2. Arthur

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C’est fascinant.

Il n’a jamais vu de femmes comme elles.

Arthur, en les regardant, ne sait même pas ce qu’il ressent. Il contemple et pour le moment, il s’en contente.

Est-ce que ces personnes sont belles, attirantes ? Sont-elles à son goût ? Peu importe. Elles sont fascinantes.

Ça doit bien faire deux heures maintenant que le garçon s’est adossé contre le mur. Devant lui, ces multitudes de camionnettes blanches, allignées sur le trottoir d’en face. Des hommes rentrent, des voitures s’y arrêtent et certains piétons lancent quelques regards désabusés dans leur direction comme jugeant leurs activités. D’autres passent, tête baissée et en accélérant l’allure mais parfois, les plus curieux d’entre eux se retournent farouchement après avoir croisé les quelques demoiselles, puis rigolent avant de continuer leur marche nocturne.

Arthur scrute chaque réaction des hommes et des femmes au sein de ce spectacle vivant. Il ne voit pas le temps passer, comme totalement absorbé. Ses yeux gobent chaque mouvement, chaque instant de vie que les personnes foulant la rue Barthélémy lui offrent. Tel un criminel attendant l’instant fatidique pour porter le coup fatal, tel un prédateur qui juge sa proie avant de l’attaquer sournoisement, il est attentif, silencieux … Patient.

Des putes. C’est ce qu’a dit son père une fois, quand ils étaient à table avec sa mère. Il avait sorti ça comme ça. D’habitude, dès qu’ils passaient dans cette rue avec leur caisse, ses parents se contentaient de faire des messes basses en les regardant, derrière la vitre. A chaque fois, ils lui demandaient de fermer les yeux ou de détourner le regard. Quand il était jeune, Arthur insistait. Qu'y avait-il de si étrangement interdit dans la rue Barthélémy ? Les adultes lui rétorquaient qu’il n’avait pas à le savoir, que de toute façon ce qui s’y passait ne devait même pas se produire et que c’était tout simplement dégoûtant.

A ses huit ans, c’est là que son père, dans un chuchotement, s’était permis de lâcher ce terme après une énième demande du jeune garçon, ce qui avait d’ailleurs mis sa mère dans un état d’hystérie jamais égalé au préalable. Son père admit bien plus tard que cet affront à l’éducation qu’il avait commis n’était que le résultat du verre de vin de trop, celui qui pousse à dire et penser n’importe quoi.

Ce soir-là, Arthur a pourtant passé le meilleur dîner de sa vie. Bien que Brigitte, sa mère, soit aussi froide qu’un croque-mort et autant expressive qu’un macchabé, elle en vient rarement à s’emporter de cette manière. Et encore moins envers son mari. Non pas qu’elle en ait peur, bien au contraire, mais leur union est d’une évidence monstre. Car, à quelques détails près, Jean-Noël est l’exact reflet de sa femme, si ce n’est son physique et sa moustache parfaitement taillée qui lui donne à la fois un air sain et mystérieux.

Le couple a la même vision de l’éducation. Les règles doivent être strictes, les tâches suivies minutieusement et chaque mouvement de l’enfant est suivi au pas près. Mais malheureusement, je ne prendrais pas la peine de vous partager ces détails si cela ne se résumait qu’à ces quelques clichés faciles et simplistes d’une certaine époque de la France. Car en plus d’avoir une éducation dépassée, Brigitte et Jean-Noël ont une façon bien à eux de mener la vie de leur enfant. Dès qu’il eut finit son CM2, ils refusèrent qu’Arthur rentre au collège, même privé. D’après eux, cela éviterait les mauvaises rencontres et permettrait à leur enfant de suivre une scolarité dites sans encombres et sans distractions diverses. Le jeune garçon suivit alors des cours particuliers jusqu’à la fin du lycée où il a obtenu son bac avec la mention bien, il y a tout juste un mois. Depuis, il attend que ses parents aient l'accord du responsable de l'entreprise où ils travaillent pour qu'il apprenne la comptabilité avec son père.

