59. Interpellation musclée d’un coupable tout trouvé

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Sacha

Je sors de la douche et prends un selfie dans la salle de bain. Je souris à la caméra et m'arrange pour que l'angle de la photo laisse apparaître mon torse et deviner le bas de mon corps. Je sais que je vais exciter Livia avec cette vue et souris intérieurement.

"Bonjour ma chérie. Bonne journée et à tout à l'heure au café. Ce soir, on passe la nuit ensemble ? Je n'aime plus dormir seul. Je t'aime."

Je n'ai pas le droit de trop découcher même si le risque est relativement peu élevé, et nous avons décidé, afin de ne pas trop perturber Mathis, que je passerai deux nuits par semaine chez elle et qu'elle ne viendrait avec lui que tous les samedis pour profiter de la nuit et du dimanche ensemble. Ce rythme est déjà fort agréable mais je suis en demande de plus. J'ai l'impression que je n'ai jamais assez de sa présence et j'aspire à ne pas perdre une seule minute que je pourrais passer en sa compagnie.

“Salut, toi. C’est ton argument de vente pour la nuit à venir ? Très appétissant… Vivement ce soir alors. Tu me manques, j’avais très envie d’un câlin coquin ce matin, et je suis à deux doigts de sortir Hector… Mais je vais me frustrer. Vivement ce soir ! Je t’aime”

Elle joint à son message une photo d’elle devant son miroir, dans une petite nuisette qui ne cache pas grand-chose de sa féminité. J'ai quand même une chance folle que cette femme délicieuse et magnifique se soit mise en couple avec moi, je n'en reviens d'ailleurs toujours pas.

— Ouvrez ! C'est la police !

Ces cris me sortent de ma rêverie tout comme les coups violents portés contre ma porte. Saisi, je ne réagis d'abord pas, figé sur place alors que les battements de mon cœur s'accélèrent et que je perds tous mes moyens. J'ai l'impression de revivre la scène d'il y a trois ans et mon esprit torturé essaie de trouver quel crime ou délit j'aurais bien pu commettre pour justifier l'arrivée des flics.

— Ouvre ou on défonce la porte ! gueule la même voix que tout à l'heure alors que les coups sur mon entrée redoublent.

C'est le signal qui me permet de retrouver l'usage de mes jambes et je me précipite pour déverrouiller la serrure. J'ai à peine eu le temps d'entrouvrir que la porte est enfoncée et que quatre types en uniforme, arme à la main, me bousculent et se saisissent de moi en me jetant au sol. Je sens leurs mains chercher à me maintenir et je cesse rapidement de me défendre afin d'éviter de me prendre un coup ou d'envenimer la situation. Je suis innocent et tout ceci doit être une erreur.

— Arrête de bouger ou je t'en mets une, me lance un gros baraqué, un taser à la main.

— Qu’est-ce que vous me voulez ? J’ai rien fait !

— Ouais, mon œil. Ils disent tous ça, les racailles de ton genre, quand ils nous voient débarquer.

Je sens que quelqu'un me tire les bras en arrière et me passe des menottes avant de me redresser et m'adosser contre le mur. Je vois que l'un d'eux sort son talkie et s'éloigne un peu pour communiquer avec sa hiérarchie.

— L'individu pour le braquage a été interpellé sans difficulté. On perquisitionne tout de suite ou on attend l'OPJ ?

— Braquage ? Mais j’ai rien braqué, moi ! C’est quoi cette histoire ?

Et puis, si c'est un officier de police judiciaire qui débarque, c'est que ça ne sent pas bon pour moi. Une enquête est en cours et je suis clairement dans la merde.

— Ta gueule. Tu parles quand on te demande, toi. On n'est pas aux States ici où tout ce que tu diras pourra être retenu contre toi mais je te promets de te coller un outrage à agent si tu me fais chier. Mickael, donne-moi un coup de main. On doit trouver des trucs pour coincer ses potes. Vous deux, le lâchez pas. Il est où son téléphone ?

— Je l’ai, gueule un de ses collègues depuis la salle de bain. J’ai pas trouvé d’ordinateur, par contre.

— Fais voir ça, répond leur chef en déverrouillant mon téléphone. Oh putain, la meuf ! Tu te fais pas chier, mon cochon. Je crois bien que ce soir, c'est moi qui vais l'attendre ici ! Mazette, ça, c'est du décolleté !

— T’es sérieux, grogné-je. C’est privé, ça ! Arrête de mater !

— T'es un vrai con, tu sais ? Quand on a une nana comme ça, on se range et on la baise. Il n'y a rien que du porno sur cet appareil. Il faut trouver celui qu'il utilise pour le business. Fouillez les armoires, sous le lit. Tu caches où ton matos ? Perdu pour perdu, tu ferais mieux de cracher le morceau !

— Mais j’ai pas d’autre téléphone ! Je me suis rangé, putain, j’ai rien fait de mal, soupiré-je, totalement dépité.

— Tu n'es pas coopératif, dommage. Ta Livia, ajoute-t-il d'un ton condescendant en jetant à nouveau un œil sur la photo, va devoir se contenter de son pote Hector. Tu verras qu'elle va vite t'oublier. Jonathan Mercier, ça te parle ? Il est où ? On sait qu'il est venu à ton boulot récemment. Aide-nous si tu veux pas passer ta vie derrière les barreaux.

