Chapitre 14 - Mia

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Marine et moi sommes adossées aux casiers. Ethan passe dans le couloir et regarde dans notre direction.

- Je le savais qu’il ne m’aimait pas vraiment. Que tout était trop beau pour être vrai.

Je me contente d’hausser les épaules.

- Enfin, j’veux dire, on se croise dans le couloir il ne me regarde même pas. Avant c’était Sarah, maintenant c’est toi.

- Mais qu’est-ce que tu racontes, Marine ? Ethan ne m’aime pas !

- Ah ouais… Il t’a bien regardée pourtant.

- Ça veut rien dire.

- Il y avait un truc dans son regard, déclare-t’elle.

- De la haine ? À part ça, je ne sais pas ce qu’il peut ressentir en me voyant.

- Non, de l’amour.

- Marine, je t’assure que ton mec ne m’aime pas. Et puis, je m’en fous de lui. Je le déteste.

Elle murmure «laisse tomber» et s’en va le voir. Elle noue ses bras autour du cou d’Ethan et l’embrasse avec la langue. Ce truc me dégoûte toujours autant. Marine revient vers moi.

- Puisque t’es persuadée qu’il t’aime pas, pourquoi tu continues de l’embrasser ?

- Je veux en profiter à fond.

Ah, elle m’exaspère. On retourne en cours.

Quand on arrive au village le soir, Ethan s’approche de nous.

- Marine, je peux te parler ?

Je lance un regard à Ethan qui hoche la tête. Le moment de la rupture est venu.

- Ah oui…

Ils s’éloignent mais sont suffisamment près pour que je puisse entendre.

- Marine, je sais que tu m’aimes. Je m’en rends compte, tu m’aimes énormément. J’aimerais ressentir la même chose que toi. Ne pas avoir à te briser le coeur. Mais c’est comme ça, je n’y peux rien. L’amour entre nous n’est pas réciproque. Je n’ai pas été sincère et tu ne méritais pas ça. Marine… Depuis le début… Tout ça n’est qu’un complot dans ton dos. Je voulais être en couple.

Marine baisse les yeux. Elle fait craquer ses doigts. Les larmes vont arrivées dans 3...2...1… Torrents de larmes. Elles ruissellent sur le visage de mon amie. Le mascara et les paillettes coulent.

- Je suis désolé. Jacques m’a dit que tu m’aimais. Que ça se voyait. Alors il a suggéré de tenter avec toi. Et j’ai accepté au lieu de refuser. Je ne t’aime pas comme ça, Marine. Je suis sincèrement désolé. Je voulais trouver l’amour. N’en veux pas à Jacques ou à Mia qui connaissaient la vérité. Ils n’y sont pour rien. Ils m’ont avertit. Et ils ne t’ont rien dit pour te protéger, et parce que d’après eux c’était à moi de te l’avouer. Ne leurs en veux pas, Marine. Je suis désolé.

Ma meilleure amie renifle et sa lèvre inférieure tremble.

- Je… je le sa… je le savais… C’était… sûr…Je ne veux… plus te parler.

Marine s’en va en courant vers sa maison. Je lance un regard noir à Ethan et je cours à la poursuite de mon amie, mais la main de Jacques m’attrape.

- Un conseil, laisse-la. Elle a besoin de temps pour digérer la pilule.

- Tu as raison.

Jacques m’attire contre lui et m’embrasse.

- Enfin, Ethan t’abuses un peu.

Ce dernier lève les yeux au ciel et part vers le centre du village. Je le suis, bien décidée à rejoindre Sarah au bar.

Je la trouve sur la table du fond, assise sur une banquette en cuir marron, un verre de Coca à la main.

- Salut !

- Ah, salut.

- Ça va ? Je veux dire, Ethan est sorti avec Marine et tout…

- Heu, Ethan ? Franchement, c’est un bâtard. C’qu’il a fait à Marine, c’est dégueulasse.

- Ouais. Donc tu ne l’aimes plus ?

- Non.

Elle boit une gorgée de Coca.

- Et Marine, elle va comment ?

- Je ne suis pas allée la voir, j’y vais juste après… Mais… Elle pleure.

- J’imagine. On y va ensemble ?

