dB 62
Un grand chêne déplumé par novembre jette l'ombre des rares feuilles dorées qu'il conserve, dessinée par le Levant, sur les volets céladon encore clos et les bouts de nez rougis par le frimas, accordés aux teintes amoureuses du ciel, rendent jalouses les roses des grandes serres. Ainsi, on prend la rame de décembre, un vendredi matin et l'on ne revient plus jamais aux émois d'antan. Les mouettes entament la valse de l'hiver, n'osant plus poser une simple patte sur les toits givrés des ponts couverts. Et moi, en cape déplumée par novembre, je passe du côté de Strasbourg encore épargné par la fougue des fêtes de fin d'année à celui que l'on écrase, plastifie, il y a là, devant mes yeux sceptiques, un engouement qui ne me prend que la nuit venue, sur les berges du canal ensommeillé quand les loupiotes en feu font écho aux étoiles et que toutes se reflètent, jolies danseuses, dans l'onde glauque.
Puis je descends, énième Alice, dans les tréfonds de la ville par son œsophage, une gargantuesque canalisation de métal aux crocs sertis de pierres qui avale l'Homme et le recrache un peu plus loin. Que le monde d'ici soit le rejeton d'une propagande brutaliste, soit. Je suppose que je peux concevoir qu'il existe effectivement des restes dégueulassés de ce qu'on pensait hier être de bonnes idées. Mais qu'il ne m'envahisse point trop et qu'on ne me demande pas de lui accorder un regard ami. Je poinçonne, la ligne m'emporte, le paysage urbain défile et je pense, en voyant la couverture blanche s'épaissir sur les mauvaises herbes et les capots des tas ferraille bariolés, que, peut-être... Neigera-t-il encore ce soir ? Et qu'alors, on se verra reflétés à une heure bien tardive dans les vitres salies du tramway, comme l'image d'un début d'amis, rassemblement hasardeux d'yeux candides et d'autres. Et qu'alors, nos besaces soient déplumées par novembre.
Information en passant : j'ai repris mon travail à l'hôpital avec des horaires à faire pleurer un député, de fait, je suis moins présente, j'écris moins et je lis moins... Mais ! Je m'occupe de mes petits patients de gériatrie, personne n'est mort, des Lucie sont mariées à des Luciens et des Yves à des Yvette, le monde tourne rond et j'accumule de nombreuses anecdotes qui se retrouveront très certainement dans mes futurs textes. Un mal pour un bien finalement ;)
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