Chapitre 1 - Mia

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Le village est très agréable. Les rues sont larges, il y a plusieurs petits commerces : une librairie, un magasin de jouets, un bar, une pharmacie, un fleuriste, une pâtisserie et une épicerie. Il y règne un calme apaisant, bien différent de la ville d’où je viens. La place de la mairie est spacieuse, et des ados font du skate, de la trottinette et du vélo dessus. Les maisons sont petites et font un peu vieillottes, mais ça s’accorde parfaitement avec le reste du village. La maison que mes parents ont acheté ici est elle-même petite et vieillotte : il y a une salle de bain, une cuisine avec un comptoir, un salon et deux chambres, mais c’est largement suffisant.

Un de mes endroits préférés ici, c’est la pâtisserie. J’y vais souvent après les cours. C’est beau et apaisant. Le carrelage est une alternance de carrés blancs et noirs. Ils ont disposé deux tables rondes roses avec des chaises vintages du même rose. Au plafond pendent des spots lumineux et des plantes vertes. Ils ont ajouté un yucca de chaque côté de la porte. Le comptoir est neuf, propre et brillant. Derrière lui, il y a le mur rempli des étagères pour poser les différents baguettes, ainsi qu’un frigo pour conserver les gâteaux. Leurs pâtisseries trônent fièrement dans le bac du comptoir, bien mise en évidence : des tartelettes (aux fruits, au citron meringué, au chocolat et au caramel), des éclairs, des religieuses, des choux à la crème, des cupcakes, des muffins fourrés (chocolat, caramel, café et fruits rouges), des croissants, des pains au chocolat, etc. Quant à la devanture, ils ont fait installé des lettres lumineuses pour écrire «Pâtisserie – Salon de Thé» ainsi que Les douceurs des Calsafre. J’imagine que Calsafre est le nom de famille de ceux qui ont ouvert la boutique.

Quand je suis arrivée dans ce petit village de la campagne champenoise avec mes parents, j’avais 13 ans. Quelques boutons sur le visage, un appareil dentaire et des cheveux gras. Classique pour une adolescente. J’ai intégré le collège du village et je suis direct tombée amoureuse de Jacques. Un mec qui traînait avec sa bande composée de Ethan, Julien et Jordan. Sauf qu’avec mon apparence, j’avais aucune chance avec Jacques, évidemment (c’est le pire cliché, mais il s’avère être vrai). Donc j’ai lavé mes cheveux plus régulièrement, j’ai testé des milliards de crèmes pour ma peau et j’ai fini par enlever mon appareil dentaire.

Pour une nouvelle élève, je suis vite montée en popularité, ce qui m’a permis de me lier d’amitié avec Marine, une jolie fille populaire. Je correspondais aux critères qu’elle imposait pour pouvoir être son amie. J’avais des cheveux blonds descendant jusqu’aux omoplates, des yeux bruns, des lèvres et des sourcils fins, de longs cils et (merci l’appareil dentaire) des dents alignées et blanches. Ma silhouette fine me permettait de pouvoir porter des tops et des mini-shorts sans avoir à me soucier de quoique ce soit.

Et j’ai fini par sortir avec Jacques. J’étais la fille la plus heureuse du monde.

Aujourd’hui encore, je suis avec lui. Nous sommes en 1ere, au lycée de la ville qui jouxte notre village. Cela fait environ trois ans que nous sortons ensemble (ça fera trois ans le 14 février). Et en trois ans, je l’aime toujours autant.

- Salut Mia, piaille Marine en entrant dans ma chambre.

- Salut.

Elle se penche vers moi qui suis allongée sur mon lit pour me faire la bise. Je roule sur le ventre et la regarde dans les yeux. Elle s’assoit sur ma chaise de bureau qu’elle fait pivoter pour me voir.

- On sort ? propose-t’elle.

- Où ?

- Faire un tour dans le village. J’en ai marre du week-end, vivement qu’il se finisse.

- Il faut que je m’habille.

Marine jette un œil à ma tenue, composé d’un short gris en coton et d’un t-shirt avec un koala.

- Mmmh, en effet. Évite de sortir comme ça.

Elle ouvre mon armoire et me balance sur la tête un top à bretelles orange pastel et un short en jean blanc.