Il n’a d’ailleurs jamais eu de téléphones portables et se voit refuser chaque demande de sortie, à l’exception que ses géniteurs ne l’accompagnent. Ces derniers vont même jusqu’à l’interdire de regarder les informations que ce soit sur le petit écran ou sur tout autre support, par peur qu’il éprouve une quelconque attirance aux faits divers sordides qui pullulent l’actualité.

Les activités, n’en parlons même pas. La seule distraction qu’on ose lui accorder, sont ses longues conversations ennuyantes autour d’un thé chaud, les dimanches, avec les meilleures commères de la ville que sa mère adore inviter. Et même là, les sujets ne transgressent rien. Tout y est plat, ennuyeux, inintéressant … Comme quand il est seul avec ses parents. Il y a bien le piano du salon, le Burgasser en bois de chêne, mais à quoi bon tripoter des touches si on ne sait même pas quoi raconter.

Alors, évidemment, il ne savait pas et ne sait toujours pas ce que sont des putes. Mais la façon dont on le lui a fait connaître ce terme et au vu de la réaction que ça a suscité, il était évident qu’il se rappelle de ce moment comme celui étant l’un des plus marquants de sa jeune existence.

Oh, il a bien osé braver quelques interdits. Mais, pour certains, il n’en avait pas encore connaissance.

Quand il était encore à l’école primaire, il s’entendait bien avec une petite minette de sa classe ; Clarisse. Une CM2 qui avait déjà redoublée deux fois à cause de dyslexie. Elle lui plaisait beaucoup, elle en connaissait des choses. Ils étaient toujours côte à côte. Un jour, à la récré, elle lui avait dit que son père trompait sa mère, qu’elle les entendait souvent s’engueuler. Ils en étaient alors venus à parler de choses plus intimes, comme ça, naïvement. Rien de bien méchant. Elle lui parlait des garçons qu’elle trouvait mignon. Elle lui avouait que certains collégiens avaient déjà tenté de lui faire du rentre-dedans.

Dans son école, il y avait une pause garderie le soir. Ses parents venaient le chercher à 18h tapante chaque jour de la semaine. Derrière la pièce principale, il y avait un tout petit parc avec une balançoire et un tourniquet. Un jeudi, Clarisse était restée. Son père, rentrait plus tard du travail. « Il travaille sa collègue, oui », lui avait-elle dévoilé avec un petit rictus. Arthur ne comprenait pas, et se contentait de lui renvoyer un semblant de sourire. Ils étaient sortis dans le parc, où il n’y avait jamais personne, après avoir passé une dizaine de minutes sur des exercices de mathématiques. Le jeune garçon poussait Clarisse sur la balançoire tout en l’écoutant parler de bouquins comme elle en avait l’habitude. Il adorait être avec elle. Elle était intelligente, brillante, maline. Spéciale. Certes, il se noyait dans le flot de paroles de son amie mais ça lui allait. L’écouter lui procurait une délicieuse sensation. Il ne parlait pas des masses. Visiblement, ça ne la dérangeait pas. Elle semblait contente d’être avec lui.

C’est là qu’il vit sa mère. Elle était sur le perron de la porte menant au square. Elle les contemplait, sans ciller du regard. Il s’arrêta de balancer son amie et baissa la tête en voyant les yeux de sa supérieure, qu’il savait de mauvais augure. Clarisse, ne comprenant pas, lui envoya sur le ton de la plaisanterie : « Bah quoi, t’aime pas être trop proche de moi, c’est ça ? ». Il n’eut pas le temps de lui répondre. La gamine prit la gifle de sa vie, sans qu’il puisse y faire quoi que ce soit.

Sa mère le tirait déjà vers l’extérieur sans même lancer un regard à la petite fille, ni à la maitresse qui gardait les enfants ce soir-là.

Arthur pleurait à chaude larme et ne cessait de demander pourquoi elle avait fait cela. Pour simple réponse, Brigitte lui rétorquait : « L’année prochaine tu auras des professeurs particuliers, rien d’autre. A ton âge, on pense aux études. Tu ne reverras pas cette fille de sitôt ».

