Les progrès d'Ariston
Ariston, amené à évaluer les progrès de son parcours dans le brouhaha infernal des travaux en cours, décida de rallumer une cigarette, dont l’essence de ces émanations toxiques ne lui avait pas échappé d'en inhaler encore une bouffée et surpassait ainsi la réalité. Quand Ariston fumait, aucun astre n’aurait pu le déboussoler de son orbite. Il était décidé et pressé d’en humer la satisfaction personnelle qu’il éprouvait et amplifiait ainsi l'intensité de ses émotions. Des cigarettes, il en consommait beaucoup, mais force est de constater qu’aujourd’hui, et depuis peu, ils voulaient comprendre son addiction. Par-là, il sous-entendait les caractéristiques qu’il donnait à la cigarette et les causes dont l’issue demeurait incertaine. La cigarette était, selon lui, un trompe-l’œil facile d’accès et très addictif, mais également très néfaste pour ses poumons et autres organes de son corps.
Tandis qu’il était en train de s’imprégner de l’air nauséabond de sa compagne, il observait dans sa plus profonde conscience ses agissements pour en déceler des points qu’il aurait pu remarquer. Notamment, il avait noté que lors d’un stress intense, d’une joie immense, d’un repos prolongé, ses pensées se tournaient vers ce tube organique et tous ses sens étaient en éveil. Sans en fumer une pendant une longue période, provoquait chez lui des douleurs mentales intenses dont il ne s’échapperait pas sans en fumer une. Il ne pouvait constater le gap entre sa conscience après avoir fumé et celle avant. En effet, toutes ses actions qu’ils étaient amenés à faire étaient comme toute plongées dans l’obscurantisme de la cigarette. Il avait beau se dire des mots d’encouragements. Il devait son salut à la propension à mettre une barrière indéfectible entre lui et la cigarette, ce qu’il ne voyait pas les moyens qu’il aurait pu mettre en œuvre pour y parvenir.
Après avoir fumé sa cigarette, son état redevenait perché sur un fil en suspension. Où il allait, il devait toujours faire attention de la manière dont le déclenchement de l’envie se passait. À certains moments, il n’avait pas trop envie, à d’autres, il aurait fumé cinq d’affilés. Pour ces raisons obscures, il devait effectuer absolument un travail sur lui. Il était d’autant plus convaincu que chaque jour il en consommait davantage et ses poumons étaient remplis de goudron provoqué par l’inhalation prolongée de la cigarette. Sa faible capacité à résister pouvait néanmoins être résorbée par le fait d’en parler. Mais au-delà des belles paroles qu’il aurait pu avoir, sa démarche consistait en une approche personnelle, une expérience profonde de sa dépendance. Ces observations le conduisaient toujours à la même conclusion : plus fort que la cigarette, je n’ai jamais trouvé. Mais pourtant, une lueur d’espoir se démarqua de son horizon. En effet, pour la première fois, il donnait des mots à sa dépendance. Il cherchait peut-être en vain, mais cela ne pouvait pas lui faire du mal. C’est surtout le temps qu’il n’aurait plus eu à son avantage. Car il avait dans la cinquantaine et à cet âge-là, on n’a plus la même mentalité que dix ans plus jeunes. Il s’en alla vers Adhipo, son porte-parole, un peu fier, un peu émoustillé. Il avait la ferme intention d’en débattre jusqu’à la fin, et s’il voyait une brèche, il aurait sauté dessus, transcendé par la force de sa conviction.
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