Le livre perdu
Un vacarme métallique sortit Iris de son sommeil. Elle fit un bond dans son lit, se demandant ce qui avait bien pu causer un tel raffut. En jetant un oeil sur son réveil, elle vit qu'il était 6h35 et qu'il lui restait une bonne heure de sommeil. Mais quelques secondes plus tard, elle entendit un bruit de verre brisé, et aux cris de sa voisine, Iris comprit que sa nuit était terminée. C'est à ce moment précis que la conscience de la jeune femme s'éveilla pleinement. Quelque chose n'allait pas. Iris se leva d'un bond et ouvrit en grand sa fenêtre pour voir madame Jefferson au milieu de ses poubelles renversées.
- Madame Jefferson, ne me dites pas qu'ils ont recommencé ?!
- Recommencé ? Mais de quoi parlez-vous ? Regardez un peu ce qu'ils viennent de faire ! Et ma cuisine est ravagée. Ma vitre a explosé ! Ils me la paieront !
- Ce n'est pas ce qu'ils avaient déjà fait hier ?
- Mademoiselle Murphy, vous vous moquez de moi ? Bravo la solidarité entre voisins !
Pauline Jefferson tourna ensuite les talons aussi élégamment que ses pantoufles avachies le lui permettaient, et rentra chez elle en claquant ostensiblement la porte. C'est alors qu'Iris fit la grimace devant cette désagréable impression de déjà vu. Ces garnements n'avaient pas eu froid aux yeux en recommençant leur chamboule-tout le lendemain-même de leurs premiers exploits. En refermant la fenêtre de sa chambre, Iris se retourna vers son lit, et au moment de tendre la couette pour éviter de se recoucher, elle ne se rappela pas s'être mise au lit la veille. Elle avait travaillé tard et s'était endormie toute habillée dans son vieux fauteuil au milieu de l'atelier. Elle se souvenait d'ailleurs qu'elle était en train d'écrire son journal quand le sommeil avait eu raison d'elle. Mais elle ne se souvenait pas d'avoir enlevé ses vêtements et d'avoir plongé dans son lit. Iris se rendit compte qu'elle se négligeait de plus en plus. Un jour, elle oubliait de manger, le lendemain, elle tombait de fatigue près de son établi. Heureusement, maintenant que la commande de monsieur Ricardo Edwards était terminée, elle était bien décidée à contacter la cousine de Mike et décrocher un entretien pour avoir enfin le temps de s'entretenir elle-même.
Tout en cherchant un survêtement pour son footing, Iris vit dans son armoire le legging rouge et noir qu'elle avait enfilé la veille. Avec une grimace de dégoût, elle le saisit et le jeta dans la panière de linge sale. Elle revêtit alors son jogging kaki et sa casquette militaire qui retenait sa chevelure en queue de cheval, puis se dirigea vers la porte pour se rendre au parc Greyspawn. Mais elle décida, avant d'aller courir, de jeter un oeil sur cette commande qui lui avait donné tant de fil à retordre la veille. Elle n'avait même pas eu le temps de lire quelques-uns des poèmes édités par monsieur Edwards. Elle profiterait de son petit-déjeuner pour le feuilleter, quand l'idée la fit rire d'effroi en imaginant de la confiture coulant entre les pages. Mais c'est un autre rire qui la secoua quand elle pénétra dans son atelier. Un rire nerveux la saisit, un rire qui se transforma vite en larmes.
Le livre de monsieur Edwards avait disparu.
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