3. Regain Macabre

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L’homme a ce regard qu’on ne peut décrire. Celui de la fille est innommable tant toutes les émotions les plus terribles semblent se bousculer.

Martin ne voit que les deux pantalons baissés et le corps svelte et mature de son beau-père sur la peau insouciante de sa petite sœur. Pas besoin d’en voir plus.

Il s’était déjà battu. Plusieurs fois même. Lors de petits deals foireux ou pour régler des conflits mineurs que la rue génère régulièrement. La plupart du temps, la raison en était stupide et la colère, factice. Les coups s’échangeaient plus pour déstabiliser son adversaire ou pour le soumettre rapidement à la loi du plus fort, mais ne voulaient, en aucun cas, conduire à la mort. On cherchait surtout à faire peur. Les combattants se relevaient ensuite avec quelques bleus et un œil au beurre noir et, dans le pire des cas, deux ou trois côtes cassées.

Mais le bras que lance maintenant le jeune homme est d’une vélocité peu commune. Il y met tout son élan, toute sa force. Les muscles sont bandés, prêts à jouer de leur superbe et à apporter toute la force nécessaire au poing rageur, élément crucial de la boucherie à venir. Il est instinctif. Animal.

Ce dernier se dirige droit vers la tempe de son ennemi.

Le beau-père esquive de justesse et le poignet de Martin effleure le mur situé juste derrière lui. Sarah se réfugie contre le mur à l’autre bout du lit, dans un petit cri étouffé, puis s’agenouille, la tête entre les mains.

L’adolescent, dans une rage aveugle, prépare déjà sa nouvelle offensive. De son autre bras, il lance un uppercut qui, là aussi, manque de peu le menton adverse.

L’homme, qui n’est pas en position de force, notamment à cause du pantalon qui lui bloque les chevilles et du fait qu’il soit gêné par la proximité du mur situé derrière lui, tente alors de repousser maladroitement son assaillant mais sans succès, celui-ci ayant de bons appuis.

Martin le plaque contre la cloison, les deux mains sur le col et rapproche son visage du sien.

Il aimerait pouvoir lui dire tout le mal qu’il pense de lui, mais ce n’est qu’un grognement rauque qui s’échappe de sa gorge, tel celui d’un chien enragé.

Sarah se met à sangloter.

Cette réaction instantanée fut aussitôt coupée par le son horrible de la mâchoire qui se referme sur la chair. En effet, le jeune homme vient de mordre violemment l’oreille de son beau-père qui lâche un cri effroyable.

Par réflexe de survie, l’adulte lui lance un direct dans l’abdomen. Martin recule de quelques pas mais revient d’emblée lui infliger un coup de genou droit dans les testicules.

L’homme lui livre un flot d’insulte et malgré la douleur qui le plie en deux et le sang qui coule le long de son cou, il pousse le garçon avec une extrême violence, ce qui projette le jeune sur la porte de sa chambre de fortune, qui manque de céder. Là, il se retrouve dans la pièce principale, le dos endolori.

La mère, qui somnolait toujours sur le canapé du salon malgré le son de la télévision, se réveille sous le bruit du choc, sans s’inquiéter pour autant. Les effets de l’héroïne sont encore bien présents et elle reste allongée.

Son conjoint essaye tant bien que mal de remettre son pantalon. Après avoir fermé le dernier bouton, c’est avec l’ambition de rendre la pareille qu’il s’avance en direction du mouflet, la douleur lui brûlant le ventre, l’oreille à moitié déchiquetée.

Martin se relève juste à temps mais ce sont deux droites qui le recouchent sans crier gare. Affalé de nouveau contre la porte, il se prend encore trois coups de pieds dans les côtes avant de sentir qu’une jambe le pousse sur le flanc.

Sarah n’a toujours pas bougé. Elle est pétrifiée et sait que son père est capable de tout. Elle aimerait crier, avertir sa mère que la mort est sur le point de franchir la porte de leur maison mais elle en est incapable et pleure en silence, les yeux vidés de toutes substances. Après tout, les ténèbres l’ont déjà happée, elle.

L’homme rentre à présent dans la pièce annexe, sa chambre, y cache un objet dans son jean et referme la porte violemment.

