Le refus

3 minutes de lecture

C'était impossible à croire, on ne pouvait pas être jeudi, elle se rappelait très bien ce qu'elle avait fait de son jeudi, de son "hier"... Elle avait déjà donné à madame Walker son livre, et elle avait passé toute sa journée à faire la commande de monsieur Edwards. D'ailleurs, où pouvait bien se trouver cette commande ? C'est alors qu'Iris commença à réunir mentalement certains passages de la journée comme des pièces de puzzle d'une image inconnue. Le vacarme des poubelles de sa voisine se confondit dans sa tête au crissement des pneus de sa voiture quand elle avait percuté ce pauvre chien... La veille également, les mêmes événements s'étaient produits, mais ses réactions différentes avaient amené des conséquences différentes : le chien était mort par sa conduite folle, alors que la veille, elle consuisait prudemment et qu'elle avait pu l'éviter. Et son legging dans le placard n'était peut-être pas souillé de sa course de la veille, comme elle l'avait imaginé en le voyant. Peut-être était-il aussi propre que la veille ?

C'est alors que sa recherche effreinée du livre de monsieur Edwards lui revint en mémoire. Si cette journée, ce jeudi 28 octobre, était vraiment en train de se répéter, alors il était normal que le recueil de poèmes fut introuvable sur son établi, car monsieur Edwards ne lui avait pas encore demandé de le réaliser en urgence. C'est alors qu'une voix se fit entendre, tout près d'elle, répétant son nom. Elle n'y avait pas fait attention tant son esprit essayait de recoller les morceaux de sa journée passée.

- Iris, qu'avez-vous ? On dirait que vous avez vu un fantôme ?

- Excusez-moi, Eric, je ne me sens pas très bien, je vais rentrer.

- Voulez-vous que je prévienne monsieur Thompson ?

Mais déjà Iris ne l'entendait plus. Elle se hâtait vers sa voiture, avec une seule idée en tête.

Au volant, elle conduisit machinalement vers sa maison, se gara dans l'allée devant son garage et en sortant de sa voiture, elle pensa à regarder dans sa boîte aux lettres : l'enveloppe des impôts était de nouveau dans la pile de courrier. Elle laissa tomber négligemment toutes les lettres au sol, entra dans sa maison et se dirigea vers son atelier. Il était dans le même désordre qu'elle l'avait laissé le matin-même après la recherche infructueuse du livre de monsieur Edwards, mais elle chercha cette fois une autre commande. Au bout de quelques secondes seulement, elle trouva ce qu'elle cherchait sur le rebord de la véranda. Un paquet enveloppé dans du papier de soie attendait patiemment son retour chez sa propriétaire, et Iris n'avait pas besoin de le déballer pour reconnaître le livre de recettes de madame Walker. C'en était trop pour la jeune femme, elle recula sous l'effet du choc, devant l'évidence qu'elle vivait bien pour la deuxième fois la même journée, et trébucha sur son fauteuil dans lequel elle s'affaissa. Elle se prit la tête dans les mains pour essayer de trouver une explication rationnelle, mais rien de logique ne lui venait à l'esprit. Quand elle entendit la sonnerie de son téléphone, il était dix heures vingt. Elle saisit le combiné et entendit la voix de Mike qui lui demandait de ses nouvelles. Elle répondit évasivement qu'elle était fatiguée et qu'elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Mike lui annonça alors qu'il venait de recevoir la visite de monsieur Edwards qui insistait pour que sa commande soit terminée plus tôt. Elle sourit en l'entendant, et se leva pendant que son ami essayait de dédramatiser les derniers incidents. Elle se dirigea près du rebord où elle avait retrouvé le livre de madame Walker, et où elle rangeait les commandes en attente de traitement. Elle souleva un magazine de beaux-arts et trouva immédiatement le livre de poèmes de monsieur Ricardo Edwards, sans sa couverture puisqu'elle était censée la réaliser en catastrophe dans l'après-midi. Elle entendait la voix de Mike mais elle ne comprenait plus ce qu'il disait. Elle vivait un cauchemar.

Annotations

Vous aimez lire Ayla ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0