Les supplications et contestations de l’enfant ne changeaient rien.

Le lendemain, il ne vit plus Clarisse. Elle ne parlait qu’avec lui, donc les autres enfants n’en touchaient mots. Quelques jours plus tard, la maîtresse s’était contentée de prévenir le départ de la jeune fille de la classe aux autres élèves sans donner plus d’explications. Au vu de ce changement radical, Arthur n’osait même pas demander ce qu’il s’était passé à qui que ce soit. Du jour au lendemain, elle s’était volatilisée sans laisser de traces et il n’eut plus jamais de nouvelles.

Brigitte avait fait un travail d’orfèvre en coulisse, à l’aide de son mari. Usant de leur statut parental, ils étaient parvenus à virer la petite de l’école de leur fils pour attouchement, en n’hésitant pas à dramatiser la situation. Face à un sujet si sensible, l’établissement n’avait pas tourné trente-cinq ans autour du pot. Après tout, elle n’était pas une bonne élève, il ne semblait pas qu’elle soit la plus appréciée de ses camarades et ne vouait pas l’admiration de ses professeurs. Malgré les protestations de sa famille, le cas de Clarisse semblait déjà scellé. Après ne plus avoir eu envie de remettre les pieds à l’école, elle fut définitivement renvoyée pour une simple phrase maladroite, au détriment de ce qui aurait pu être sa plus belle amitié. Et l’unique rencontre intéressante d’Arthur qui, à coup sûr, ne l’oubliera jamais.

C’est en se remémorant ce douloureux souvenir que le jeune homme aperçoit, sur sa gauche, une demoiselle qui quitte l’une des camionnettes pour se tourner vers la route. Depuis tout à l’heure, elles se contentent de sortir timidement pour parler avec quelques hommes mais ne se montrent jamais à même la voie. Là, la femme contourne le véhicule et s’adosse contre la carrosserie en s’allumant une cigarette. La lune éclaire les traits de son visage. Arthur la regarde sans se sentir gêné. Elle ne l’a visiblement pas remarqué.

Bien qu’il ne la voit pas très bien, il lui semble que ses yeux sont humides et que du maquillage a un petit peu coulé le long de ses joues. Pour autant, elle ne paraît pas triste. Elle se contente de fixer le sol en aspirant sa gauloise avec nonchalance, sans même lever le nez du goudron. Son visage témoigne plus d'une certaine forme de souffrance intérieure à laquelle elle se serait habituée.

Bien qu'il fasse nuit, la température est plutôt élevée. Pour autant, elle porte un long manteau noir dans lequel elle s’emmitoufle, comme si la chaleur extérieure ne lui suffisait pas. De là où Arthur se situe, l’image est belle. Il ne peut la quitter du regard.

Elle se redresse alors soudainement comme si elle sortait d’un rêve lointain, tapote sa cigarette et retourne à ses besognes. Puis, enlève son habit et va faire face à un homme qui semblait l’attendre sous un réverbère. Ils parlent quelque temps.

Arthur la voit maintenant de dos et bien mieux qu’auparavant. Sans le manteau, la demoiselle est assez dénudée. Des collants noirs remontent jusqu’en haut de ses cuisses et une culotte en dentelle couvre ses fesses galbées. Il peut y remarquer quelques tatouages ci et là, notamment sur un de ses mollets où on peut y voir un dragon noir aux traits précis. Sur ses épaules, il y remarque deux bretelles de soutien gorge de la même couleur que les collants. C’est une femme qui semble assez musclée, plutôt sportive.

Elle prend plusieurs billets que l’homme lui tend et rentre dans sa camionnette, suivie par le client qui, comme beaucoup d’autres avant lui, paraît à la fois tendu et hâtif.

Arthur remarque alors qu’elle a un décolleté très plongeant qui met parfaitement en valeur une poitrine ronde et symétrique. Avant qu’il puisse mieux les décrire, la demoiselle quitte son champ de vision, dans un déhanchement particulier.

