 2182] 1 an jour pour jour que nous avons distribué les premières doses de vaccin. 1 an jour pour jour que le projet FA a enfin réellement commencé. Pendant ce laps de temps nous avons réussi avec succès à infecter tous les systèmes informatiques des hôpitaux. Nous ne couvrons malheureusement pas tout le terrain. Beaucoup de locaux médicaux ne sont gérés que par quelques personnes et sans aucune connexion internet pour les coins les plus reculés. Voir, ne disposant pas du tout de système informatique. Impossible, donc, d’avoir accès à leurs données. Qu’importe, nous avons le plus gros monopole sous notre joug. Nous avons pu enregistrer plusieurs dossiers de femmes ayant reçu le vaccin avant de tomber enceinte. Nous suivons leur évolution ainsi que celle de leur rejeton avec minutie. Chacun de ces enfants pourraient être porteur de mon ADN modifié. Aucun ne doit passer entre les mailles du filet. Et aucun ne nous échappera. Je ne le permettrai pas.

[26 novembre 2185] La majorité des enfants suivit ne présente pour le moment aucun signe visible de l’ADN muté. C’est très frustrant et très décevant. J’ai missionné ce bon à rien de Kepler de créer un algorithme nous permettant d’isoler les sujets potentiels. Je ne sais pas ce que cela va donner. Il y a beaucoup trop d’inconnus. Il y aura forcément des erreurs, c’est indéniable. Cependant, je veux accélérer le processus. Commencer à faire un tri. Ecarter les enfants qui ont moins de 0.001% de chance de porter l’ADN. Resserrer l’étau sur ceux qui présentent des caractéristiques différentes, ne serait-ce que d’1%.

[1 janvier 2186] Nous avons procédé à l’épuration des rangs. Nous avons recensé de nouvelles naissances. Créé de nouveaux dossiers. C’est fou ce que la population miséreuse est fertile… Je plaide coupable j’y suis pour quelque chose. C’est mon rôle quand même de mener à bien mon projet. Nous avons récupéré un petit échantillon. Une centaine d’enfants que nous soupçonnons être porteur de l’ADN. Nos locaux sont grands. Heureusement que je peux compter sur mes équipes pour déléguer le sale travail. Jouer la nounou même pour servir mon projet, très peu pour moi. Tant que je ne serai pas sûr à 100% que ces gamins ont bien mon ADN je ne leur prêterai aucune attention. Pourquoi me fatiguer inutilement ? Mes équipes sont chargées de leur faire passer une batterie de tests. Ejecter ceux qui sont inutiles et poursuivre avec ceux qui nous intéressent. J’escompte à une trentaine d’enfants aux caractéristiques surdéveloppées. Et une bonne petite dizaine d’enfants capables de réaliser la FA. Même si je n’en ai qu’un ou deux, ils seront les preuves vivantes que mon travail n’aura pas été vain ni chimérique.

[24 août 2186] Les investisseurs commencent sérieusement à me gonfler avec leurs attentes de résultats probants. Ce n’est pas parce qu’il s’agit de dirigeants de pays influents (et en conflits surtout), qu’ils peuvent penser une seule seconde que je vais me plier à leurs exigences. Mes recherches avancent à grands pas. Notre échantillonnage et nos calculs nous ont déjà permis de classer les sujets en quatre catégories différentes. Les échecs, les sujets ratés, les sujets viables et enfin les sujets les plus susceptible d’effectuer la FA. Pour l’instant je n’ai aucun candidat qui entre dans cette dernière catégorie. La troisième compte quelques sujets mais à vérifier avec le temps qui passe. La deuxième catégorie compte déjà pléthore d’enfants. Et la première un bon nombre car non porteur de mon ADN. C’est frustrant. Mais je ne perds pas espoir. J’ai confiance en mon ADN. Ça va marcher.

[26 juin 2187] Aujourd’hui mes techniciens m’ont montré quelques dossiers fort intéressants. Deux enfants totalement banals se seraient faits agressés par une autre enfant. Les parents se sont précipités à l’hôpital où les enfants ont été soignés et ont été suivi par un psychologue. Traces de griffures sur le dos et les épaules de la fillette. Morsures au niveau du poignet pour le garçonnet. Description des enfants : « c’était un animal… elle m’a grognée dessus et m’a mordu ». Intéressant. Nous serions donc passé à côté de cette petite ? Incroyable le niveau d’incompétence de mes équipes. Mais tout aussi incroyable les caractéristiques qu’elles présentent. 5 ans… Elle est la deuxième à présenter de telles aptitudes à cet âge-là. Ferait-elle partie des enfants que j’attendais ? Etonnant néanmoins que les parents de la fillette ne l’ai pas tout de suite mises entre les mains de professionnels… Vont-ils me poser problème ? Quoi qu’il en soit je l’aurai.