Martin, plié en deux, essaye de rentrer dans la salle de bain mais il est tiré en arrière par son beau-père et tombe.

Ce dernier se penche sur sa victime et arme de nouveau son poing mais il se cueille un coup de boule brutal qui le fait tomber sur sa gauche, au beau milieu du salon.

La mère se retourne brusquement.

Les deux hommes se roulent au sol et s’étranglent avec une intensité inouïe. Bien qu'il soit plus emprunté et plus souffrant, le beau-père arrive vite à prendre le dessus. Tandis qu’il exerce de toutes ses forces une pression sur le cou de l’adolescent, ce dernier lâche son étreinte et essaye de griffer le visage qu’il a toujours détesté.

— Georges, arrête, tu es fou !

Martin commence à se sentir mal. Il n’aurait jamais pensé que son beau-père puisse le stranguler avec une telle force. Il enfonce ses ongles dans les yeux de celui-ci mais, rien n'y fait, il ne desserre pas sa prise. Il entend de nouveau la voix de sa mère, plus forte.

— Lâche-le ! Ne fais pas ça, je t’en prie !

L’homme sent que le rejeton faiblit. Son visage devient violet. Il y est presque. Il va en finir avec cette enflure qui ne lui a montré que du mépris depuis le début. Cette petite merde n’aurait jamais dû se mettre en travers de sa relation. Il n’y comprenait rien à rien. Pour une fois, il avait trouvé la perle rare et personne ne pouvait se permettre d’en juger. Depuis quand les gens ont leur mot à dire lorsque ça concerne un cri du cœur ? Sale gamin. Ouais, il allait le terminer. Il lui a bouffé l’oreille nom de dieu.

Mais on lui tire les épaules avec une force prodigieuse. Puis un cri paniqué s’élève dans la pièce, suivi de plusieurs jurons qui lui sont destinés.

Il est contraint d’abandonner le cou du pouilleux. Ce ne sera qu’en partie remise.

George se retourne alors et il voit sa femme, les yeux à la fois dévastés et lointains. Elle pleure et son regard lui pose des milliers de questions. Elle essaye de le tenir le plus loin possible de son fils, tout en lui demandant ce qui se passe.

Le gamin rampe jusqu’à la petite table à l’autre bout de la pièce, s’essuyant les lèvres avec la paume de sa main.

— Je l’ai vu, crie-t-il entre deux quintes de toux. Avec Sarah. Il était sur elle. Cet enfoiré avait son pantalon baissé et il …

Il réprime un sanglot.

— Il la viole, maman. Ce fils de pute abuse de ta propre fille !

Ces derniers mots étaient sortis avec une telle rage qu’on aurait cru que ses veines allaient exploser. Mais la tournure que prend le visage de la mère est d’une autre particularité encore. Une tristesse profonde et une peur bleue prennent place petit à petit dans ses pupilles dilatées. Sa membrane devient si pâle qu’il nous serait possible de croire que la mort venait prématurément d’y inscrire son encre. Tout devient noir autour d’elle. Son monde, bien qu’instable déjà, est sur le point de s’écrouler définitivement. Elle n’entend plus que son cœur battre la chamade et les quelques mots qui arrivent à sortir de ses lèvres sont les plus difficiles à prononcer.

— Georges, ce sont des conneries, hein … ?

Pas de réponse immédiate.

En une fraction de seconde, avant même qu’elle ne se retourne sur l’agresseur de son enfant, la haine s’est emparée de chaque parcelle de son corps.

Elle s’abat sur lui, les larmes se mélangeant aux coups violents qu’elle lui assène sur tout le corps.

Tout en déversant sa colère noire, elle prend conscience de tout ce qu’elle a fait pour lui. Elle se rappelle de chaque moment où elle a dû le sortir des situations les plus inconfortables, de tout l’amour qu’elle lui a donné malgré ce qu’elle avait déjà enduré au préalable. Elle lui avait donné une fille, en pensant que cela lui permettrait de se remettre sur les bons rails et de lui redonner l’envie de se battre. Et il la violait. Depuis combien de temps était-ce le cas ? Combien de fois avait-il touché sa propre descendance ? Comment avait-il pu … ?

