Dernier saut

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Iris était devant sa voiture, anéantie. Le chien qu'elle avait évité la veille était étendu devant elle sur la chaussée. Elle s'agenouilla près de lui et avec une infinie précaution, souleva la tête du chien et la posa sur ses genoux. Les passants qui avaient vu la scène s'étaient tous regroupés autour de la jeune femme choquée et du pauvre animal. Après des exclamations de surprise, chacun retenait son souffle. Iris cherchait un signe de vie, et tâtait le chien sur le côté pour sentir les battements de son coeur. Mais quand elle se rendit compte qu'il était mort, ses mains commencèrent à trembler et elle cacha ses larmes dans son pelage. Les discussions reprirent alors vivement autour d'elle, les uns l'accusant de rouler trop vite, les autres signalant que le chien avait traversé la route comme une balle et que personne n'aurait pu le prévoir. Mais Iris s'en voulait déjà tellement qu'elle n'avait pas besoin de l'avis d'autrui pour se culpabiliser et reconnaître ses torts. Elle venait de tuer un chien, une bête magnifique, et elle le cajola comme s'il pouvait ressentir ses regrets. Elle reconnaissait l'animal qui avait traversé au même endroit vingt-quatre heures plus tôt, et se demandait ce qui pouvait pousser le border collie à surgir ainsi devant sa voiture deux jours de suite.

- C'est lamentable, qu'allez-vous faire maintenant ?

- Mais laissez-la tranquille, c'est déjà bien assez éprouvant pour elle, regardez dans quel état elle se trouve.

- Mademoiselle, voulez-vous qu'on appelle quelqu'un ?

- Non, je vous remercie, je vais le conduire chez le vétérinaire. Il va peut-être savoir à qui il appartient.

- Je vais vous aider à le transporter dans le coffre, madame.

Les habitants de Roselake avaient fini par prendre en pitié cette conductrice émouvante, et un jeune homme souleva l'animal pantelant et le déposa doucement dans le coffre de la Yaris. Iris se remit au volant et se rendit chez le vétérinaire qui se trouvait dans une rue perpendiculaire à la rue de la librairie Thompson. Là, le vétérinaire l'attendait sur le trottoir, visiblement prévenu par un des passants qui avaient assisté à l'accident. Iris fut soulagée de se sentir soutenue et comprise, mais ne fit que répéter des excuses interminables pendant que l'homme vérifiait l'état du chien. Malheureusement, il avait vécu.

Iris marcha tristement jusque la librairie de Mike, et à peine lui dit-il bonjour qu'elle s'effondra dans ses bras en larmes. Elle sanglotait comme une petite fille, n'arrivant pas à s'exprimer clairement, devant un Mike qui ne comprenait pas ce qui avait pu lui arriver. Il sentait qu'Iris avait juste besoin de sentir sa présence, et il la lui accorda pleinement. Au bout d'un certain temps, elle se calma et leva les yeux vers son ami. Il y avait toute la détresse du monde dans son regard. Mike se sentait impuissant devant tant de candeur.

- Que t'est-il arrivé, ma belle ?

- Je ne comprends pas, rien ne va plus.

- Calme-toi, je peux certainement t'aider ?

- Non pas vraiment, je viens de tuer un chien, tu sais, le chien que j'avais déjà failli renverser hier, et puis, j'ai perdu ma commande, je me sens complètement perdue.

- Un chien hier ? Ah bon ?

- Mais oui, rappelle-toi, il avait déboulé devant ma voiture, mais aujourd'hui, je roulais bien trop vite, et je n'ai pas eu le temps de freiner, il est mort à cause de moi...

- Ecoute, tu n'y peux plus rien, n'y pense plus, ça ne sert à rien.

- Et la commande, Mike, j'ai perdu le livre d'un client, comment vais-je lui expliquer ça ?

- Tu ne l'as pas perdu, tu vas le retrouver.

Un regain d'espoir se lut dans les yeux d'Iris et elle s'apprêtait à lui demander s'il était responsable d'une mauvaise farce quand Mike la prit de court.

- Et madame Walker est très compréhensive, elle te donnera sans problème un délai.

- Mais je lui ai déjà donné son livre hier, non, je parle du livre de monsieur Edwards !

A cet instant, la petite clochette de la porte retentit, annonçant l'arrivée d'un client. Mike et Iris se retournèrent en même temps pour voir de qui il s'agissait. C'est alors que madame Walker s'allongea de tout son long sur le seuil de la bibliothèque.

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