- Bon, Mia, quand t’aura fini de discuter avec ton mec, on pourra y aller. Aie un peu de pitié pour les célibataires.

- Ben non, justement. Je suis la seule à être en couple, donc je suis la seule à ressentir un manque. À ne pas pouvoir être près de la personne que j’aime. C’est à vous d’éprouver de la compassion à mon égard.

Ah, si tu savais. Moi aussi je ressens un manque quand je te vois, quand je te parle. Mais je n’arrive pas à comprendre pourquoi. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive, pense-je.

Je m’approche de Mia et me retiens de poser mes mains sur ses épaules. Je me penche vers elle et sens mon coeur battre. Ethan, ne dévie pas la trajectoire de tes lèvres. Vers son oreille, pas ses lèvres. Son oreille. Une fois ma bouche suffisamment près, je lui chuchote :

- C’est faux. Paulo aime Sarah.

Puis je me recule avant de faire comme avec Sarah il y a un mois. Mia hoche la tête et range son téléphone.

- Allons-y.

Sarah et Paulo se sont rapprochés durant le coup de mou de cette dernière, alors je me retrouve à marcher à côté de Mia. Sa main se balance près de la mienne et je me retiens de l’attraper. Ce serait déplacé.

- Qu’est-ce qu’il m’arrive ?

- De quoi ? questionne Mia.

- Heu, j’ai parlé tout haut ?

- Oui, rit-elle.

- Tu n’es plus méchante avec moi.

- Marine a retrouvé des couleurs. Sa joie de vivre. Et elle ne semble plus t’en vouloir. Alors je n’ai aucune raison de m’énerver contre toi.

Je suis étonné de constater que ça me fait plaisir que Mia soit gentille avec moi.

- Et toi, je croyais que tu me détestais ?

- Il faut dire qu’on s’est rapprochés, avec toutes ces sorties. Jacques avait raison : en créant le groupe, il voulait que je me rapproche de Marine et toi. Ça a marché.

Je me racle la gorge.

- Et puis, j’avoue que je pensais que tu étais une personne énervante. Mais pas du tout. Tu… tu es une bonne personne, en fait.

Elle me fixe, un sourcil levé avant d’afficher une mine moqueuse.

- Tu as raison, on s’est rapprochés durant ce mois. Avant, si on m’avait dit que je deviendrais amie avec toi, je ne l’aurai pas cru, dit-elle. En fait, je t’apprécie.

Je lui souris. Mia m’aime bien. Elle m’apprécie. Moi aussi, je l’aime bien. Je m’apprête à lui dire que je me sens bizarre en ce moment. Que quand je la vois, mon coeur bat la chamade. Que quand je la regarde avec Jacques, mon estomac se retourne et mon coeur se serre. Que quand nos regards se croisent, je rougis. Que je ne comprends pas pourquoi. Mais j’ai peur qu’elle l’interprète mal et qu’elle pense que je suis amoureux d’elle. Ce qui n’est pas vrai. Sinon, je serai vraiment dans la merde.

Je reçois un SMS de Marine, avec une photo de Jacques et elle, devant le mur de Berlin. Je transfère l’image à Mia, qui consulte son téléphone quelques secondes après avoir reçu mon message.

- Ah, comment il fait pour être aussi beau ? demande-t’elle tout haut.

- Ok. Bon, on rejoint les autres ?

Je désigne le couple Sarah-Paulo qui rit à gorge déployée à quelques mètres de nous.

- Ouais.

Mia presse le pas pour les rejoindre et j’entends Paulo proposer :

- On joue au jeu de la bouteille, ce soir. Rendez-vous dans la chambre d’Ethan et moi à 21 heures.

- Hé, on va pas jouer au jeu de la bouteille à quatre, c’est nul, dis-je.

- On s’en fout. C’est entre potes. Je veux dire, à moins que l’un de vous ait envie d’embrasser Claudia, Stacey et Barbara, on invitera personne d’autre. Et puis, on est potes avec personne d’autre, ajoute Sarah.

- Claudia, Stacey et Barbara devraient se désinfecter les lèvres avant d’embrasser qui que ce soit. Avec le nombre de mecs qu’elles ont embrassés, on pourrait choper un virus, marmonne-je.

- Pas faux, répond Paulo.

C’est comme ça que je me retrouve assis entre Sarah et Mia, avec en face de moi Paulo. On forme un rond, posés sur la moquette de ma chambre d’hôtel. Une bouteille de Coca trouvée par Sarah pivote entre nous.

- Ok, à moi de faire tourner la bouteille, déclare Mia.

Elle attrape le récipient et le fait rouler. Le bouchon pointe vers Sarah. Mia relance la bouteille, et le bouchon désigne Paulo.

- Ok, c’est moi qui dit le truc, annonce-je.

Il faut que je donne un coup de pouce à Paulo. Même si je sors l’action la plus basique du jeu de la bouteille.

- Sarah, tu embrasses Paulo.

Sarah pouffe de rire et Paulo rougit jusqu’aux oreilles. Elle se met à quatre pattes pour passer par-dessus la bouteille et se penche vers Paulo. Plus Sarah se rapproche, plus il se tend et rougit. Elle finit par déposer ses lèvres et les retirer.

- C’est fait, dit-elle simplement.

Mia me lance un regard qui veut clairement dire «Paulo doit être content».

- Ok, Miamiam, je prends ma revanche, dit Sarah en lançant la bouteille.

- Miamiam ?

- Ouais, c’est un surnom trouvé par Sarah.

- Mia ! Tu EMBRASSES… roulement de tambour… Ethan !

- Hé, je suis en couple, je n’embrasserai personne.

- Pff, c’est de la triche, ça. C’est quoi cette excuse de merde ? Ton mec le saura jamais. Et c’est juste un jeu. Tu crois que j’avais envie d’embrasser Paulo moi ? Tu crois qu’Ethan avait envie de chanter Libérée Délivrée en entier tout à l’heure ? J’crois pas, non. Donc, maintenant, tu embrasses Ethan.

- Non, je ne le ferai pas. Je préfère encore chanter Libérée Délivrée, comme Ethan.

- Mia ! C’est pour mettre l’am-biance, scande Sarah en secouant la tête.

- Je ne ferai pas ça à Marine.

- Je te dis qu’elle ne le saura pas !

Mia se lève et part de la chambre. On l’a vexée.