Comment avait-elle pu … ? Elle ne s’était rendu compte de rien. Sarah semblait souvent ailleurs, à mille lieues du monde réel. Il est vrai qu’elle parlait de moins en moins, que ses expressions sombraient de plus en plus dans une neutralité morbide et qu’elle ne souriait qu’en de rares occasions … Et même ces petites démonstrations de joie ne se résumaient qu’à de simples grimaces artificielles. Mon dieu. Elle n’avait rien fait, rien vu, rien dit … Toute cette vérité la frappait soudainement, instantanément.

Quelle saleté qu’est la drogue. Même quand nous voyons des atrocités évidentes, elle fait tout pour éteindre chaque alerte que le cerveau envoie. Pour autant, c’est elle, Patricia, qui en a repris. Peu importe comment ni pourquoi. Elle a replongé. En quelque sorte, elle avait conduit à ce malheur.

Les beignes qu’elle inflige à George et les mots qu’elle lui lance à présent, elle se les prend aussi. En plein cœur.

Elle veut la voir. Elle doit la voir. Se fondre en excuse. Qu’est-ce qu’elle peut faire de mieux ? Elle est une mère indigne. Et les parents dans son genre n’ont jamais les mots puisqu’ils n’ont jamais agi.

Ses jambes la propulsent en direction de la chambre de la petite mais son compagnon la retient. Patricia crie et essaye de se retirer de l’emprise qu’il a sur elle par tous les moyens.

Martin se lève et une nouvelle bagarre s’apprête à marquer au fer rouge l'esprit des membres de la famille, une fois de plus.

— Ça suffit.

Georges projette brutalement sa femme contre le plan de cuisine qui rebique au milieu du salon. Elle s'affale de tout son long.

Juste avant que le garçon ne l’attrape, l’homme brandit avec rapidité l’arme qu’il avait cachée dans son pantalon plus tôt dans les échauffourées. Le canon est à quelques centimètres du nez de Martin, qui ne semble pas si impressionné que cela.

— Recule tout de suite.

Il s’exécute mais ses yeux le dévorent de rage.

La mère tourne la tête. Le choc l’a un peu sonné mais elle parvient à s’adresser à l’homme avec une férocité peu commune.

— Sale ordure. Et maintenant, tu braques ta saleté sur mon fils. Je te hais. Tu es fou. Complètement malade. Regarde-toi avant d’appuyer sur la gâchette. Tu l’as violée, espèce de monstre. C’est sur ta gueule que tu devrais poser le canon. Ma petite fille … Ma chair. Salie, tu l’as salie ! Pourriture ! Chien ! Tu …

Martin n’a pas le temps de réagir.

Le coup de feu est parti aussi rapidement que le mouvement du bras.

Le regard de sa mère se fige en un instant dans le néant. Du sang coule le long de ses globes oculaires. Le trou de neuf millimètres de diamètre qui vient de perforer son crâne la fait glisser contre le plan de travail. Elle s’écroule, inerte.

Sarah crie depuis l’autre bout de la maison.

Le jeune homme ne réagit pas, tant ce qu’il vient de voir est inimaginable. Son cerveau est éteint. Mais son corps, lui, ne se laisse pas abandonner par cette nouvelle tragédie. Ses genoux se hissent tout seuls et foncent droit sur son beau-père. Là, il est guerrier. Sa vie en dépend et, plus important encore, celle de sa sœur. Les émotions s’éteignent pour ne laisser place qu’à la violence primaire. Il va le cogner, le saigner, le crever. L'anéantir. Arme à feu ou non, l’animal qui réside en lui est plus dangereux que jamais.

Malgré la vie qu’il vient d’enlever, Georges est toujours sur ses gardes et d’un nouveau mouvement instinctif, retourne son pistolet et frappe le garçon à la tête, qui s'écroule, sonné. Là, il lui assène encore quelques coups de pieds bien placés.

Il vise de nouveau la tête de Martin. Il va le tuer. Enfin. Seul à seul. Il va pouvoir tourner cette page de merde et vivre enfin comme il en a envie. Comme ils en ont envie.

Mais Martin esquisse un sourire discret et bien qu’il soit à deux doigts de tomber dans les vapes, il regarde une dernière fois son bourreau en signe de défi.

— Lâche jusqu’au bout, hein ?

Georges appuie le canon de son revolver sur la joue droite de l’adolescent.

