dB 75
Il est six heures la campagne s'éveille. Les tourterelles s'envolent vers les cieux qui s'éclaircissent et les champs de blé et de maïs bruissent comme la houle. Je jubjote dans quelque songe de toi, me demandant si Vénus apparaît chaque matin au loin, alanguie dans son coquillage, sur la plage que tu peux à peine percevoir depuis ta tour de demoiselle. Ladon garde son précieux. Étrange pomme dors-tu ?
Il est six heures la campagne se fait belle. Je l'admire passer un coup de rouge à lèvres sur ses coquelicots, et de multiples fards à paupières criards pour raviver la joie de l'été. Je n'ose pas lui annoncer qu'Août est mort - lundi viendra, menaçant, avec son lot de pages insensibles comme le notaire après un décès. La campagne est une femme d'âge mûr qui n'accepte pas ses rides dans le reflet du miroir et je suis un piaf de mauvais augure, je saigne son dessein de revenir au passé, ne conjugue plus qu'au présent quitte à l'inventer.
Il est six heures, la campagne s'ébroue comme un labrador heureux de vivre un nouveau jour. Le secret de l'amour n'est que la capacité à imaginer l'autre. Et je te rêve plus que de raison ; m'en empêcheras-tu, toi dont l'emprise était de coton et qui n'agrippais que ma chair avec force ? Ladon te parle en mille langages dans son jardin du Couchant - qui allongeras-tu dans ce lit qui m'est plus lointain que le bout du monde ? Je peins ces filles comme des fruits aux subtiles saveurs. Leur présence à tes côtés me fascine autant que mon absence. Nous ne sommes toutes que de passage et tu te lèves chaque jour comme ce paysage qui m'émerveille : un chaos déterministe redondant mais fondamentalement éphémère.
Il est six heures la campagne s'éveille.
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