APRES LE DESESPOIR, LE CHAGRIN
"Chi asperttar puote, viene a cio che vuole", proverbe italien (1960)
Puis il y'eut l'heure de colle.
Puis il y'eut Noah. Noah Perriard, un colosse qui pouvait aussi bien trôner dans une cellule de prison que dans une cour de lycée.
Puis il y'eut le manque d'Ines, quand elle me quitta sur une trahison indiscrète.
Puis il y'eut mon père.
Ce que j'essaie de dire dans tout ç'a, c'est que parfois, la vie porte à croire que c'est de la merde, et qu'il faut l'arrêter de suite.
Après quinze ans de ma vie, si je n'avais pas été sollicité à vivre, je n'aurais pas survécu. Quand je rentrais, c'était parce que j'avais de l'effort. Oui, mon père buvait. Pas au point de devenir alcoolique sombré, non. Je l'aimais quand même, et il n'était jamais bourré. Il buvait, fumait, comme Ernest Hemingway, mais c'a l'énervait en plus de l'écran sur lequel il restait collé jour et nuit pour son travail de remplaçant. Alors, rien à faire, la colle ne lui plut pas.
Puis il y'avait mes frères et soeurs. S'ils n'eurent pas brûlé la maison, ils eurent fait pire : les déchets jonchaient la cuisine à cause du tri qu'imposait le Ministre de l'Ecologie, un connard de la pire espèce.
(Enfin, n'exagérons rien : sa connerie est excusable, son espèce reste cependant peu répandue.)
Alors, soyons poli, la province me changea les idées, mais je ne fus pas compatissant quand mon père examina mon carnet. Je me suis mêe surpris à souhaiter sa mort, chose regrettable juste après.
- Tu te fous de moi j'espère : tu as une heure de colle ?
- Mais...Tu vois...Enfin...
- Non, Non, NON !!! Il n'y a pas de "mais" tenable, ni d'excuse pour ta punition : tu seras privé d'anniversaire.
Et lç, moment de gloire, je bois les émotions, joues empourprées :
- Mais PAPA !! c'est mon anniv, tu peux pas...
- BIEN SUR QUE JE PEUX ! Alors va dans ta chambre !!
Rien à faire. Je me pris la double-punition, un enfer de la pire espèce. Et je m'affalai sur mon lit en repensant à la dispute. Un jour, j'ai craqué.
Pas à propos de mon père, je l'aimais. Mais à propos de Noah, qui ne faisait que colporter les rumeurs à mon sujet, et qui ne faisait que raconter des mensonges. Il me saoulait, mais je ne voulais pas le taper, au bonheur de ne pas me prendre de colle.
La colle, je l'ai purgé en l'observant. Puis il y'eut cet instant, où la surveillante eut le dos tourné : il me jeta un mot que je ne réceptionnai qu'à peine. Quand je le lus, je retins mes larmes :
"Pervers pépère, va voir quelqu'un d'autre pour le bizouter ! T'es une merde, on le sait tous. Va pleurer à ta maman, pervers".
Il venait de le donner à toute la classe, il venait de dénoncer ma période de déprime.
Il venait de me traiter de pervers narcissique.
Je n'ai pas tenu jusqu'à la fin. Je l'ai laissé me devancer dans un élan de tendresse, je lui ai repoussé l'épaule, et j'ai dit :
- Noah...
Puis après, c'est assez flou. Je sais que quand je me suis rétabli, j'avais pris six coups dans le visage (deux dents cassées, un oeil au beurre noir, nez ensanglanté). Mais lui, lui ! Il était affalé sur le parterre du mur, à demi-conscient, le visage aussi ensanglanté que si une balle l'avait traversé. Il se tenait les côtes avec douleur. Les surveillants ne nous virent point. Alors je le laissai dans son agonie, je filai aux toilettes, me passai un coup d'eau sur le visage, le sang coulant dans l'évier insalubre. J'étais fou de rage, mais quand je m'enfermai dans les WC, j'étais sanglotant. Noah vint soudain me toquer à la porte et il glissa sous l'encochure :
- "TU VEUX ETRE MON AMI ?".
Je sais pas comment, mais à ce jour, nous sommes devenu meilleurs amis malgré nos différents.
Nous étions tous différents, sauf lui. Mais il était devenu nôtre.
Le néant...
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