— Nous nous aimons. Tu ne comprends rien. Elle est saine, pas comme vous autres. Pas comme moi. Je suis bien à ses côtés. Je revis. Vous ne pouvez pas vous mettre en travers de ça. J’ai besoin de son amour et elle…a besoin du mien.

Il pleure.

Martin, éclate en sanglot à son tour. Et dans un dernier spasme, il lève la tête et lui lance :

— Je te plains, pauvre fou.

D’un coup, Sarah sort de la pièce. Sa mère vient de mourir mais dans un dernier regain de vie, elle ne peut accepter de les perdre tous les deux sans n’avoir rien tenté. On sent que ce sont ces dernières forces, son dernier espoir. Le sentiment de tout cela s’imprime dans sa voix.

— Je t’en prie, papa. Je t’en prie …

L’homme jette un regard à ce qu’il considère comme la femme de sa vie.

Elle est magnifique. Si prude, tellement sainte. Un ange tombé du ciel pour le sauver de sa vie misérable.

Mais il ne peut pas prendre de risques. Elle est sans aucun doute la dernière chance qu’il lui reste.

— Désolée, ma chérie.

Un clic résonne dans la pièce.

Le cri de Sarah le couvre.

Martin ferme les yeux en aspirant l’air dans ses poumons pour la toute dernière fois. Il n’est même pas triste. Après tout, tu parles d’une vie.

Ses dernières pensées quittent son esprit à tour de rôle. Certaines sont futiles, d’autres plus malheureuses. Peu importe ce qui va se passer maintenant. Il va mourir et il n’y peut rien. Son corps souffre, il a horriblement mal à la tête et il se sent abattu. C’est à peine s’il éprouve encore quelque chose. Sa sœur, elle, restera en enfer, bien vivante. Pour autant, il attend la mort avec impatience. Comme une échappatoire. Egoïstement.

Sauf qu’il ne se passe rien. Il sent toujours ses genoux sur le parquet humide du salon et la chaleur étouffante qui tape sur son front.

Il ouvre les paupières.

Sarah s’est de nouveau recroquevillée à l’autre bout de la pièce, ne voulant pas assister au meurtre. Son beau-père est en face, tout juste là où il était avant qu’il ne ferme les yeux. L’arme n’est plus sur sa joue. Georges a ouvert le chargeur. Le pistolet est vide. Il ne restait qu’une seule balle.

C’est sa dernière chance. Elle est inouïe, insensée même. Dieu merci, une bonne étoile a parié sur lui. Mais comment faire ? Il est à genou, au sol, et son corps est à deux doigts d’abandonner la partie. Georges peut encore l’achever avec la crosse du flingue ou quoi que ce soit d’autre. Ce fou fera tout pour le dézinguer. Il fallait la jouer fine.

Comme s'il venait d’entendre ses pensées, l’homme, dans un énième cri de rage se jette sur l’adolescent qui roule sur le parquet.

Le beau père essaye de l’étrangler à nouveau mais cette fois ci, Martin arrive à le retenir. S’en suit une épreuve de force. Mais Georges, aveuglé par sa rage, ne se rend pas compte du mouvement des jambes du jeune garçon qui parvient à les glisser sous le ventre de l’énergumène.

Il pousse de toutes ses forces. L’homme se retrouve debout. Là, l’adolescent lui assène un second coup qui le propulse de l’autre côté de la pièce.

Ce dernier n’a pas le temps de comprendre ce qu’il se passe. Il trébuche sur la cuisse de la femme qu’il vient de tuer et tombe en arrière. L'arrière de son crâne cogne violemment le mur dans un bruit sourd.

L’adrénaline envahit alors le corps du jeune homme qui malgré son état physique, se relève sans trop de mal et fond droit sur Georges.

Comme pour évacuer toutes les émotions qu’il vient de traverser en quelques minutes, il s’acharne sur son beau-père en le frappant, en lui griffant le visage et en lui balançant les pires atrocités.

Après quelques secondes, il fond en larme et s’assoit contre le mur, laissant l’homme pour mort. Ce dernier, couvert de sang, ne bouge plus.

Putain.

Ce n’est plus la chaleur qui l’étouffe mais les retombées de ce qu’il vient d’éprouver. Toutes ces charges émotionnelles en si peu de temps … Nom de Dieu. Et ce silence assourdissant.

