Chapitre 1: Chicago...
En sueur, je m’étais réveillée en hurlant comme chaque nuit depuis plus de vingt ans. Je me passai une main sur le visage, puis dans mes cheveux avant de tourner la tête vers le réveil qui se trouvait sur ma table de nuit. Je vis qu’il était presque quatre heures du matin. Je repoussai les draps et quittai le lit avant de me saisir de mon peignoir en satin. Je quittai ma chambre et descendis jusqu’à la cuisine. Je me servis un jus de fruit et vins me poser derrières mes écrans d’ordinateur. Je consultais les écrans et me plongeai longuement dans le boulot de façon à oublier les souvenirs qui m’assaillirent. Lisant mes mails, je découvris alors que l’appartement que j’avais visité deux semaines plus tôt était enfin à moi. Je me levai et arrachai une photo de mon mur avant de me rapprocher des fenêtres. Je posai un regard sur la ville et ses lumières qui ne s’éteignaient jamais avant de prendre une grande inspiration.
- Quand j'étais petite, ma vision de la vengeance se limitait à quelques proverbes comme « La violence n'est pas une solution ». Mais en réalité, la violence est un écho insignifiant face à la cruauté humaine. Contre la souffrance véritable, il n'existe que deux issues : le pardon total ou la vengeance implacable. Mon histoire n'est pas celle du pardon. Ils m'ont arraché tous ceux que j'aimais, ne laissant qu'un vide glacé et une colère brûlante. Aujourd'hui, il ne me reste que la vengeance. Comme je l'ai dit, ce récit n'est pas une histoire de pardon. C'est une histoire de vengeance. La mienne. Et elle commence maintenant. Ils découvriront bientôt la terreur de leurs propres ténèbres, car je ne m'arrêterai pas tant que la dernière étincelle de vie ne sera éteinte dans leurs yeux, me promis tout en posant un regard sur la photo que tins dans ma main.
Je fixai cette photo volée de ma première cible, ma porte d’entrée dans ce monde élitiste et secret, mais surtout criminel et sans limite à leur cruauté. Ma cible n’était autre que celui dont le visage me hantait, celui qui portait ma marque sur son visage et à qui j’avais échappé du haut de mes six ans, le fils de mon ennemi, le prince de la famille Volakys. Stravos Volakys était ma cible, celui qui serait mon pion, mon cavalier sur mon jeu d’échec.
Après une longue séance de sport, une douche brûlante, je posai un regard sur la ville. Le soleil fut enfin debout, émergeant derrière les immeubles et se reflétant peu à peu à travers la pièce. Je terminai de me préparer pour ensuite me rendre dans mon futur appartement.
J’optais pour une tenue simple, sans trop de chichis, comme un chemisier en gaz de coton jaune moutarde, très échancré avec un jean boyfriend avec des trous au niveau des genoux et une paire de baskets montantes styles Convers. Je portais un simple collier dorée avec une clé de sol en guise de pendentif et surtout un jonc doré simple avec un petit ruban noir à l’intérieur. Je me maquillai rapidement avant de prendre mes affaires pour rejoindre mon futur appartement.
Franchissant les porte du hall de mon futur immeuble, je repérai rapidement mon agente immobilière. Cette dernière esquissa un grand sourire en m’apercevant. Je lui rendis son sourire avant de saluer poliment le gardien. Ce dernier m’expliqua rapidement son fonctionnement et je le gratifiai d’un sourire chaleureux avant de suivre mon agente jusqu’à l’ascenseur. Rapidement, on arriva dans le couloir qui desservait les deux appartements terrasses du dernier étage de l’immeuble. L’agente inséra les clés dans la serrure quand un bruit de porte se fit entendre dans notre dos. Lentement, je me retournai et lui fis face, au même moment, ce dernier leva la tête et son regard se riva au mien. Il marqua un temps d’arrêt avant de tirer la porte de son appartement derrière lui.
- Mademoiselle West, laissez-moi vous présenter votre voisin, monsieur Volakys.
- Enchanté, dit-il vivement.
- Moi aussi, répondis-je en lui tendant ma main.
Il la fixa et délicatement la saisit pour la serrer.
- Bienvenue dans l’immeuble.
- Merci.
- Je dois y aller.
- Bonne journée.
- A vous aussi, me dit-il tout en se dirigeant vers l’ascenseur.
