Chapitre 16 - Mia

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Nous sommes samedi. La semaine est terminée, et Marine ne m’a pas adressé la parole depuis lundi. Au lycée, elle refuse de me parler et reste avec Claudia, Stacey et Barbara. Il faut que ce manège cesse. Et j’ai un plan.

J’enfile un jean noir ainsi qu’une chemise violet lilas, j’attache mes cheveux en une queue de cheval et glisse dans la poche de mon pantalon un billet de dix euros. Je descends l’escalier et me chausse. Papa passe dans le couloir.

- Tu vas où ?

- Essayer de me faire pardonner par Marine.

- Tu vas pas avoir froid comme ça ?

Il désigne mon chemisier et mon jean.

- Tu sais bien que je n’ai jamais froid.

- Mia, il fait 2°C dehors.

- T’inquiètes, ça ira. Et comme vous dites toujours avec Maman, si je tombe malade, j’assume, je vais quand même au lycée…

- Ok, ok. Rentre avant la tombée de la nuit. Vers 18 heures.

- Promis.

Je me lève et sors. Je commence par passer au salon de thé, où j’achète deux chocolats chauds et deux croissants. Louis me tend les deux gobelets en carton encore fumant ainsi que le sachet en papier kraft. Je paye et me rends devant chez Marine. Je sonne. Elle m’ouvre, encore en pyjama.

- Mia, s’il te plait, laisse-moi…

- Stop, je t’arrête tout de suite, je ne te laisserai pas. J’ai déjà acheté les croissants et les chocolats chauds, en plus. Habille-toi et rejoins-moi.

Elle referme la porte. J’attends cinq minutes. Je finis par me dire qu’elle ne ressortira pas mais elle finit par réapparaître vêtue d’une robe en laine, d’un collant épais et d’un manteau.

- Allez, viens avec moi.

On marche jusqu’au parc en silence. Une fois arrivées, on s’assoit sur le banc face au lac gelé et on commence à manger, toujours sans parler. Marine arrache des petits bouts de croissant et les lance aux canards qui bataillent pour les manger.

- Marine, je suis sincèrement désolée de ne t’avoir rien dit. Je ne savais pas quoi faire, j’étais en colère contre Ethan. Avant que vous vous mettiez en couple, je l’avais prévenu. Je lui avais dit d’arrêter avant que ça ne dégénère mais il ne m’a pas écouté, et j’ai refusé de t’avouer la vérité. En plus, j’avais rêvé que tu te suicidais à cause de ça... Au fond, je ne voulais pas endosser le rôle de celle qui te blesserait. Je ne voulais pas te faire de mal, je…

- T’inquiètes pas. C’est du passé. Il faut que je tourne la page, et tu n’y es pour rien. Je ne t’en veux pas.

Je pose mon gobelet et me jette dans ses bras. Elle passe les siens autour de mon cou et pose sa joue froide contre la mienne. Comme avant.

- Désolée… susurre-je.

- Allez, arrête de culpabiliser, je t’ai dit que je ne t’en voulais pas.

Je hoche la tête et Marine boit une gorgée de chocolat chaud en fixant le paysage.

- Tu vas faire quoi, pour Ethan ?

Elle soupire et secoue la tête.

- Rien, tout simplement. Après tout… Que veux-tu que je fasse ?

- Je ne sais pas. Tu l’aimes toujours ?

Marine grimace.

- Mmm… Ouais. Moins qu’avant, quand même.

- Tu devrais tourner la page, tu sais.

- Ouais, je sais. Mais c’est pas si simple. J’arrive pas à l’oublier.

- Ça ne fait qu’une semaine. T’as encore le temps. En parlant de la semaine qui s’est déroulée…

- Ouais, je sais aussi. J’aurai pas dû traîner avec Claudia, Stacey et Barbara. Ce sont des garces. Claudia et Stacey font que de dire des trucs sur toi, genre «Mia ne devrait pas sortir avec Jacques» ou «Mia est super moche, il paraît qu’elle avait des boutons quand elle est arrivée dans son village». Quant à Barbara, elle drague tout ce qui bouge, elle va en boîte de nuit tous les soirs et elle traîne avec des mecs de la cité, tu sais, avec les motos, les cigarettes et l’alcool.

- Ah oui, eux.

- Ces filles ne sont pas de bonnes fréquentations, affirme Marine.

- Je sais. Je n’ai pas besoin de passer une semaine avec elles pour le deviner.

Marine tourne la tête et se fige. Ses jambes commencent à trembler. Je lève les yeux vers ce qu’elle fixe. Là-bas, de l’autre côté du lac, Ethan se tient debout, les mains dans les poches de son sweat. Il ne semble pas nous avoir vues. Je pose ma main sur l’épaule de Marine.

- Eh, du calme.

Sa respiration s’accélère et ses yeux se remplissent de larmes. J’attrape sa main et elle presse la mienne.

- Mia…

- On va sortir du parc, tu veux ?

- Non, murmure-t’elle. La sortie est de l’autre côté du lac. C’est-à-dire derrière lui. Je ne veux pas le croiser. On va attendre qu’il parte.

- Mais, Marine, il y a une sortie de notre côté.

- Elle donne sur les champs cultivés. C’est interdit de passer par là.

Marine a raison. La seule sortie disponible est celle de l’autre côté du lac. On a juste à traverser le pont qui passe par-dessus l’étang et à parcourir cent mètres pour être en dehors du parc et de retour dans le centre du village. Sauf qu’Ethan est là aussi. Et que si on passe, il va nous regarder ou peut-être même nous parler. Et ça, Marine ne le supportera pas.

J’attrape mon téléphone et lance Google Maps. C’est stupide parce que je connais le village par coeur, mais j’ai espoir de trouver un autre chemin. Évidemment, il n’y en a pas, et Marine est toujours dans sa transe face à son ex.

Il faut que je trouve un moyen de passer en évitant Ethan. Je creuse mes méninges mais impossible, il n’y a pas de solution. Pour quitter le parc, on doit passer par là.

- Allez Marine. On passe et on s’esquive rapidement.

- Ok.

Elle soupire, se lève, tremblante et on commence à avancer. À mesure qu’on s’approche du pont nous permettant de traverser le lac, Marine se tend de plus en plus. Je mets un premier pied sur les planches de bois puis un deuxième. Ma meilleure amie me suit. On arrive à hauteur d’Ethan et elle rougit.

Il tourne la tête vers nous et elle s’enfuit en courant. Je la rattrape et la trouve assise sur la bordure d’un trottoir, tremblante et en larmes.

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