Chapitre 15 - Ethan

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J’ai les bras croisés et la tête posée dedans. Mon téléphone est posé à côté de moi. Personne ne m’a envoyé de message depuis hier. C’est-à-dire depuis que j’ai quitté Marine. Je suis rentré directement chez moi après qu’elle soit partie. De toute façon, à quoi bon rester avec les autres ? Si c’était pour les entendre dire que j’abuse, j’ai franchement pas envie.

J’imagine qu’ils me font tous la tête. Ma mère a eu vent de cette histoire je ne sais comment et m’a réprimandé quand je suis rentré.

La porte de ma chambre s’ouvre à la volée et je reçois sur la tête ma veste Adidas. Je grogne.

- Hé, debout. T’as pas le temps de glander, mec. T’as une connerie à réparer. Déjà que t’as séché les cours aujourd’hui.

Je lève les yeux. Jacques est debout devant moi.

- Je me sentais pas d’affronter les gens du lycée.

- On est que mardi, tu vas pas sécher toute la semaine.

Je hausse les épaules.

- Allez, viens. C’est grave ce qui se passe.

Je me retrouve au bar, en face de Jacques qui sirote son mojito sans alcool fraise-citron. Qu’est-ce que je fais à 18 heures dans un bar ?

- Je vais te faire un bilan de la journée pour que tu te rendes compte de la gravité de la situation.

- Pff, s’tu veux.

- Ok. Alors, de un, Marine a une tronche de déterrée. Elle s’est même pas maquillée ce matin, on voit la différence… Enfin bref, là n’est pas le sujet. Elle n’a pas adressé la parole à Mia, et elle est restée seule dans le bus. Marine, pas Mia. C’était moi à côté de Mia. Une fois au lycée, Marine a rejoint Claudia, Stacey et Barbara. Je rappelle : Marine déteste Claudia, Stacey et Barbara.

- J’sais même pas qui elles sont…

- Tu sais, les filles qui viennent du centre de Reims, qui sont hyper maquillées et toujours en mini-jupe.

- Ah, les filles clichées du bahut, quoi.

Jacques soupire.

- En gros.

De toute façon, à part les gens de notre village, je n’aime personne au lycée. Et il n’y a que Julien, Jordan, Sarah, Jacques, Mia, Marine, Alicia, Milo et moi qui faisons parti de ce lycée. Bon, il faut dire qu’on est pas non plus des milliers au village.

- Bref, Marine a passé la journée avec Claudia, Stacey et Barbara. Donc Mia était seule… Enfin, du coup elle est restée avec nous mais elle s’est faite laissée…

- Qu’est-ce que ça peut m’faire ? J’m’en fous d’Mia, moi.

Je reçois un coup de pied dans le tibia.

- Dis le mec qui passe son temps à lui envoyer des SMS quand il est en soirée pyjama avec moi.

- De toute façon je vois pas ce que je peux faire pour arranger ça. Ce qui est fait est fait. J’y suis pour rien si Marine fait la gueule à Mia.

- T’y es pour rien si Marine ressemble à ça ?

Jacques brandit son téléphone sur une photo de Marine prise aujourd’hui à 14h32, sûrement à son insu. La photo est de profil, mais c’est assez pour voir à quel point Marine n’est pas bien. Elle a une tête de dépressive, elle n’a pas pris la peine de se maquiller ni de réfléchir à comment elle s’habillait, et je ne suis pas sûr qu’elle se soit coiffée ce matin.

- Bon, ok, j’y suis pour quelque chose. Mais je vois pas comment je peux arranger ça.

- C’est ton problème. T’inquiètes, je compte t’aider. Je suis un bon pote.

- Heu, c’était ton idée de sortir avec Marine.

- Je t’ai pas dit de sortir avec Marine alors que tu ne l’aimais pas. Je t’ai dit de faire en sorte de tomber amoureux d’elle.

- Tu me dis de faire un truc qui est hasardeux.

Je fronce les sourcils, pas sûr que ma phrase veuille dire quelque chose.

- Genre, l’amour ça arrive pas parce qu’on en a envie. Sinon évidemment que j’aurai choisi d’aimer Marine.

- Me prend pas pour un con, Ethan. Je sais ce qu’est l’amour.

- Tu vois, tu recommences à te vanter du fait que t’es en couple. C’est peut-être pour ça que j’ai voulu l’être aussi. Pour te clouer le bec.

- Te cherche pas d’excuse, t’en as pas. Et je ne me vante pas. Ne change pas de sujet.

Jacques finit son verre et se lève.

- Téléphone moi dès que t’as trouvé une solution. Je réfléchis de mon côté et je t’appelle si j’en ai imaginée une avant toi.

Il disparaît du bar et me laisse seul face à son verre vide et à ma canette de limonade que je n’ai même pas ouverte.

Une solution. Rien ne me vient à l’esprit. Je sais pertinemment que j’ai des erreurs à réparer. Mais comment ? Je ne peux pas me forcer à tomber amoureux. Je ne suis même pas sûr de savoir ce que c’est, au final. J’imagine que je suis censé trouver la personne séduisante. Être attirer par elle. Je suppose qu’elle doit occuper toutes mes pensées. Peut-être même rêver d’elle. Je dois sûrement adorer sa personnalité… Ah, je n’y connais rien, en fait. L’amour dans les films est différent du vrai. Enfin, je pense. Bon, ça me soûle.

Je me lève et quitte le bar en direction de chez Marine. Sa maison fait partie des plus grandes du village. La bâtisse est sur deux étages. Les murs blancs s’effritent. Le jardin entoure toute la maison, parsemé de fleurs rouges, jaunes et roses, d’abeilles venues butiner et de pétales sur l’herbe fraîchement tondue et recouverte d’un peu de givre. Un petit chemin en pavés lisses amène jusqu’à la porte en bois. Je frissonne et soupire, une petite fumée s’échappant de ma bouche. Janvier est le mois le plus froid de la région. Il neige souvent, et le soir, des petites lampes multicolores suspendues entre les réverbères de l’allée principale s’allument. Le lac du petit parc du village gèle, ce qui donne une allure féerique à l’espace vert. Ce village, bien qu’il soit vraiment petit, est au final très agréable en toute saison.

Je sors mon portable et envoie un message à Marine.

Moi : Je suis devant chez toi. On peut se voir ? ??

Je lève les yeux vers la fenêtre de sa chambre et je la vois apparaître. Elle fait non de la tête puis disparaît derrière le rideau rose.

Je n’ai plus qu’à rentrer. De toute façon, je meurs de froid. Des petits flocons commencent à tomber et se transforment rapidement en neige. J’accélère le pas, pressé de rentrer et de me réchauffer dans ma chambre.

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