— Mais… j’en sais rien, moi ! Je lui ai dit que je ne voulais plus rien avoir à faire avec lui, c’est tout !

— Oh, c'est mignon. On y croirait presque…

— Il n'y a rien, chef. Même pas une planque. Peut-être que tout est chez sa copine la bonnasse ?

— Peut-être, oui… On met les scellés sur la porte et on l'emmène au poste. Je rappelle le central pour les informer qu'on a fait chou blanc. Et on verra avec le juge pour la copine.

Je regarde avec colère l’état dans lequel ils laissent mon appartement. Les tiroirs sont ouverts, mes affaires sont éparpillées par terre. Ils ont mon téléphone en main et moi, je suis toujours menotté. En plus, ils vont aller foutre le même bordel chez Livia par ma faute. Enfin, ma faute, c’est plutôt à cause de Jo. Qu’est-ce qu’il a foutu ? Et pourquoi je me retrouve dans cette situation ? J’ai la haine, là, et je ne fais aucun effort pour leur faciliter les choses quand ils me font entrer dans le véhicule de police garé devant l’entrée de l’immeuble.

Lorsqu’on arrive au commissariat, ils ne me mettent pas directement en cellule mais me font entrer dans un petit bureau prévu pour les interrogatoires. Il est vide, trois chaises, une table et rien d’autre à part des affiches au mur avec des numéros d’urgence pour les enfants disparus ou les femmes battues. Tout ça me rappelle trop la première fois où je me suis retrouvé en garde à vue mais avec une rage plus forte encore car, cette fois-ci, je n’ai rien fait de répréhensible. Quand un mec en uniforme se pointe avec ce qui semble être mon dossier, il soupire en s’asseyant devant moi.

— On va commencer par confirmer ton identité. Sacha Moretti, c’est ça ? Tu sais que c’est con de replonger comme ça ? Je vois que tu faisais partie d’un programme expérimental en plus, un petit boulot. Putain, c’est chiant de voir que tu fous tout ça en l’air. Si tu veux sauver ce qui peut être sauvé, il faudrait que tu nous dises où on peut trouver ton pote Jonathan. Tu te rends compte qu’un flic a été gravement blessé ? S’il y passe, tu risques vingt ans pour complicité. Bref… tu veux un avocat ou on gère ça entre hommes ?

J’hésite un instant mais je sais que je n’ai rien à me reprocher.

— J’ai rien fait, je ne sais pas où est Jo et je m’en tape. Je n’ai plus rien à voir avec lui. Alors, elle est belle, la complicité… Vous ne pourrez rien prouver parce qu’il n’y a rien à prouver. Alors, je veux bien parler, oui, mais je veux un avocat, oui.

Le gars grimace car il sait que tout ce que je vais dire, il ne pourra pas l’utiliser puisque j’ai demandé à être assisté. Il prend son téléphone pour confirmer ma demande et me regarde.

— T’as quoi à dire pour ta défense ? Tu crois vraiment qu’on va te laisser tranquille juste parce que tu nous dis ne rien savoir ? Il est où, Jo ?

— La dernière fois que je l’ai vu, il rentrait chez lui à Mantes. L’appart au premier étage, vous devez le connaître. Sinon, c’est que vous êtes vraiment nuls en tant que flics.

— Et donc, vous avez discuté, si tu sais où il rentrait. Il t’a proposé du business, je suis sûr. Comment tu veux qu’on croie que tu n’as pas replongé au vu de ton dossier ?

— Que vous me croyiez ou pas, j’ai rien fait du tout, donc je peux rien vous dire. J’ai arrêté les conneries, je suis un bon petit citoyen modèle, maintenant.

— Ouais, c’est ça. Et ta copine, là, elle ne sait rien non plus, c’est ça ? Si tu parlais, ça m’arrangerait, j’ai pas envie d’organiser une perquiz’ chez elle, tu vois ?

— Mais puisque je vous dis que je peux rien vous dire ! m’agacé-je. Et si je sais rien, elle ne sait rien non plus. Foutez-lui la paix, elle n’a rien à voir avec cette partie de ma vie. Et je n’ai plus rien à voir avec cette partie-là non plus, d’ailleurs.

— Je vois, soupire-t-il en se levant. On reprendra cette conversation stérile tout à l’heure avec ton avocat. En attendant, je vais voir avec le juge pour le mandat. Ta copine sera contente de me voir, je suis sûr. Réfléchis bien à tout ça quand tu seras dans ta cellule. A tout à l’heure.

Je n’ai pas le temps de réagir qu’il est déjà sorti de la pièce. Alors que je me lève pour le rappeler, la porte s’ouvre à nouveau et je me retrouve face à deux flics qui m’empêchent d’aller plus loin et me conduisent jusqu’à une petite pièce fermée à clé. Ils m’ont au moins retiré les menottes, mais j’ai l’impression dans ma tête de toujours être pieds et poings liés. Je ne sais pas pourquoi ils m’ont coffré ni ce qu’ils peuvent avoir contre moi mais je sais que je suis dans la merde. Un ex-taulard est toujours coupable a priori, jusqu’à preuve du contraire. Et là, s’ils débarquent chez Livia, je peux faire une croix aussi sur notre relation. Pauvre Mathis qui risque d’être traumatisé par tous ces flics qui vont se pointer chez eux. Tout ça par ma faute. Et le pire, c’est que je n’ai rien fait pour mériter ça.

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