- Ouais, si tu veux.

Elle finit en une seule gorgée le reste du verre (qui correspondait pourtant à la moitié) et me rejoint.

- J’aime beaucoup le Coca, avoue-t’elle. Je sais que c’est pas bon pour mon corps, mais c’est un peu ma boisson spéciale. Quand je suis triste, je vais au bar pour en boire. Pareil quand je suis en colère ou joyeuse.

- Tu n’en achètes pas à l’épicerie pour en boire chez toi ?

- Ah… Mes parents détestent le Coca. Et ils ne veulent pas m’en acheter. Je crois pas qu’ils savent que je vais au bar quasiment tous les jours pour me prendre un verre, ou que j’achète une bouteille à la cafétéria du lycée.

- Tu vas toujours au bar seule ?

- Hum, oui. Tu sais, hormis les gars, j’ai pas vraiment de potes. Et ils ne sont pas du genre à aller traîner dans des bars, des cafés ou des salons de thé après les cours. Enfin, à part Jacques, mais je crois qu’il n’y va qu’avec toi.

- On ira au bar avec Marine un de ces quatre… Toutes les trois.

Sarah esquisse un sourire.

- Tu sais, t’es pas obligée.

- Ça ne me dérange pas.

- Merci Mia.

On arrive enfin chez ma meilleure amie et je toque. Elle m’ouvre. J’ai une vision d’horreur. Marine est toute décoiffée, certaines mèches de cheveux sont collées sur son visage à cause des larmes. Son mascara a séché sur ses joues, et son fard à paupières fait une bouillie maronnasse.

- Quoi ? demande-t’elle sèchement.

- Marine, je venais voir, avec Sarah, comment tu…

- Dégage, je ne veux pas te voir. Tu connaissais la vérité et tu ne m’as rien dit. Tu as même confirmé qu’il m’aimait quand j’en doutais.

- Marine, je suis…

- Laisse-tomber Mia. Je ne veux plus te voir.

Elle referme la porte. Sarah reste sur le perron, puis s’en va.

- Salut, Mia. Merci pour tout.

- Salut.

Elle disparaît derrière les arbres de l’allée et j’emprunte le même chemin qu’elle il y a quelques instants.

Je sors mon téléphone de ma poche pour envoyer quand même un texto à Marine.

Moi : Je suis désolée. Je sais que j’aurai dû t’en parler.

Marine : Laisse moi, il faut que je digère ça ಥ_ಥ

Je repose mon smartphone sur mon bureau et tourne la tête vers le mur où est fixé une photo de Marine et moi. C’était à la fin de la troisième, il y a un peu moins de deux ans. J’avais encore les cheveux au carré, et Marine était encore dans sa période où elle lissait les siens. On se tient toutes les deux avec notre diplôme de brevet dans la main et une pâtisserie encore chaude venue tout droit du salon de thé dans l’autre. On est collées l’une contre l’autre, un grand sourire sur les lèvres. À cette époque (on dirait une vieille mamie qui parle là), elle n’aimait pas Ethan. Elle pensait qu’elle n’aimerait jamais personne parce que d’après elle, les garçons étaient des losers. Je souris en repensant à ce souvenir.

À côté de ce cliché, il y a la photo de classe de la 2nd. Marine est assise sur le banc, habillée d’une chemise bûcheron émeraude et d’un jean, à côté d’Ethan en survêt de sport. Jacques et moi sommes à côté aussi, juste derrière eux, vêtus tous les deux d’un jean large clair et d’un t-shirt noir (on avait fait un dress code entre couple). C’est là que Marine est tombée amoureuse d’Ethan. Elle a dit – je cite – qu’elle «ne pensait pas qu’il était aussi beau avant de l’avoir vu de près».

Et puis encore à côté, une photo de Jacques et moi, le jour avant la rentrée en 1ere. Ça remonte à septembre, il y a seulement cinq mois. Pourtant, j’ai l’impression que ça fait une éternité. Jacques porte un costard cravate-noir et moi une robe empire rouge rubis. C’était Marine qui avait pris la photo.

J’ai vécu beaucoup de choses avec Marine, et je n’aurai jamais pensé qu’elle me ferait la gueule un jour.

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