- Mets-ça, je t’attends dans le couloir.

Je sors quelques minutes plus tard et trouve mon amie sur son téléphone.

- Eh bah, t’en as mis du temps, se plaint-t’elle.

- Désolée. On y va ?

- Yep. Avec un peu de chance, on croisera Ethan sur la place de la mairie. Il fait souvent du skate dessus le dimanche, entre 14 heures et 16 heures.

- Ton stalking devient flippant, tu sais ?

- Je ne le stalke pas.

- Tu sais où il habite, tu connais par coeur son emploi du temps, son numéro de téléphone et la plaque d’immatriculation de la voiture de son père.

Marine lève les yeux au ciel.

- Je ne l’aime pas à moitié, c’est tout.

En sortant de la maison, une voiture grise passe près de chez moi et Marine se tend.

- My god, j’ai confondu le H et le M sur la plaque. Tu te rends compte ? Si ça avait été un H, ç’aurait été la voiture du père d’Ethan, d’autant plus que…

- C’est le même modèle, c’est bon, je sais.

Marine éclate de rire. Elle attrape mon poignet et me dirige vers la pâtisserie.

- J’ai faim, avoue-t’elle. On commande un truc et on se pose ?

- Ouais, si tu veux.

On s’approche du comptoir où le boulanger, Louis, nous sourit.

- Je sers quoi aux demoiselles ?

- Deux chocolats chauds, et deux éclairs au café, répond Marine.

Elle et moi sommes accro aux pâtisseries au café. Et au café en général. Sauf que nos parents respectifs ne veulent pas qu’on en boit, donc on se contente de pâtisseries.

Louis nous donne la commande et on s’assoit à la seule table disponible. Marine se connecte au Wi-Fi gratuit du salon de thé et se rend sur Instagram. Je la regarde faire en touillant le chocolat chaud pour qu’il refroidisse.

Mon téléphone vibre et je le sors.

Jacques : Tu fais quoi ?

Moi : Je suis au salon de thé avec Marine.

Je lui envoie une photo et il répond par un pouce levé et un emoji «bisous».

- Hein ?! C’est quoi ça ?!!! s’exclame Marine, toujours penchée sur son écran.

- Tais-toi, on est dans un lieu public, dis-je en remarquant que des têtes se sont tournées vers nous.

- Désolée, mais… Argh, regarde par toi-même.

Elle me tend son précieux appareil (qu’elle ne quitte jamais). C’est une photo de Ethan, à la plage, accompagné par Sarah (en bikini), la fille qui est toujours avec Jacques, Julien, Jordan et Ethan. En description «Journée à St-Malo avec @Sarah_loveme».

- C’est horrible. Tu crois que...non...il aime Sarah ?

Horrifiée, elle mordille le faux ongle de son index droit.

- Détends-toi, Marine. Tu sais très bien que Sarah est toujours fourrée avec eux, et que pour le moment, elle n’est sortie avec aucun d’eux.

- Je m’en fous… Mia, je pense que je vais mourir. Je dois rentrer chez moi. Je vais aller pleurer sur mon oreiller en mordillant l’oreille de Lapinou.

Lapinou, c’est le doudou qu’avait Marine quand elle était bébé. Je suis la seule à savoir qu’elle le ressort à chaque fois qu’elle est triste ou en colère.

- Je te raccompagne ?

- Ouiiiii, sinon je risque de me jeter sous les roues d’une voituuuure, se lamente-t’elle.

- Exagère pas.

On quitte la pâtisserie, bras dessus bras dessous, et on marche jusque chez Marine.

- Tu veux bien venir avec moi ? réclame-t’elle, le ton larmoyant.

- Pff, si tu veux. Mais je dois être chez moi à 18 heures 30 maximum.

- On mange une glace parfum cookie dough en regardant le film Roméo et Juliette dans ma chambre avec ma couette rouge sur les genoux ?

C’est la tradition quand l’une de nous est déprimée. On va chez Marine, on s’installe dans son lit, sa couette rouge tricotée par sa grand-mère sur les genoux, et on regarde un film d’amour (la dernière fois c’était Grease) en mangeant une glace.

- C’est d’accord.

- Merciiii, Miaaaa, geint-elle.

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