Il pivote la tête. Sa mère a le regard fixé au sol. Sa peau est aussi blanchâtre que du plâtre.

Pour la énième fois, il fond en larmes puis ferme les yeux quelques instants.

Sarah est à quelques mètres de lui. Comme la femme qui l’a mise au monde, elle est inexpressive, mais sa respiration saccadée démontre qu’elle est encore bien présente.

Plusieurs gouttes de sang jonchent le parquet, l’atmosphère est insoutenable et les corps sont meurtris. Physiquement et surtout psychologiquement. La scène est affreuse. Surréaliste.

Après plusieurs minutes à tenter de récupérer, Martin se lève comme il peut. Il a encore très mal mais une petite voix au fond de son cerveau lui recommande de partir au plus vite. Cet espace est invivable et il fallait désormais suivre son instinct. Ils n’ont plus que ça dorénavant.

Bien que les coups de feu soient courant dans le quartier, sait-on jamais, une personne aurait pu avertir les flics. Si jamais ces derniers entrent et découvrent un jeune de dix-neuf ans avec un certain passé judiciaire sur les bras, entourés de deux cadavres et d’une petite fille tétanisée, Martin ne ferait pas long feu. La justice préfère parfois boucler les « enquêtes » pour satisfaire la majorité de la populace, plutôt que de la mener correctement. D’autant plus dans ces endroits reculés.

Au cas où, ils doivent faire vite.

Il se dirige dans la chambre de Georges, son, dorénavant, ex beau-père et y trouve un grand sac de sport poussiéreux sous le lit, ainsi que quelques billets et les clés de la vieille Renault 12. Ça fera l’affaire. Puis il pénètre la piaule de Sarah, où il prend quelques culottes, deux paires de chaussettes et d’autres habits. Sans le vouloir, il a un haut-le-cœur. Cette pièce a déjà bien trop d’histoires à raconter. Raison de plus pour se tirer d’ici au plus vite.

Il fait de même dans sa salle de bain privatisée. Il s’arrête quelques secondes pour regarder son visage blessé, son cou marqué et son torse de la couleur d’un Schtroumpf. On dirait un boxeur lassé par la vie. Il cherche des cotons et/ou un lot de pansements mais ne trouve rien d’autre qu’un rouleau de papier-toilette. Il emporte une serviette et sort de cette chambre de rêve.

Le sac n’est pas bien lourd mais il sent que ses articulations souffrent le martyre. Puis sa tête, bordel. Comment fait-il pour tenir debout ? Croiser le regard de sa sœur lui donne la réponse.

— Sors, tu seras mieux. Faut pas rester là. J’arrive très vite. On va se casser, Sarah.

Il ne voulait pas qu’elle respire plus longtemps l’air de cette baraque de malheur. Elle obéit et, en se dirigeant vers la porte d’entrée, réprime un nouveau sanglot à la vue du cadavre de sa mère.

Pendant ce temps, Martin va dans le coin cuisine où il entreprend d’ouvrir quelques placards. Il embarque deux conserves à base de lentilles/saucisses peu ragoûtantes et une boîte de gâteaux vieille comme le jour. Dans le frigo, il récupère quelques yaourts, une compote périmée et deux oranges trop mûres. Il trouve aussi un fond de rhum dans une bouteille. Il entreprend de vider le tout dans l’évier et la remplit d’eau.

Avant de partir il cherche encore quelques billets mais ne trouve que cinq euros dans un méli-mélo de saloperies à l’entrée, puis il emporte la couverture de sa défunte mère comme dernier souvenir.

De quoi manger pour deux jours, un peu d’eau et trente-cinq balles en liquide.

« Paye ta cavale » se dit-il avant de sortir sur le palier et fermer la porte à clé. Il ne s’est pas retourné. Il a déjà assez vu cette scène obscène.

Il ouvre le carrosse, y jette son sac sur la plage arrière et aide sa sœur à grimper à la place du mort. Dehors, la température est moins élevée mais il doit être proche des quarante.

Le tableau de bord est brûlant, l’habitacle étouffant.

Martin met le contact, passe la première avec difficulté et c’est dans un silence des plus froids que la voiture prend le chemin de l’inconnu.

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