Bien qu’il ait déjà vu plusieurs fois ce petit manège, c’est bien la première fois que le garçon se penche un peu plus sur le corps de ces femmes et ce serait mentir que de dire qu’il n’en est pas indifférent. Une certaine forme d’excitation monte en lui. Il revoit ces formes, cette peau, cette tenue … Son pénis se gonfle. Il laisse monter son excitation. Après tout, aujourd’hui il est libre. Il peut regarder, bander et fantasmer sans se sentir coupable et ce, autant qu’il veut.

Il comprend maintenant pourquoi ses parents ne supportent pas un tel endroit. Eux qui sont si coincés, si tristes à mourir. Malgré tout ce qu’il ne sait pas suite à l’éducation qu’on lui a donné, Arthur n’est pas bête. Ici, règne un environnement sexuel clandestin et marginal. Et le sexe était et est le sujet le plus tabou de sa vie.

Alors, pourquoi ne pas essayer ? Pourquoi ne pas commencer par ça ?

Après son départ, la première chose auquel il pensa fut de prendre autant de liquide que possible. Pour le reste, il ne s'est vraiment pas pris la tête. Il n'a rien. Pas de sac, pas de quoi dormir. Il se balade donc avec mille cent cinquante euros dans ses poches, ce qui ne l’inquiète pas plus que ça. Après tout, c'est bien suffisant. Pour la suite, il avisera. De toute façon, ce n’est pas son pognon. Il vérifie qu’il ait tout et avance sur la route, se dévoilant aux lumières de la ville.

Il ne stresse pas, puisqu’il ne sait même pas à quoi s’attendre. L’inconnu est aujourd’hui la seule découverte qu’il désire. Il a plutôt hâte. L’idée de sentir le corps de quelqu’un d’autre l’excite soudainement. Ce n’est pas que sexuel pour lui. C’est plus fort encore.

Et le voilà maintenant à la même place que ceux qu’il épiait au préalable. De ce côté, il remarque plus de détails, la vie n’est plus la même. Certaines camionnettes sont fermées, d’autres non, elles ont toute une petite bougie allumée au centre du tableau de bord et on y voit, de temps en temps, des poubelles entassées au pied des roues des véhicules.

Il y a bien moins de monde que ce qu’il pensait voir plus tôt dans la soirée. Seuls quelques hommes lorgnent encore un petit peu sur le long trottoir et les passants n’osent plus se montrer. Il faut dire que ça fait déjà pas mal de temps qu’Arthur ne voit que la lune blanche dans le ciel. Il n’a pas l’heure à portée de main mais peu importe, elles ont l’air d’être là, d’être toujours disponibles.

Le jeune homme s’arrête devant la camionnette qui avait retenu son attention. Il trépigne d’impatience mais pour autant, il veut faire les choses bien. Il sait qu’il s’apprête à franchir une étape essentielle.

Le client sort dix minutes plus tard. Il a la tête penchée et sans même dire au revoir à la demoiselle, il s’éloigne, d’un pas décidé.

Le regard de la femme passe sur Arthur. Elle tire brusquement la porte coulissante de la camionnette puis retourne dans l’habitacle, afin de remettre tout en place.

— Quel âge as-tu ?

Ne s’attendant pas à cette question, il ne répond pas de suite, cherchant ses mots.

— Je ne prends jamais les mineurs. D’autres prennent le risque, moi pas. Va falloir que tu files ailleurs.

— J’ai 19 ans.

Arthur sent un violent stress monter en lui. Pour autant, sa voix n’a rien trahi et il s’en réjouit. La prostituée apparaît de nouveau dans l’embouchure de la porte coulissante.

— Attends encore un peu.

Elle repart aussitôt, puis après une dizaine de secondes, sort du véhicule sans le regarder dans les yeux.

— Tu as une carte d’identité, un permis de conduire ?

Son visage est froid mais loin d’être laid, bien au contraire. On voit qu’elle s’est remaquillée et l’eye-liner noir met en valeur ses beaux yeux verts. Elle a une certaine assurance même si elle semble être ailleurs.

Il lui tend sa carte d’identité puis il la regarde de nouveau.