L’agente pénétra dans l’appartement, et j’osais tourner la tête, croisant son regard qui lui ne m’avait nullement quitté. Je pénétrai dans mon nouvel appartement. Ce dernier était vide, mais très lumineux. Composé de très grandes fenêtres et d’une terrasse. La cuisine se trouvait dans une sorte de verrière et avait été totalement refaite. Dans des tons clairs avec du béton et du bois teint au brou de noix. Celle-ci possédait un îlot central, sur lequel se trouvait l’évier. La salle à manger était dans la capacité de recevoir une grande table pour dix à douze convives. Le salon lui était délimité par une estrade en bois. Un escalier en colimaçon menait à l’étage qui possédait une mezzanine ouverte sur la cuisine. Je me souvins que l’étage était divisé en deux, un partie suite parentale avec une grande chambre, un dressing et une salle de bain. Le reste était composé de deux autres chambres, que j’avais l’intention de transformer en autre chose.
- Voilà, c’est ici chez vous. Félicitations, mademoiselle West.
- Merci beaucoup, c’est grâce à vous.
- Avant de partir, je tenais à vous dire de faire attention.
- De faire attention à quoi ? demandai-je innocemment.
- Votre voisin, ce n’est pas un homme fréquentable.
- Monsieur Volakys ?
- Oui, son père est un homme d’affaire, le plus puissant de notre ville. D’après les rumeurs, ce derniers ne reculerait devant rien pour obtenir ce qu’il désire.
- Je vois, merci pour tous ces conseils avisés.
- De rien. Et puis vous êtes bien trop jolie pour lui. Vous avez vu l’énorme cicatrice qui orne son visage. Cela le rend encore plus monstrueux qu’il ne l’est certainement.
Je me retins de lui répondre que celle-ci lui sied à ravir et qu’elle était à l’image du tueur froid qu’il était.
- Je ne juge pas un livre à sa couverture, répondis-je.
- Voici vos clés et votre acte de propriété. Bienvenue chez vous.
- Merci, je vais pouvoir prévenir la société de déménagement qu’elle peut enfin venir livrer mes meubles. Je vous raccompagne ? Je vais en ville faire un peu de shopping pour décorer mon nouveau chez moi.
Raccompagnant l’agente immobilière jusqu’à la porte du hall, le gardien me fit un signe pour me parler. Je saluai alors l’agente immobilière et m’approchait de la loge du gardien.
- Rebonjour, Charli.
- Mademoiselle West, je vais pouvoir inscrire votre nom sur la boîte pour votre courrier ?
- En effet.
- Quand comptez-vous emménager ?
- Une agence de déménageurs doit passer pour me ramener mes affaires dans la journée.
- Bien, je me ferai un plaisir de les guider. Ils pourront passer par l’ascenseur de services et le monte-charge en passant par le parking souterrain.
- Parfait, merci beaucoup Charli.
- Je me dois également de vous remettre les clés d’accès de la salle de sport et de la piscine, ainsi qu’une place de parking pour votre voiture.
- Merci beaucoup, Charli.
- Je vous prépare une enveloppe et je la poserai sur le plan de travail de votre cuisine, si vous le voulez.
- Ce sera parfait, merci. Je vais faire un peu de shopping, il se pourrait que je craque et que je me fasse livrer quelques trucs ici.
- Bien sûr. Bonne journée à vous mademoiselle West.
- Au revoir, Charli.
Je me dirigeai vers la sortie et croisai sur le parvis de notre immeuble, Stravos. Ce dernier hocha la tête discrètement pour me saluer avant que je me retourner et ne l’interpelle.
- Excusez-moi !
- Je suis navré, je n’ai pas...
- Je voulais juste vous demander où vous avez acheté votre café ? Je suis nouvelle dans cette ville.
- Je peux savoir ce que vous voulez ?! me hurla-t-il dessus tellement fort que cela attira l’attention de tous les passants et même du gardien.
- Une adresse pour un café, m’intégrer dans cette ville et accessoirement faire connaissance avec mon voisin, mais cela ne semble pas possible. Bonne journée, monsieur Volakys et navrée de vous avoir importuné, répondis-je tout en m’éloignant.
- Attendez ! cria-t-il tout en posant sa main sur mon épaule. Je suis désolé. Je... Je peux vous inviter et vous offrir un café pour me faire pardonner pour mon comportement de connard.
- Je ne veux pas que cela vous dérange.
- Je ne vous l’aurais pas proposé, si cela avait été le cas.
- Je veux bien, répondis-je en lui offrant un petit sourire en coin.
- On peut y aller à pied, me dit-il tout en me défiant secrètement de m’afficher avec lui en plein centre-ville.
