Une journée bien ordinaire

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Vous désirez toutefois découvrir une de ses journées, car le lecteur est ainsi fait, il s'attend toujours à quelque chose de différent, de palpitant ou d'intriguant. Mais il n'y avait là rien que de très ordinaire dans les journées d'Iris.

C'était un matin d'octobre 2004 des plus flamboyants dans la région de CrossWay, et l'automne avait déversé ses ors dans les moindres recoins des parcs et des jardins de Roselake. Les allées commençaient à se tapisser d'un tapis de feuilles cuivrées et les ménagères soigneuses n'allaient pas tarder à ratisser devant chez elles. Iris, quant à elle, ne prenait pas cette peine et jugeait que la nature savait très bien prendre soin d'elle-même. Elle croyait au cycle de la vie, et si les feuilles tombaient, c'était pour enrichir la terre de son jardin, lui évitant ainsi de le polluer d'engrais au printemps suivant. Et sincèrement, n'y avait-il rien de plus beau que le vent jouant dans les feuilles multicolores ? Elle ne se lassait pas d'admirer cette danse, debout à la fenêtre de son salon , une tasse de chocolat chaud dans les mains.

Tout en regardant le spectacle matinal offert par la nature, elle se mit à anticiper la journée devant elle, et après avoir mordu dans une tranche de brioche, elle enfila ses chaussures de sport et partit en courant faire le tour de son quartier. Après une douche rapide, elle monta dans sa Yaris et prit la direction du centre-ville. Elle passait chaque matin à la bibliothèque pour retirer un nouveau livre à rénover ou déposer une commande terminée, ou tout simplement pour flâner entre les rayonnages poussiéreux de ce bâtiment construit à la fin du XIXème siècle. La particularité de cette bibliothèque était son étage en cathédrale qui permettait d'entendre et de surveiller tout ce qui se passait au-dessous sans être vu. Mike Thompson était le propriétaire des lieux et s'était mis d'accord avec la mairie pour y installer une bibliothèque publique au rez-de-chaussée, et une librairie de livres anciens et autres grimoires à l'étage, des occasions qu'il dénichait au gré de ses voyages. Lorsqu'Iris avait emménagé dans Roselake trois années plus tôt, ces deux bibliophiles n'avaient pas tardé à se rencontrer et à faire affaire : lui, en proposant à ses clients les services d'une relieuse d'art, elle, en étant une critique littéraire attentive et bienveillante.

Ce mercredi matin, elle se stationna près du kiosque à journaux, et acheta comme d'habitude son journal. La première page présentait en grand et en couleur la photo de la lune, et elle n'eut pas le temps de lire le titre que le kiosquier, Eric B. Lowell, l'interrogea :

- Alors Iris, allez-vous assister à l'éclipse totale de lune cette nuit ? Les habitants de Roselake vont se retrouver à une heure du matin sur les bords du lac, chacun apportera des sacs de couchage et des sandwichs, et je vais inaugurer mon nouvel appareil photo... Viendrez-vous ?

- Euh, peut-être... Bonne journée Eric !

Iris s'échappa rapidement vers la bibliothèque, sachant pertinemment que si elle restait discuter avec le marchand de journaux, elle n'aurait plus besoin de lire le quotidien.

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