Le visage de la femme devient alors plus doux mais sans perdre son côté désintéressée, ce qui perturbe le jeune homme.

— 30 euros la fellation, 60 pour l’amour. Qu’est ce qui te ferait plaisir ?

Arthur lui tend en billet la somme des deux chiffres et attend qu’elle fasse le compte. Puis, elle le regarde enfin en lui donnant un petit sourire et l’invite à entrer.

Le garçon avance et pénètre dans l’habitacle du véhicule avec une assurance qu’il ne se soupçonnait pas. Il a l’impression d’être là où il doit être.

Avant même qu’il puisse contempler la chambre de fortune, la prostituée ferme la porte et il se retrouve seul avec elle.

— Installe toi et met toi à l’aise.

Tandis qu’elle prépare ce qui va suivre, Arthur remarque que le lieu est plutôt bien aménagé. Jamais il n’aurait cru possible qu’un engin comme celui-ci puisse regrouper et réunir autant de meubles et d’objets à la fois.

Le lit déjà. Double, au milieu de l’habitacle. Il ne prend pas tant de place que ça. A côté, sur la droite, s’y trouve un long meuble où sont entreposés quelques ustensiles divers. Face au pieu, il y en a un autre, plus petit, sur lequel la demoiselle s’affaire.

C’est un lieu très fantaisiste. Il y a beaucoup de bougies et quelques bâtonnets parfumés, une lumière rouge tamisée englobe la pièce et une petite musique classique relaxe le tout. On se croirait dans une chambre de princesse mais sans les moyens qui vont avec. Tout fait très cheap, comme une sorte de façade.

Arthur regarde cela tel un enfant qui découvre une salle de cinéma pour la première fois.

La prostituée se retourne et, à peine interloquée, lui demande :

— Tu ne te déshabilles pas ?

Le jeune homme hoche la tête et s’exécute. Elle, s’est parfumée, s’est lavée les mains, a ouvert une capote et s’apprête à enlever sa culotte en dentelle. Cette dernière action a immédiatement capté le garçon qui baissait son pantalon. Son érection reprend de plus belle, bien qu’il aurait préféré qu’elle lui propose de le faire dans un acte plus charnel.

Comme si elle commençait à s’impatienter, elle prend soudainement l’initiative de retirer elle-même le caleçon de son client en lui caressant les mollets.

Lorsque le pénis d’Arthur se retrouve à l’air libre, la prostituée lui conseille de s’allonger pour une meilleure expérience, ce qu’il fait sans hésiter. Là, elle prend la capote et l’enroule autour de son membre ce qui le fait frissonner.

— Tu n’as pas l’habitude, ça se voit. T’en fais pas, je m’occupe de tout.

Elle semble plus gentille, plus avenante et bien qu’il ne soit pas mal à l’aise, cela le rassure. Il ne sait pas du tout ce qu’il va se produire, ni même ce qu’elle s’apprête à faire. Oui, il connaît bien deux trois choses autour du sexe. Son professeur particulier de SVT lui a plus ou moins enseigné les bases de l’éducation sexuelle, mais pas du tout de cette façon. Il sait ce qu’est une vulve, un clitoris, un préservatif … Pour autant, il n’a jamais vu de magazines érotiques, encore moins de films porno ou d’autres supports qui aurait pu, tout du moins, lui apporter quelques notions physiques de la chose. Quant au fait d’en parler avec un proche, cela relevait de l’impossible, comme vous avez pu le constater. La seule notion qu’il en a est imagée. Le membre masculin qui pénètre le membre féminin. Une bien triste définition.

Il s’étend et regarde le plafond de la camionnette. Le lit grince. La demoiselle se penche sur lui avec tout de même une certaine pudeur.

Et le masturbe.

Il ne s’était jamais astiqué. Comme il ne sortait pas ou bien trop peu, il ne s’était jamais attardé sur le corps d’une autre personne. Il n’en côtoyait pas. Aucun désir n’avait donc pu se former.

Il avait déjà bandé, touché sa queue, mais rien de plus.

