Remue-méninges

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Impossible d'y croire, le livre sur lequel elle avait travaillé avec tant d'acharnement n'était nulle part. L'établi était toujours aussi encombré de chutes de cuir et de fils de toutes sortes, mais aucun livre en cours de réfection ne s'y trouvait. Elle souleva quelques manuels qui auraient pu le dérober à sa vue, mais seule la poussière semblait s'amusait dans ces endroits cachés. A genoux dans son survêtement, la casquette vissée sur la tête, c'est dans son atelier qu'Iris s'échauffa et transpira, rampant derrière les meubles au cas où un lutin lui aurait fait une farce. Iris croyait perdre la tête en fouillant des endroits incongrus, juste dans l'espoir que ce livre si cher aux yeux de monsieur Edwards réapparaisse par magie. Il lui était impossible d'imaginer faire face à cette personne si froide pour lui annoncer que son recueil de poèmes était perdu. Elle se rappelait les ordres qu'il lui avait donnés la veille, et surtout le soin qu'elle avait accordé à cette commande, tout ce temps de travail perdu lui donnait des hauts le coeur, alors qu'elle avait désespérément besoin d'argent.

A un moment, elle se remit debout, resta au milieu de son atelier, et elle vit le carnage qu'elle venait de réaliser : elle avait poussé les meubles un peu partout, des piles de livres s'étaient effondrées dans les angles de la pièce, des tiroirs avaient été renversés sur le sol pour en vérifier le contenu, tout était sens dessus-dessous, mais le livre de monsieur Edwards restait introuvable. Iris était aux abois, car non seulement elle était dans l'incapacité de prouver que son travail était à jour, mais le pire était qu'elle avait perdu l'ouvrage d'un client, une oeuvre littéraire unique qu'elle ne pourrait remplacer d'aucune manière.

Après un dernier regard d'horizon sur son atelier en chantier, Iris se dirigea machinalement vers la cuisine, d'un pas traînant, pour se faire griller quelques tartines. Elle refaisait mentalement ses faits et gestes de la veille et essayait de se rappeler où elle avait bien pu laisser sa commande terminée. Il était deux heures du matin quand elle avait protégé dans du papier kraft le recueil à la belle couverture de cuir sombre, et aux deux initiales gravées simplement au centre. Puis elle l'avait laissé sur place, au milieu de son établi, le rouleau de kraft posé au sol contre le mur, et les débris de son artisanat éparpillés autour d'elle. Elle ne nettoyait son atelier que ponctuellement car elle avait appris qu'elle se mettait plus vite au travail si ses ustensiles étaient déjà sortis, prêts à être saisis sans même les regarder. C'était un tendre bazar organisé, que personne ne venait déplacer. Iris y avait ses repères et de toute manière, n'avait jamais eu de problème avec cela, jusqu'à ce jour. La disparition du livre était d'autant plus inexplicable qu'elle n'avait aucun sens. Qui aurait bien pu venir voler un livre de poèmes sans valeur autre que celle que l'auteur lui donne ? Qui d'ailleurs pourrait venir voler un livre dont personne ne connaissait même l'existence ?

A cette pensée, elle s'arrêta de respirer et imagina une farce d'un très mauvais goût de la part de Mike. En même temps, cela la rassurerait de savoir que son livre était peut-être déjà en sécurité dans la bibliothèque de son ami. Elle bondit hors de la cuisine, saisit ses clefs de voiture, et sans un regard à la boîte aux lettres qui débordaient de courrier, elle s'enfonça dans la Yaris et démarra comme une trombe. Si c'était bien Mike qui était venu lui dérober le livre pour lui faire peur, il allait être remercié comme il se doit, et elle trouverait bien le moyen de lui faire passer l'envie de recommencer ce genre de plaisanterie. Iris était toute à ces considérations quand elle vit trop tard la forme blanche et noire qui bondit devant sa voiture. A trop vive allure, elle n'eut pas le temps de freiner et percuta très violemment la chose en question. Affolée, Iris arrêta le véhicule et sortit voir ce qu'elle avait renversé. Elle poussa un cri en voyant le corps inanimé d'un border collie.

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