dB 13 : clope amère
Elle fumait sa dernière clope amère sur un banc laissé libre devant l’hôpital. Il était midi peut-être mais personne n’en était trop sûr - il existe des heures qu’on ne nomme pas car il serait préférable qu’elles ne résistent pas. Elle clopait comme un jour de fin du monde. Les obus sur la façade, le jour explose, n’en reste que des approximations de chair sevrée d’amour. Les poumons pleins, la tête creuse, sur un trottoir de mazout brut et l’œil brille, le cœur brûle.
Il s’assoit, mort en main et il l’allume parce que, parfois, ça soulage d’encrasser l’atmosphère déjà bien dégueulasse. Chacun sa chienne goudronnée fidèle pour décorer le bec et tous les crabes qui s’ensuivent.
Vous savez maman est morte ce matin. Peut-être hier, on ne sait pas très bien. Comprenez comment j’expire, j’ai taché tout l’air qui nous sépare mais je veux votre mot, un poème pour le futur. Maman est morte, qui était-ce ? Et qui serai-je sans les piliers, le sol, la voûte ? Qui est-on sous le vrai ciel ?
Vous allez grandir, la clope amère s’épuisera dans d’autres bouches, vous verrez, le monde se réarrange. Le râle reste mais le reste s’envole et vous cracherez alors vos poumons contre l’absurde qui est une grande toux à défaut d’être le fil qui redresse les chemins. Vous allez grandir, mais le râle reste, quelques fois.
Ils fumaient une dernière clope amère sur un banc d’hôpital. Midi sifflait la colombe mais le temps faisait gris comme après la guerre et les murs empilaient les pierres. On attendait l’immonde, son pas glacé jamais repu.
pour Gérard, Christiane et leur fille.
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