Jacques joue à Fortnite. Je me contente de le regarder en jouant à Candy Crush sur son téléphone.

- Du coup, tu vas faire quoi pour Marine ?

- Bah, rien. Essayer de savoir si j’ai des sentiments, et voir après.

- Genre, tu sais pas si t’as des sentiments ?

- Là, j’en ai pas. Mais je peux essayer d’en avoir.

- On dirait que tu vas chasser les pokémons, à t’entendre. Ça vient pas comme ça, l’amour. Tu peux essayer tant que tu veux, t’en aura peut-être jamais. Et vu que pour le moment l’amour est à sens-unique, les siens vont pas rester éternellement.

Je hausse les épaules. Une idée éclore dans ma tête. Faisons une petite blague mesquine à Jacques.

Je sors de l’application Candy Crush et vais sur Messages. Je clique sur sa discussion avec Mia, et j’envoie un texto.

Moi : Tu fais quoi ?

Sa réponse ne se fait pas attendre.

Mia : Je regarde un film avec Marine. Et toi ?

Moi : Bah, je suis en soirée avec Ethan. Il joue à Fortnite. Et je le regarde.

Mia : Ah, ok.

Moi : Tu veux que je te laisse ?

Mia : Pas forcément. Si tu veux parler, on peut.

Moi : Cool.

- Hé, Ethan, je pense pas que ma conversation avec Mia ressemble à Candy Crush.

- J’avais envie de lui parler. Pour faire connaissance. Si je veux me rapprocher de Marine, je dois aussi me rapprocher de Mia, étant donné qu’elles sont inséparables.

- Ok, mais précise bien que c’est toi et pas moi.

- Mais oui, assure-je à Jacques.

Ou pas. Je recommence à taper un message quand le sien apparaît.

Mia : D’habitude c’est toi qui joue à Fortnite, pas Ethan.

Moi : On avait envie de changer. Tu regardes quoi ?

Mia : À contre-sens je te l’ai dit tout à l’heure.

Moi : Ça raconte quoi ?

Mia : Mais tu m’écoutes quand je te parle ? On en a parlé cet aprem, au salon de thé.

Moi : Ah bon ?

Mia : Oui

Moi : Si j’ai oublié c’est sûrement que ça m’ennuyait

Mia : T’es sérieux là ? C’est toi qui m’avait posé la question

Et en plus de ça, Mia est susceptible. Je ne vois vraiment pas ce que Jacques lui trouve.

- Fais pas de conneries, hein, ajoute Jacques.

- Mais oui. Je savais pas que vous étiez allés au salon de thé.

- On y va tous les samedis.

Il se reconcentre sur son jeu.

Moi : Désolé

Mia : C’est pas grave, je t’aime

Mais attends, je réponds quoi ? Je dis «je t’aime aussi» ? Je ne vais pas lui foutre un vent, après elle va encore se vexer. Mais je vais pas dire «je t’aime» à la copine de mon meilleur pote. Sauf qu’elle croit que c’est Jacques.

Mia : Sympa de me lâcher un vu comme ça Je t’ai dit que je t’aimais et tu me fous un vent ?

Bon allez, une fois n’est pas coutume.

Moi : Désolé Je t’aime aussi

Mia : Je t’en veux pas. T’es bizarre ce soir.

Merde, elle a remarqué quelque chose.

Moi : Ouais, je suis pas dans mon assiette

Si Jacques apprenait tout ça, il me détesterait. Il faut changer de sujet. Les trois petits point sautillant me permettent de voir qu’elle écrit un message.

Mia : Bon, je vais dormir, Marine veut y aller. Bisous, à demain, je t’aime ^3^

Je réponds la même chose sans les emojis. Je rends son portable à Jacques et m’installe pour dormir aussi. Une bonne nuit de repos me remettra les idées en place.

Au final, Mia n’a pas l’air détestable. Elle pardonne facilement. Enfin, elle fait ça parce qu’elle pense que c’est Jacques. Je repense à la photo de tout à l’heure. Je me souviens vaguement de la tête de Marine, mais celle de Mia est encore parfaite, comme si j’avais la photo devant les yeux. Elle est jolie. Je rougis tout seul. Reprends-toi, Ethan. À quoi tu penses ? Ce doit être la fatigue.

Je gigote dans tous les sens parce que je n’arrive pas à trouver le sommeil.

- Hé, Ethan, y a quoi ?

- Rien.

- Si, tu bouges comme si y avait un truc qui te turlupinait.

Jacques me connaît par coeur. C’est ça le problème d’avoir des amis que tu connais depuis la maternelle. Ils finissent par comprendre ce qu’il se passe aux moindres faits et gestes.

- Une fille ? Marine ?

- Non, non.

- Mia commence à te plaire ? dit-il sur le ton de la plaisanterie.

Voyant que je me tais, il fronce les sourcils.

- Heu, mec, c’est ça ?

Jacques semble soudain inquiet.

- Non, non. Jamais. J’oserai pas.

Mais si c’est ça, qu’est-ce que je dois faire ?

Non, Mia ne me plait pas. Faut que j’arrête de penser à ça, c’est malsain. Et puis, je ne peux pas faire ça à Jacques. Je sais qu’il l’aime et qu’il tient à elle.

- Bon, si tu veux pas me dire, c’est ton choix. Mais si y a un truc, hésite pas à me le dire.

Il éteint la lumière et ramène la couette sur ses épaules. Je me tourne vers lui et le regarde s’assoupir avant de faire de même.