Chère âme, je ne t’écris pas, je te parle. Un parfum de santal s’échappe de la chambre lorsque j’entrouvre la porte, j’ose à peine jeter un regard par l’interstice. On pourrait s’y trouver tous deux et tout de même s’y égarer. Alors je reste là, sur le seuil et je ne parle presque pas, je te décris.

Les tentures recouvrent les murs de sang tissé, grains de satin d’un bordeaux coagulé. Un tableau impulsif qu’un Hermès de marbre frôle d’une main nonchalante quand le tissu soupire un peu trop près de lui. Son corps nu au beau milieu de la chambre me regarde. Un chassé-croisé entre un œil et un autre, derrière le bois fatigué. Quelques lianes de serpents en pot dégoulinent sur les rebords de fenêtre - l’histoire retiendra à peine ces Goliath des pièces blanches qu’on dispose là pour survivre au calme gras. Et si l’oiseau piaille c’est qu’on l’a trop laissé caresser le vide.

Dépose donc larme gauche sur cœur maladroit, j’aime assez l’humeur de ces échanges-là.

Hermès crève une orange de l’ongle, sans rompre le contact ne serait-ce qu’une seconde, le jus éclate sur la soie de sa peau mais à peine réagit-on. À peine régit-on une âme qui s’éparpille plus qu’elle ne s’appuie. Je le crois las, peut-être l’est-il. L’oiseau-paille. Le fruit meurtri dans sa poitrine béante et l’assassin sourit de se savoir partie fidèle de ce même cadavre qui marche. Son pas vole mais il s’allonge entre les tentures pourpres et déplume l’orange, un parfum de santal me porte en douceur jusque dans la chambre.

Chère âme, je ne t’écris pas, je te parle.