Arthur aime cette sensation. Le fait qu’une autre personne s’en occupe à sa place. Le mouvement du poignet est à la fois sec et doux. Les mains de la demoiselle enroulent parfois le gland en le caressant, ce qui ne le laisse pas indifférent.

Elle le regarde un petit peu. Il a envie de lui prendre les cheveux, de les sentir sur son visage. Il voudrait l’embrasser, comme une envie soudaine, inexplicable. Après tout ce ne sont que deux morceaux de peau courbés l’un sur l’autre. Mais il les veut.

Au moment où il se redresse pour approcher ses lèvres des siennes, elle enfouit son visage vers son pénis et le suce. Il émet un petit son étonné mais se laisse faire. Elle le travaille, fait tourner le membre dans sa bouche puis exécute des mouvements de va et vient qui manque plusieurs fois de faire jouir le jeune homme.

S’en rendant compte, la femme se lève et se met à califourchon sur Arthur qui préfère ne prendre aucune décision. Elle recommence à le masturber. De là, il voit encore mieux tout son corps, chaque détails de ses tatouages et les quelques traces de cellulites ici et là sur le haut de ses cuisses. Il y trouve aussi quelques marques de griffures et de coupures sur ses bras et sa poitrine. Dans toutes ces imperfections, ce corps le passionne déjà et il ressent maintenant l’envie de la pénétrer.

Il regarde alors le vagin de la prostituée. Deux grosses lèvres entourent l’inconnu et, au dessus, une masse de poil est là comme pour montrer la voie. Il veut toucher, sentir de ses doigts ce qu’il y a entre ses deux pans de peau rose.

Elle prend une petite bouteille sur sa droite, sur le premier meuble qu’Arthur avait remarqué plus tôt et appuie sur le capuchon. Un liquide transparent sort de la petite fiole et elle applique le tout sur son con.

Arthur la regarde faire et tente une nouvelle fois de se relever pour l’attirer vers elle mais cette dernière le repousse délicatement.

— J’ai envie de t’embrasser, lance alors le jeune homme.

La femme sourit mais ne semble pas en être touchée personnellement.

— Suffit de me le demander. Ici, tu ne fais pas les choses sans ma permission.

Elle s’approche et l’embrasse langoureusement.

C’est humide et pas très agréable. Elle lui lèche plus le contour des lèvres qu’autre chose et il ne sait pas vraiment comment lui rendre la pareille. Il essaye alors de sortir la langue mais là encore, rien n’est maîtrisé et il se retire.

Ne le prenant pas personnellement, elle l’allonge de nouveau et lui reprend la queue dans une de ses mains. Là, elle le frotte contre son vagin. Arthur sent que le dessus est chaud et humide à la fois. Elle le fait tourner, joue avec son plaisir puis après quelques secondes, le rentre dans son intimité.

Il suffit de dix secondes pour qu’Arthur éjacule. Et cet orgasme définissait bien des choses. Au-delà du plaisir sexuel qu’il avait éprouvé, le jeune homme ressentait une sensation que, j’imagine, tout le monde éprouve un jour ou l’autre. Mais chez lui, cela prenait tout son sens.

Il signait l’arrêt de mort de son éducation. La solitude, la peur et l’inconnu venaient de se faire balayer violemment par une purée de semence. Son éjaculat représentait son émancipation et sa jouissance sa liberté. Il détruisait d’un coup de massue tout ce qu’on lui avait interdit au préalable, une bonne fois pour toute.

Au fond, peut-être était-ce qu’il cherchait en venant ici. Inconsciemment. Il voulait voir, il voulait sentir le monde extérieur. Il avait fait mieux. Il avait joui.

Il était parti la nuit de chez lui, sans vraiment savoir ce qu'il ferait par la suite et il fallait admettre que ça l'effrayait. Son subconscient l'avait amené vers ces "putes" par symbolisme et il connaissait maintenant la voie à suivre.

Oui, il avait joui. Comme un vivant, comme un homme libre.

Comme si tous ses désirs venaient de s'échapper.

Et il fallait se rattraper.

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