Je hochai la tête et le suivis à travers la foule. Je vis les femmes le regarder avec dégoût et même certaines tourner la tête comme si la cicatrice qu’il avait au visage était contagieuse. On arriva dans un café et Stravos m’ouvrit la porte. Je franchis le seuil de la boutique et m’approchai du comptoir. Une vieille dame prit ma commande et Stravos me proposa d’aller m’asseoir à une table. J’acceptai son invitation et rapidement, je me glissai sur une banquette et ce dernier prit place en face de moi.
- Encore désolé pour mon comportement.
- Je comprends, j’ai vu comment les gens vous regardaient, cela doit être pesant au quotidien.
- Et vous ?
- Quoi moi ?
- Vous n’êtes pas dégoûtée par ma cicatrice.
- Non, je suppose que vous pourriez l’enlever avec de la chirurgie, mais que si vous ne le faites pas, c’est pour une bonne raison.
- C’est un souvenir, le premier d’une longue série, et celui qui me hante le plus.
- Je comprends, j’ai quelques souvenirs ancrés dans ma chair.
- C’est vrai ?
- Oui, lui dis-je tout en lui dévoilant mon poignet avec la longue cicatrice rosâtre qui l’ornait. J’avais seize ans quand je me suis fait cette cicatrice.
- Tu as tenté de te suicider ?
- Oui, après une énième agression d’un des gardiens du centre de détention pour mineure où je me trouvais.
- Dis-moi que ce connard est en taule ?
- A dire vrai, je ne sais pas où il est. Après ma tentative, le centre m’a transféré et je n’ai plus jamais eu de nouvelle.
Je me tus quand la serveuse approcha, elle posa devant moi mon chocolat chaud et mon cookie. Elle retint une grimace quand son regard croisa celui de Stravos et disparut aussitôt, sans cacher sa gêne. Stravos soupira et riva son regard au mien avant que ce dernier se porte dans mon dos. Il saisit fortement son gobelet. Discrètement, je tournai la tête et aperçus un groupe de femmes. L’une d’elle nous repéra et je tendis mon bras pour saisir la main de Stravos. Son attention se reporta aussitôt sur moi. Je lui souris et ce dernier fixa ma main sur la sienne. De mon autre main, je cassai un morceau de cookie et le portai à sa bouche. Surpris par mon initiative, il se laissa aller et goûta mon gâteau. Les femmes prirent place à une table et je pus sentir leurs regards sur nous.
- Ceux sont des amies ?
- Non, l’une d’elle est responsable de ma méfiance à ton égard.
- Laisse-moi deviner, ton argent et ton nom sont acceptables, mais d’être vue avec toi, ne l’était pas ?
- Je l’ai demandé en mariage, elle m’a humilié publiquement et aujourd’hui nos familles se font la guerre.
- Je comprends ta méfiance, elle ne me blesse pas, elle est légitime, dis-je tout en portant mon chocolat chaud à ma bouche.
Stravos et moi, on discuta de la ville, il me fit part des bonnes adresse pour manger et sortir. On quitta le café, une fois nos consommations terminées, tous les deux et remonta la rue pour rejoindre notre immeuble. Ce dernier s’excusa quand il reçut un appel et s’éloigna pour répondre. Je l’entendis éconduire son interlocuteur avant de s’approcher de moi.
- Désolé.
- Je comprends, pas de soucis.
- Je ne t’ai même pas demandé ton prénom.
- Chicago.
- Et sinon, ce soir, ça te dirait de dîner avec moi ?
- Où ça ?
- Chez moi.
- Aurais-tu honte de sortir en public en ma compagnie ? lui demandai-je en souriant.
- Non, je ne veux juste pas sentir, toute la soirée, le regard pesant des gens sur moi, et être en colère, tu ne le mérites pas.
- Et si moi je voulais m’afficher avec toi ? Je me fous du regard des gens et tu devrais, toi aussi t’en foutre.
- Je m’en fous, c’est juste que c’est pesant au quotidien et que cela en devient oppressant mais également blessant. Mais si tu veux vraiment sortir, je connais un resto sympa.
- A quelle heures dois-je être prête ?
- On dit dix-neuf heures ?
- Je serais prête.
- Alors à ce soir, dit-il en souriant.
- A ce soir, répondis-je avant de faire le tour de ma voiture pour grimper à l’intérieur.
Ce dernier attendit que je parte pour rentrer dans l’immeuble. Arrivée à un feu rouge, je soupirai tout en serrant fortement mon volant, satisfaite d’avoir flairée ma proie. Il ne me restait plus qu’à la sécuriser et ainsi l’utiliser pour assouvir ma vengeance. Tout était en marche, aucun retour en arrière n’était possible. La famille Volakys allaient payer pour la mort des miens.
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